Fondation |
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(en) ALU |
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Syndicat professionnel, organisation à but non lucratif, organisation non gouvernementale, Organisation de travailleurs d'Amazon, mouvement ouvrier |
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L'Amazon Labor Union (ALU) est un mouvement ouvrier et un syndicat professionnel indépendant américain spécifique aux salariés de l'entreprise de commerce en ligne Amazon, créé le . Un an plus tard, le , les ouvriers de l'entrepôt d'Amazon de Staten Island (New York) nommé JFK8, soutenus par l'ALU, sont devenus les premiers travailleurs syndiqués d'Amazon reconnus par le National Labor Relations Board, l’agence gouvernementale de l’inspection du travail chargée de conduire les élections syndicales. Ce mouvement, qualifié d'historique, est soutenu publiquement par Joe Biden, alors président des États-Unis.
De à début , Chris Smalls est un employé de l’un des quatre entrepôts d'Amazon de New York nommé JFK8. Situé dans le quartier de Staten Island, ce centre de traitement de commande est économiquement très important pour l'entreprise car la ville représente un chiffre d'affaires considérable[1]. En , C. Smalls est licencié pour avoir organisé une journée de débrayage afin de protester contre la gestion par Amazon de la pandémie COVID-19[1]. Dans une note interne diffusée par mégarde à plus d’un millier de personnes, le directeur juridique d’Amazon qualifie C. Smalls de « ni intelligent, ni éloquent » conseillant de faire de lui le « visage » du mouvement afin de mieux le saper[2],[3]. Cependant, ce licenciement est largement critiqué par les représentants du gouvernement ; ce qui incite C. Smalls et son ami Derrick Palmer à former un groupe de militants nommé The Congress of Essential Workers et à mener un certain nombre d'actions. Dans ce tandem entre les deux amis, C. Smalls est l'orateur, D. Palmer le méthodique[1],[4],[5],[3]. Ils contribuent ainsi à l'organisation de grèves d'une journée dans d'autres grandes entreprises aux salariés essentiels comme Walmart et Target Corporation en Californie, à New York et dans le New Jersey[6].
Le personnel d'Amazon affiche alors un fort taux de rotation de 150 %, les salariés étant usés jusqu’à la corde, rapidement licenciés et dépossédés de leurs avantages sociaux. De plus Amazon est connu pour être particulièrement agressif et méprisant à l'égard de toute forme de revendication et de syndicalisme[1].
S'inspirant de la campagne syndicale de l'entrepôt de Bessemer en en Alabama et tirant les leçons de leurs échecs, C. Smalls souhaite avant tout « penser à une syndicalisation à la mode du XXIe siècle en construisant d'abord la solidarité chez les travailleurs. »[3],[1]. Le syndicat Amazon Labor Union est fondé le et leur objectif premier est de représenter les 5 000 salariés du centre de tri JFK8 en étant reconnus officiellement par le National Labor Relations Board (NLRB)[7]. C. Smalls et D. Palmer mettent en place en une campagne de financement participatif qui récolte 120 000 dollars. Elle leur permet essentiellement une présence quasi ininterrompue devant les entrepôts de JFK8 d' à . Cette somme est à mettre en relation avec les 4,3 millions de dollars dépensés par Amazon durant l'année , uniquement pour consulter des spécialistes de la lutte antisyndicale à travers le pays[1].
Fin , une première tentative d’officialisation du syndicat échoue, la pétition faisant office de demande ayant été rejetée par le NLRB[8]. Mais en décembre, une décision de justice autorise le personnel à utiliser les locaux de l’entreprise après son service pour organiser son action syndicale. En représailles, C. Smalls est arrêté en dans ces mêmes locaux, l'entreprise suit les syndicalistes à la trace sur les réseaux sociaux et bombarde les salariés de messages. La campagne visant à décider de l'officialisation du syndicat se met tout de même en place en mars et, le , malgré une forte mobilisation de la part d'Amazon pour le « non », le « oui » l'emporte à 2 654 voix contre 2 131[1],[9]. À l'annonce du résultat, Amazon soumet une objection au NLRB, demandant une nouvelle élection. Selon un extrait de la plainte, l'entreprise a affirmé que des membres du syndicat ont « intimidé des employés, enregistré des électeurs dans le lieu de vote et distribué de la marijuana aux employés en échange de leur soutien »[10].
Il s'agit de la première mobilisation syndicale d’un entrepôt Amazon aux États-Unis et d'« une des victoires syndicales les plus marquantes depuis une génération »[1] voire « depuis les années 1930 »[11]. Le président Joe Biden a félicité le syndicat, son attaché de presse Jen Psaki déclarant qu'il est « heureux de voir les travailleurs s'assurer que leur voix est entendue » et qu'il « croit fermement que chaque travailleur dans chaque État doit avoir le choix libre et équitable de rejoindre un syndicat »[12].
Ce vote témoigne également de la prise de conscience des salariés et de leur montée en puissance au sein des entreprises américaines[1]. D'ailleurs, en réponse à cette victoire, plus de 50 entrepôts d'Amazon ont contacté l'ALU pour tenter d'organiser leur propre lieu de travail, les demandes d'aide provenant du Canada, de l'Inde, de l'Afrique du Sud et du Royaume-Uni[13]. Le , le NLRB a approuvé une élection dans le deuxième des quatre entrepôts de New York, LDJ5[14], qui se solde deux mois plus tard par un échec avec 618 votes contre la création d'une antenne syndicale et 380 « pour » sur 1600 employés inscrits[15].
« Il n'est ni intelligent, ni éloquent, et dans la mesure où la presse veut se concentrer sur nous par rapport à lui, nous serons dans une position de relations publiques beaucoup plus forte que si nous nous contentions d'expliquer pour la énième fois comment nous essayons de protéger les travailleurs ... Nous devrions consacrer la première partie de notre réponse à exposer en détail les raisons pour lesquelles la conduite de l'organisateur était immorale, inacceptable et sans doute illégale, et seulement ensuite à poursuivre avec nos points de discussion habituels sur la sécurité des travailleurs. Faites de lui la partie la plus intéressante de l'histoire, et si possible, faites de lui le visage de l'ensemble du mouvement syndical/organisateur. »
— David Zapolsky, directeur juridique d’Amazon, lors d'une réunion de direction à laquelle assistait le fondateur d'Amazon, Jeff Bezos. , Cité par Julia Carrie Wong, (The Guardian du 2 avril 2020)