En 1833, il entre au conservatoire de Lille où il apprend le violon (peut-être aussi le violoncelle), sous la direction des professeurs Müller et Baumann. C'est à Paris, en 1839, qu'il poursuit ses études musicales, contre la volonté de son père. Ses professeurs de violon sont alors Pierre Baillot puis François-Antoine Habeneck. En 1843, le pianiste Julius Schulhoff l'initie à la composition. Il se perfectionne au contact de Joseph-Eugène Crèvecœur (deuxième grand prix de Rome). Ses premières compositions connues, des chants accompagnés au piano, datent de 1848, année durant laquelle il soumet deux partitions à Hector Berlioz. Il se lie d’amitié avec le violoniste Jules Armingaud (1820-1900) — son seul confident — et avec le violoniste et compositeur Pablo de Sarasate. Au nombre de ses amis on compte également les peintres Maurice Courant et Auguste Delacroix[5].
Lalo n'entra jamais au Conservatoire de Paris, ni comme élève, ni comme professeur. Il y participe seulement à deux jurys de concours en 1876. Bien qu'admirant l'orchestre wagnérien, Lalo s’astreint à suivre sa propre personnalité. Il bénéficie à plusieurs reprises de l'appui de Charles Gounod qui appréciait ses musiques. Il fut l'alto, puis le second violon du Quatuor Armengaud à partir de la fondation de celui-ci en 1856.
Jusqu'en 1865, Édouard Lalo vit pauvrement, notamment à Puteaux, avec sa première épouse. Veuf en 1864, il épouse la mezzo-soprano Julie-Marie-Victoire Bernier de Maligny (1816-1911) et vit plus confortablement à Paris, notamment boulevard Malesherbes. Il fait salon de musique chez lui chaque vendredi soir et fréquente les autres salons musicaux privés de la capitale.
Lalo est d'un caractère réservé et répugne à parler de lui. Beaucoup des correspondances écrites et reçues ont été détruites. Il compose avec ardeur des mélodies et des symphonies instrumentales, plus appréciées à l'étranger qu'en France.
Hormis deux symphonies — probablement détruites par le compositeur — ses premières compositions sont destinées à un petit effectif vocal ou instrumental, avec notamment six Romances populaires (1849), six Mélodies sur des poèmes de Victor Hugo (1856), deux Trios avec piano (vers 1850 et 1852) aussi que différentes pièces pour violon et piano.
En 1856, il participe, comme altiste, à la création du Quatuor Armengaud, dont l’ambition était de promouvoir les œuvres des maîtres allemands. Quatre ans plus tard, il compose son propre Quatuor à cordes. En 1866, Lalo termine Fiesque, son premier opéra. Il ne fut jamais porté à la scène (avant 2006), mais alimenta d’autres œuvres, comme le Divertissement pour orchestre (1872) ou la Symphonie en sol mineur (1886).
Parmi ses compositions d'envergure, le balletNamouna (1882) fut commandé par l’Opéra de Paris et chorégraphié par Lucien Petipa. Cette musique reçoit un accueil mitigé, entre huées du public et enthousiasme de confrères tels que Claude Debussy, Gabriel Fauré ou Emmanuel Chabrier. L’œuvre s’est maintenue au répertoire sous forme de suites d’orchestre. À propos de Namouna[7], Claude Debussy écrivit : « Parmi trop de stupides ballets, il y eut une manière de chef-d'œuvre : la Namouna d'Édouard Lalo. On ne sait quelle sourde férocité l'a enterrée si profondément que personne n'en parle plus… C'est triste pour la musique[8]. »
Lalo, apprécié notamment pour la richesse de son orchestration, a contribué, à la fois comme interprète et comme compositeur, au renouveau de la musique de chambre en France. Il est d'ailleurs lauréat en 1878[10] du prix Chartier de l'Institut, qui vise à récompenser l'excellence d'une production musicale dans ce genre. Si son Quatuor à cordes révèle une certaine influence de Beethoven, il est aussi empreint d'une vigueur rythmique novatrice et toute personnelle[11]. Quant à son Trio en la mineur avec piano op. 26, Florent Schmitt le qualifie d'« œuvre splendide et originale, qui (avec le Quatuor no 1 de Fauré, à peu près contemporain) marque l'entrée officielle de la musique moderne française dans le plus pur et le plus noble de ses domaines[12]. »
Contemporaine de Carmen de Bizet, sa Symphonie espagnole pour violon et orchestre est une des premières œuvres orchestrales françaises à faire appel au folklore espagnol et à ses rythmes de danses. Cet intérêt pour les folklores se retrouve dans la Fantaisie norvégienne (1878), dans la Rhapsodie norvégienne (1879), dans le Concerto russe (1879), mais aussi dans la « légende bretonne » du Roi d’Ys, dont Lalo renonce volontairement à faire un « drame lyrique » wagnérien[13]. Privilégiant les formes brèves, il y fait preuve d’une grande invention mélodique et rythmique, soutenue par une riche écriture harmonique.
Six romances populaires, La Pauvre Femme, Beaucoup d'amour, Le Suicide, Si j'étais petit oiseau, Les Petits Coups, Le Vieux Vagabond, sur des paroles de Pierre-Jean de Béranger (1849).
Six mélodies, Puisqu'ici-bas toute âme, L'Aube naît, Dieu qui sourit et qui donne, Oh ! quand je dors, Amis, vive l'orgie : chanson à boire, Ballade à la lune, sur des poèmes de Victor Hugo (1855).
Trois mélodies, À une fleur, Chanson de Barberine, La Zuecca, sur des poésies d'Alfred de Musset (1870).
Cinq lieder, Prière de l'enfant à son réveil et Viens !, sur des poèmes de Lamartine, À celle qui part et Tristesse sur des poèmes d'Armand Silvestre, La Chanson de l'alouette sur un poème de Victor de Laprade (1879).
La Jacquerie (1891–1892), ouvrage lyrique en 4 actes (l'acte I achevé par Lalo, le reste est complété après sa mort par Arthur Coquard), la première eut lieu à Monte-Carlo le .
Namouna (). Joué à l'Opéra sur un livret de MM. Nuitter et Petipa. Ce ballet, annoncé comme une œuvre de la « jeune école », reçut un assez mauvais accueil d'une partie de la presse et des habitués de l'opéra.
25 Mélodies, dont : Guitare, Prière de l'enfant à son réveil, À celle qui part…, Teresa Żylis-Gara (soprano) ; Christian Ivaldi (piano) (1987, Rodolphe).
La Jacquerie, opéra en 4 actes complété par Arthur Coquard, 1895. Véronique Gens, Nora Gubisch, Charles Castronovo, Boris Pinkhasovich, Jean-Sébastien Bou, Patrick Bolleire, Enguerrand de Hys, Orchestre philharmonique de Radio-France, direction Patrick Davin. 2 CD, collection « Opéra français », Palazzetto Bru Zane (2016, Ediciones Singulares ES 1023)[15].
↑Mairie de Lille, « Acte de naissance n° 200 du 28/01/1823 5 Mi 044 R 143 », sur AD Nord (consulté le ) : « Désiré Joseph Lalo, 35 a, né à Arras, ancien capitaine, chevalier de l'ordre royal de la Légion d'honneur a présenté un enfant né hier à 3 h, de lui et de Batilde Marie Louise Joseph Wacquez son épouse, 33 a, auquel il veut donner les prénoms de Édouard Victor Antoine »
↑Dans La Revue blanche, 15 mai 1901. Reproduit dans : Claude Debussy, Monsieur Croche et autres écrits, Gallimard, L'Imaginaire, 1987, pp. 39-40
↑Mairie du 17e arrondissement de Paris, « Acte de décès n°1146 du 25/04/1892 V4E 7496 », sur Archives de Paris (consulté le ) : « Edouard Victor Antoine Lalo, 66 a, compositeur de musique, officier de la Légion d'honneur, décédé avenue Niel 86 le 23 avril, fils de Désiré Joseph Lalo et de Bathilde Marie Louise Joséphine Wacquez décédés, marié à Julie Marie Victoire Bernier de Maligny »
↑Voir à ce sujet l'article consacré par Jean-Alexandre Ménétrier dans le Guide de la musique de chambre, François-René Tranchefort (dir.), Fayard, Paris, 1989, p. 522. Avec ce commentaire : « quel jalon dans l'histoire de la musique de chambre ! »
↑Article « Lalo » du Dictionnaire encyclopédique de la musique de chambre de Walter Willson Cobbett, complété sous la direction de Colin Mason, traduit de l'anglais par Marie-Stella Pâris, édition française revue et augmentée par Alain Pâris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », Paris, 1999, p. 871
↑J.-M. Fauquet, « Edouard Lalo et la Bretagne », Musique et société, La Vie musicale en province aux XVIIIe et XIXe siècles, Actes des journées d’études de la Société française de musicologie, 8-9 sept. 1981, Université de Rennes 2, 1982, p. 29.
Édouard Lalo, Correspondance, Joël-Marie Fauquet éd., Paris., Aux Amateurs de Livres, 1989, 352 p.
Domenico Gabrielli, Dictionnaire historique du cimetière du Père-Lachaise XVIIIe et XIXe siècles, Paris, éd. de l'Amateur, , 334 p. (ISBN978-2-85917-346-3, OCLC49647223, BNF38808177).