L'agriculture durable (anciennement soutenable, traduction alternative de l'anglais sustainable) est l'application à l'agriculture des principes du développement durable tels que définis par la communauté internationale à Rio de Janeiro en . Il s'agit d'un système de production agricole qui vise à assurer une production pérenne de nourriture, de bois et de fibres en respectant les limites écologiques, économiques et sociales qui assurent la maintenance dans le temps de cette production.
L'agriculture durable vise notamment à réduire l'impact environnemental de l'agriculture. C'est une agriculture qui protège la biodiversité, l'eau et les sols qui lui sont nécessaires et qui les utilise mieux via les auxiliaires de l'agriculture et les services écosystémiques[1]. C'est aussi une agriculture multifonctionnelle. Les systèmes agricoles durables émettent peu de gaz à effet de serre responsables du changement climatique.
L'agriculture durable vise une amélioration de la pérennité du système, en créant plus de richesses pérennes par unité de production, sur une base plus équitable. Ces principes sont basés sur la reconnaissance du fait que les ressources naturelles ne sont pas infinies et qu'elles doivent être utilisées de façon judicieuse pour garantir durablement la rentabilité économique, le bien-être social, et le respect de l'environnement (les trois dimensions du développement durable).
Concrètement et dans l'idéal (rien n'assurant qu'une agriculture respectant simultanément toutes ces qualités soit possible) :
Zahm et al. (2015 et 2023) proposent une définition de l'agriculture durable. Ils définissent l'exploitation agricole durable comme une exploitation agricole viable, vivable, transmissible et reproductible inscrivant son développement dans une démarche sociétalement responsable. Cette démarche renvoie aux choix de l’agriculteur quant aux effets de ses activités et de ses modes de production au regard des objectifs propres à son exploitation mais aussi au regard d’objectifs externes à son exploitation renvoyant à des échelles socio-spatiales de niveau supérieur. Son développement repose sur 5 propriétés émergentes des systèmes agricoles durables : autonomie, robustesse, capacité productive et reproductive de biens et services, ancrage territorial et responsabilité globale[3].
Pour être durable, l'agriculture doit respecter quelques principes[4] :
À ces principes de base, il faut ajouter la nécessité d'éviter les usages dispersifs des métaux en agriculture. L'étude de l'association des Centraliens sur la raréfaction des métaux recense un certain nombre d'usages dispersifs à éviter[5].
Les deux premiers Objectifs de développement durable proposés par l'Organisation des Nations unies sont l'éradication de la pauvreté et celle de la faim[6]. Pour remplir ces objectifs, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) accorde une importance particulière à l'agriculture familiale[7]. Ce modèle occupe une place prépondérante dans l'agriculture mondiale ; l'agriculture familiale produisait 80 % des produits agricoles en 2014[8].
L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture déclare l'année 2014 année internationale de l'agriculture familiale[9]. En 2017, l'Assemblée générale des Nations unies proclame la période 2019-2028 décennie des Nations unies pour l’agriculture familiale[10]. Elle décide de soutenir plus activement ce modèle qui semble le mieux répondre aux objectifs du millénaire pour le développement comme l'éradication de la faim, la préservation des ressources et la création d'emplois[11].
La Politique agricole commune de l'Union européenne a fait l'objet de révisions en 1999. Le premier pilier sur le contrôle des marchés a été complété par un deuxième pilier : le développement rural, qui fait référence au développement durable, sur la filière forestière.
Le développement rural est décrit dans le règlement de développement rural (RDR) de la PAC qui peut financer des mesures agroenvironnementales via les États membres. Une première version de ce règlement a été établie pour la période 2000-2006. Une seconde version (règlement de développement rural II) a été établie pour la période 2007-2013[12].
D'autre part, l'Union européenne a édicté des directives sur la sécurité alimentaire (paquet hygiène) qui concerne toute la filière agricole et agroalimentaire (« de la fourche à la fourchette »).
Il existe aussi une série de normes internationales sur la traçabilité des denrées alimentaires : ISO 22000.
Le RDR européen se décline dans chaque États membres de l'Union européenne par un plan de développement rural national (PDRN)[13].
La loi d'orientation agricole du définit un cadre contractuel innovant entre agriculteurs et pouvoirs publics, devant permettre de répondre aux nouvelles attentes de la société civile en matière de multifonctionnalité de l’agriculture et de développement durable.
Ce cadre est défini dans le Contrat Territorial d'Exploitation (CTE). Les CTE ont été modifiés par des Contrats d'agriculture durable (CAD) : le but est toujours de préserver les ressources naturelles en luttant pour la qualité des sols, de l'eau, de la biodiversité et des paysages (cf. décret 2003-675 du ).
La conditionnalité soumet le versement de certaines aides de la politique agricole commune au respect d’exigences de base en matière d’environnement et de santé. La conditionnalité est mise en place depuis 2005. Elle garantit une agriculture plus durable et favorise ainsi une meilleure acceptation de la PAC par l'ensemble des citoyens. Ce dispositif soumet le versement de certaines aides communautaires au respect d'exigences en matière de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), de santé, et de protection animale[14].
Plusieurs organismes ont intégré le concept d'agriculture durable dans leur appellation :
L'agriculture durable ne doit pas être confondue avec l'agriculture raisonnée, un concept qui s'appuyait sur un référentiel national certifié par l'État jusqu'en 2013 et a été remplacé depuis par un dispositif de certification environnementale.
Le terme « agriculture soutenable », parfois rencontré, est une traduction du terme anglais sustainable agriculture, qui a d'abord été utilisée bien qu'impropre parce que plus littérale.
Le concept principal est celui d'une exploitation agricole constituée par un ensemble de sous-systèmes fonctionnant tous en interaction, un sous-système générant des entrées pour les autres, le système fonctionnant dans l'idéal en cycle fermé.
L'agriculture durable doit être intégrée par tous les agents économiques de la filière, de la fourche à la fourchette (du producteur au consommateur), en incluant les parties prenantes concernées par :
Le suivi en fonction des parcelles (agriculture de précision) nécessite l'utilisation de technologies de l'information, en particulier des systèmes d'information géographique.
Une filière doit être évaluée selon des critères normés communs à tous les agents économiques de la filière, en cohérence avec le cadre normatif des comptabilités nationales.
Selon les principes de l'agriculture durable, la valorisation de la biomasse n'est pas réservée exclusivement à l'alimentation humaine. Il existe cependant une controverse sur la compétition possible entre alimentation et autres utilisations.
Les produits agricoles, ainsi que les déchets et résidus de l'activité agricole, peuvent produire[18] :
Assurer la sécurité sanitaire des aliments implique de mettre en place un suivi le long de toute la chaîne de production, « de la fourche à la fourchette ».
L'agriculture durable s'appuie sur des preuves et une traçabilité apportées par des certifications crédibles, établies par des certificateurs indépendants.
La mise en œuvre de filières intégrées d'agriculture durable met en jeu l'interopérabilité de systèmes hétérogènes, donc la cohérence et la qualité des données (voire leur sécurité), ce qui implique l'utilisation d'un cadre normatif global.
La normalisation relative aux denrées alimentaires est constituée par la série de normes ISO 22000 sur la sécurité des denrées alimentaires.
De nombreuses méthodes évaluatives font référence au concept d'indicateurs de durabilité à l'échelle de l'exploitation agricole. Cependant, ces méthodes n'intègrent parfois que la dimension environnementale, les dimensions sociales et économiques n'étant pas systématiquement prises en compte. On retrouve dans cette catégorie de nombreuses méthodes d'indicateurs agro-environnementaux ou d'autres outils développés pour une évaluation de la performance environnementale d'une exploitation agricole (Zahm, 2011)[19]. Les outils d'évaluation prennent différentes formes dans leur construction et approches. Il s'agit :
En France, les travaux du projet PLAGE[20] (2008-2014) ont permis d'identifier plusieurs outils d'évaluation de la durabilité selon les dimensions environnementale, sociale et économique. Les états de l’art complets (Schader et al., 2014[21] ; Lairez et al., 2015[22] ; De Olde et al., 2016[23] ; Chopin et al., 2021[24]), de même que les travaux du réseau national du RMT Erytage montrent une diversité importante des méthodes d’évaluation de la durabilité en agriculture basées sur des indicateurs (une soixantaine recensées). Parmi celles-ci, la méthode IDEA est l’une des quatre méthodes d’évaluation de la durabilité les plus utilisées dans l’Union européenne (De Olde et al., 2016[23]) mais aussi en Afrique de l’Ouest, au Maghreb, au Mexique et en Amérique latine.
La méthode IDEA4[25] (indicateur de durabilité des exploitations agricoles[26]) est une méthode scientifique soutenue par le ministère de l'Agriculture pour évaluer la durabilité d'une exploitation agricole. Elle est mobilisée depuis la fin des années 1990 dans l'enseignement agronomique (technique ou supérieur) et utilisée plus récemment par de très nombreux professionnels du conseil ou développement agricole et les collectivités territoriales et plus largement dans l'action publique pour accompagner des démarches de transition agroécologique. Elle est également utilisée dans le cadre de démarches individuelles de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) en agriculture[réf. nécessaire]. Son assise théorique mobilise trois courants de la durabilité : la durabilité forte, l’agroécologie forte et la multifonctionnalité de l’agriculture. Son cadre conceptuel novateur est basé sur la combinaison de deux approches évaluatives de la durabilité de l’exploitation agricole : l’une par les 12 objectifs de l’agriculture durable et l’autre par les cinq propriétés des systèmes agricoles durables. Cette combinaison aboutit à deux grilles de lecture évaluatives mobilisant les mêmes 53 indicateurs. Ces deux grilles structurent l'évaluation respectivement selon les trois dimensions du développement durable (agroécologique, socio-territoriale et économique) et selon les cinq propriétés des systèmes agricoles durables (autonomie, robustesse, capacité productive et reproductive de biens et services, ancrage territorial et responsabilité globale). Cette double approche est unique dans le panorama international des méthodes et l'approche par les propriétés consolide la perspective systémique de l’exploitation agricole en introduisant une lecture transversale de sa durabilité.
La méthode IDEA4 s’ancre dans le courant de la durabilité forte (Daly, 1990) qui rejette l’hypothèse d’une substituabilité ou compensation parfaite entre ressources naturelles et capital manufacturé. Pour qualifier ce concept de durabilité d’une exploitation agricole, 12 objectifs et 5 propriétés ont été retenus. Les 12 objectifs concernent à la fois la dimension agroécologique des activités agricoles mais aussi la dimension socio-territoriale de l’agriculture et la dimension économique de l’exploitation agricole. Ils renvoient à deux niveaux de durabilité (Terrier et al., 2013) : (i) la durabilité restreinte qui qualifie les objectifs autocentrés de l’agriculteur correspondant à ses facteurs internes de durabilité et (ii) la durabilité étendue qui identifie les objectifs sociétaux d’une exploitation agricole contribuant au développement durable de niveaux d’échelles et d’organisations plus englobants (territoire, collectivité, pays, reste du monde).
Les cinq propriétés se définissent ainsi : l’autonomie d’une exploitation agricole correspond à sa capacité à produire des biens et des services à partir de ressources propres ou collectives locales (humaines, naturelles, physiques, cognitives, etc.), à permettre à l’exploitant agricole de disposer de sa liberté de décision et de développer des modes d'action permettant de limiter sa dépendance aux dispositifs de régulation publique (aides, quotas, droits à produire…) et aux acteurs de l’amont et de l’aval. La robustesse d'une exploitation agricole correspond à sa capacité à faire face à des variations (internes ou externes) de différentes intensités (fluctuations, perturbations, chocs) et de différentes natures (environnementales, sociales, économiques), et à conserver ou retrouver un état d’équilibre. Elle intègre de façon englobante les concepts de résilience, d'adaptation, de flexibilité. La capacité productive et reproductive de biens et services d’une exploitation agricole correspond à sa capacité à produire et à reproduire dans le temps long, de manière efficiente, des biens et services, en dégageant suffisamment de revenu pour maintenir l’activité, sans dégrader sa base de ressources naturelles et sociales. L’ancrage territorial d’une exploitation correspond à sa capacité à contribuer à un processus de co-production et de valorisation de ressources territoriales. Il caractérise également la nature et l'intensité des liens marchands et non marchands que l’exploitation agricole construit avec son territoire, ses habitants, ses acteurs, son groupe social de vie. La responsabilité globale d’une exploitation correspond au degré d'engagement de l'exploitant agricole dans une démarche globale qui prend en compte les impacts environnementaux, sociaux et économiques dans ses choix de pratiques et d’activités. Cet engagement se structure autour de valeurs renvoyant à l'éthique et à l'équité (Zahm et al., 2019).
À la suite du Grenelle de l'environnement, le ministère français de l'Agriculture a lancé à un plan « Objectif Terres 2020 », dont l'objectif était de mettre en œuvre un nouveau modèle agricole français plus respectueux des exigences de développement durable[27].
Ce plan se décline dans une dimension énergétique en un plan de performance énergétique des exploitations agricoles[28], qui commence par un bilan énergétique en agriculture.
La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de 2010 a mis en place le plan régional d'agriculture durable[29]. Le décret d'application de cette loi relatif au plan régional d'agriculture durable, du , a modifié le code rural (article D111-1)[30].
L'agriculture fait l'objet du chapitre V (éclairages sectoriels), première section du plan national d'adaptation au changement climatique (p. 63)[31]. La recommandation no 30 précise :
« Pour l’agriculture, l’adaptation passera par la modification de l’utilisation des sols, des modes de culture et des variétés utilisées, ainsi que par une meilleure gestion des ressources hydriques. Les conséquences du réchauffement climatique devront être prises en considération dans le cadre des politiques agricoles et des aides à l’agriculture (comme dans les programmes opérationnels de la future politique de développement rural). La création d’un forum d’échange d’information entre l’administration et les professions agricoles sur les changements climatiques permettrait une meilleure estimation des conséquences et une amélioration des politiques d’adaptation. »
Réduction de la contribution de l'agriculture à l'effet de serre
Fédérations et réseaux
Types d'agriculture comportant des caractéristiques de durabilité
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