L'Avesta (du pahlavi abestāg) (en persan et kurde avesta) est l'ensemble des textes sacrés de la religion mazdéenne et forme le livre sacré, le code sacerdotal des zoroastriens. Il est parfois connu en Occident sous l'appellation erronée de Zend Avesta. Les parties les plus anciennes, celles des gathas, sont dans une langue aussi archaïque que celle du Rig Veda (sanskrit védique), le « gathique », les autres en avestique tardif. L'ensemble est écrit en alphabet avestique.
Du texte initial qui comptait 21 livres (nask), seul le quart, ce qui représente un millier de pages, a été transmis jusqu'à nous : les autres livres ont disparu ou ont été détruits à l'époque des conquêtes d'Alexandre, lors de l'incendie de la bibliothèque de Persépolis et lors des invasions arabo-musulmanes au VIIe siècle.
L'Avesta (« Éloge ») actuel comprend les parties suivantes[1] :
L'Avesta ancien comprend les Gâthâs de Zarathoustra (Avesta 28-34, 43-51, 53) (vers 1000 av. J.-C. ?), Yasna Haptahâiti (« Sacrifice en sept chapitres », Yasna 35-41) et les quatre prières de Yasna 27. L' Avesta récent réunit Yasht, Visprad (Vespered), Vidêvdâd (Vendidad), Korda Avesta[4].
Selon Karl Friedrich Geldner[5], « nous ne possédons plus les textes originaux et authentiques de l'Avesta, à l'exception des Gâthâs (composés vers l'an 1000 avant notre ère) et de quelques Yashts (vers 700-600) »[6]. « La datation haute fait correspondre l'Avesta à une période antérieure au VIe siècle avant notre ère. Elle établit une certaine synchronie entre la composition des textes et les Empires mède [612-550] et achéménide [550-330]. La datation basse, qui n'est plus guère représentée, est la période postérieure à ces dates : elle place les Gâthas au milieu du VIe siècle av. J.-C. et les Yasht au milieu du Ve siècle av. J.-C. Skjaervø[7] est partisan d'une datation ultra-haute, puisqu'il situe les Gâthâs en 1700 avant notre ère et les textes des Yashts en 900 avant notre ère. »
Jean Kellens (1996) : « On peut distinguer au moins trois strates. 1. L'Avesta ancien, qui constitue le noyau du Yasna, a pu être composé entre 1500 et 550 avant l'ère commune. 2. Un 'vieil' Avesta récent (certaines parties du Yasna et des Yashts) à situer entre 850 et l'expédition d'Alexandre [330 av. J.-C.]. 3. Un 'jeune' Avesta récent (peut-être le Vidêvdâd et le Xorda Avesta) qui a pu être composé entre Alexandre et 400 de l'ère commune… Les plus vieux textes avestiques ont dû être composés, mettons, entre 1200 et 800 avant l'ère commune. »[8] Jean Kellens croit pouvoir « placer Zarathustra aux alentours de l'an mil avant notre ère »[9].
L'Avesta a pu être mis par écrit sous Darius Ier, roi de Perse de 522 à 486 av. J.-C., ou sous Shapur II, roi sassanide de 310 à 379, ou sous Khosro Ier, roi sassanide de 531 à 579 (selon Bailey en 1943, pour l'Avesta sassanide).
En 1723, un Parsi de Surate offre un manuscrit à un marchand anglais, qui le fait parvenir à la bibliothèque Bodléienne d'Oxford. Le texte n'est cependant ni entier ni compréhensible sans le consentement du clergé parsi. En 1754, le Français Anquetil Duperron (1731-1805), mû par un profond intérêt pour les langues orientales, s'engage à vingt-trois ans dans les troupes de la Compagnie des Indes et s'embarque pour Pondichéry espérant pouvoir trouver les écrits de Zoroastre. Anquetil, après avoir traversé à grand risque une Inde déchirée par la guerre franco-anglaise, vainc les réticences de la communauté parsie de Surate, se fait montrer les manuscrits et expliquer leur écriture et leur langue. De retour en France, le 15 mai 1762, il dépose à la Bibliothèque du roi cent quatre-vingts manuscrits. L'analyse de ces documents dure encore dix ans : sa traduction de l'Avesta, le livre réputé de Zoroastre, paraît en 1771[10].
« C’est au philologue et théologien allemand Martin Haug que l’on doit le premier essai d’interprétation du contenu religieux de l’Avesta. Son titre de référence, Essays on the Sacred Language, Writings and Religion of the Parsis, paru en 1862 à Bombay est extrêmement parlant : il y a une religion et une langue à deux niveaux (le vieil avestique et l’avestique récent) véhiculées par des écrits. La « sacralité », notion très perturbante que Haug introduit, évoque l’idée d’un corpus où est exposée une doctrine. Or ce n’est pas du tout le cas. Il a été le premier à reconnaître que l’Avesta n’était pas un livre unitaire. C’est avec ses moyens de théologien qu’il va tenter de concilier l’unité et la diversité de l’Avesta en situant ses différents livres l’un par rapport à l’autre : Le Yasna, est l’écrin de la partie ancienne de l’Avesta, c'est-à-dire les Gāthās, « les chants », œuvre effective de Zoroastre. Ils sont monothéistes aux yeux de Haug, tandis que le Vidēvdād est un livre dualiste qui oppose à Ahura Mazdā le mauvais esprit, Aŋgra Mainiiu, et les Yašts sont clairement polythéistes. Voici comment Haug va s’efforcer de réintroduire de l’unité dans ceci : le Vidēvdād serait l’œuvre de disciples incompétents qui ont fini par confondre la philosophie dualiste de Zoroastre (elle attribue l’existence du Mal à un esprit inhérent à dieu et à l’homme) avec une théologie monothéiste. Quant aux Yašts polythéistes, ce serait l’œuvre de poètes ou de bardes qui ont orné leur « poésie héroïque » par une référence à des divinités anciennes. »
— Jean Kellens, 2010[11]