Elle est professeure d’histoire de l’art à l’université technique de Berlin. De 2016 jusqu'à 2021, elle a occupé la chaire internationale « Histoire culturelle des patrimoines artistiques en Europe, XVIIIe – XXe siècle » au Collège de France à Paris[1].
Ancienne élève des lycées Fénelon et Henri IV à Paris, Bénédicte Savoy séjourne en 1988-1989 dans une famille d’accueil à Berlin-Ouest où elle fréquente le lycée Beethoven.
Elle consacre ses premiers travaux universitaires au peintre Anselm Kiefer (sous la direction de Jean-Noël Vuarnet), puis soutient en 2000 un doctorat intitulé « Les spoliations artistiques de la France en Allemagne autour de 1800 » sous la direction de Michel Espagne. Cette thèse est publiée en deux volumes, aux éditions de la Maison des Sciences de l'Homme en 2003, avec une préface de Pierre Rosenberg de l'Académie française[8].
Nommée « professeure junior » au département d’histoire de l’art de l’université technique de Berlin en 2003, elle y est depuis 2009 titulaire d’une chaire consacrée à l’« Histoire de l’art comme histoire culturelle » (« Kunstgeschichte als Kulturgeschichte »). Ses travaux portent sur l’histoire culturelle et sociale des arts, sur l’histoire des musées, sur les questions de spoliations artistiques.
Bénédicte Savoy travaille notamment sur le regard italien et allemand sur les spoliations artistiques commises par Napoléon[11]. En 2010, elle est commissaire générale de l’exposition « Napoleon und Europa. Traum und Trauma » au hall des expositions de la République fédérale(de) à Bonn (avec Yann Potin)[12], exposition reprise sous une forme adaptée au musée de l'Armée.
Elle assure avec David Blankenstein le commissariat général de l’exposition « Les Frères Humboldt. L’Europe de l’esprit »[13] à l’Observatoire de Paris pour Paris Sciences Lettres (PSL) en 2014 et de l'exposition « Wilhelm und Alexander von Humboldt »[14] au Deutsches Historisches Museum à Berlin qui s'est tenue de novembre 2019 à avril 2020.
Après une intervention en tant que professeur invitée de Carlo Ossola en 2015[15], Bénédicte Savoy occupe entre 2016 et 2021 la chaire internationale Histoire culturelle du patrimoine artistique en Europe, XVIIIe – XXe siècles[16] au Collège de France. Sa leçon inaugurale, intitulée « Objets du désir, désirs d'objets », est consacrée aux spoliations artistiques[17]. En 2019, elle est publiée en allemand sous le titre Die Provenienz der Kultur (en français : La Provenance de la culture)[18]. Le texte a également été publié en italien dans la revue Il Giornale dell'Arte[19].
Lors de sa leçon inaugurale, elle fait, selon La Tribune de l'art, une analyse indignée et très idéologique de la statue de Bartholdi représentant Champollion installée dans la cour du Collège de France. L'auteure veut y voir la revendication de la domination du monde occidental sur les autres civilisations alors que certaines sources historiques, iconographiques et littéraires, ainsi que la volonté exprimée du sculpteur, montrent qu'il s'agirait à la fois d'une rêverie sur la fragilité des civilisations et de l'illustration du génie de l'égyptologue dans son dialogue avec l'énigme de l'écriture égyptienne. C'est ainsi en effet que le relèvent plusieurs historiens de l'art, dont Pierre Téqui, qui dira à son propos :
« Il est regrettable de commettre autant d’erreurs lors d’une conférence inaugurale du Collège de France. Des erreurs qui ne sont pas excusables lorsqu’on se présente comme "historienne de l’art" […] C’est regrettable, car, après ce travail bâclé, elle est, hélas, aux manettes et fait avancer l’histoire, dans sa direction à elle[20]. »
Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain, de 2018 à 2020
En mars 2018, elle se voit également confier par le président de la RépubliqueEmmanuel Macron une mission d'étude, avec l'écrivain et économiste sénégalais Felwine Sarr, auteur en 2016 de l'essai remarqué Afrotopia[21], sur la question des restitutions, temporaires ou définitives, aux pays d'origine du patrimoine africain, ramené dans des institutions culturelles françaises pendant la période de la colonisation[22]. Leur rapport est remis en français et en anglais officiellement le , et publié en ligne[23] ainsi qu'au Seuil en coédition avec les éditions Philippe Rey[24].
L'orientation du rapport est vivement critiquée ou remise en question par plusieurs spécialistes dont le journaliste et historien de l'art Didier Rykner, qui en juge l'inspiration politique et qui s'inquiète de la sécurité des œuvres restituées[25]. Le magazine Le Point critique un rapport au titre et au vocabulaire inspiré par les études postcoloniales et un rapport teinté de « repentance »[26]. On reproche aussi aux deux rédacteurs du rapport de ne pas être spécialistes de l'art africain ni de la colonisation et de n'avoir sollicité pour l'écrire que des « amis experts », selon leurs propres termes. L'historien de l'art africain Bertrand Goy rappelle pour sa part que la plus grande majorité des œuvres arrivées en Europe n'est pas issue de pillages, mais du commerce (à une époque où personne n'imaginait qu'elles auraient un jour une forte valeur marchande), alors que de nombreux conservateurs de musée rappellent que les vols artistiques ont aussi été internes à l'Afrique, sans provoquer les mêmes débats entre musées du continent. Les très mauvaises conditions de conservation dans certains musées africains sont enfin pointées du doigt, tout comme le précédent du musée royal de l'Afrique centrale — devenu AfricaMuseum — de Tervuren (Belgique), qui avait restitué 114 œuvres au Zaïre dans les années 1970-1980[27], dont il ne reste que 21 pièces en 2018, la plupart ayant été depuis volées ou revendues dans l'illégalité[28].
Bénédicte Savoy s'étant défendue contre ces critiques, en particulier concernant la méthode, Didier Rykner a répondu en apportant des éclaircissements concernant ce qu'il estime représenter des incohérences, des partis-pris idéologiques et la superficialité du processus ayant abouti au rapport[29]. Lors de la remise du rapport « Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain : vers une nouvelle éthique relationnelle » le , Emmanuel Macron annonce la restitution prochaine de 26 œuvres au Bénin, validant ainsi son orientation[30]. Cette restitution fait l'objet d'une loi promulguée fin 2020[31].
Ce rapport et sa mise en œuvre valent à Bénédicte Savoy et Felwine Sarr d'être classés au troisième rang en 2020 dans le classement annuel des personnes les plus influentes dans le monde de l'art international établi par ArtReview[32]. L'année suivante, le magazine américain Time les classe parmi les personnes les plus influentes du monde[33].
Membre du conseil scientifique du groupe de recherche « Alexander von Humboldt auf Reisen, Wissenschaft aus der Bewegung », Académie des sciences de Berlin (depuis 2015)[35]
Membre du conseil scientifique de l’Institut français d’histoire en Allemagne (IFRA), Francfort-sur-le-Main entre 2015 et 2020[36]
Membre de l’équipe internationale d’experts associée à Neil MacGregor pour le projet de « Forum Humboldt », Berlin entre 2015 et 2017[6]
Membre du conseil scientifique du Centre allemand des biens culturels spoliés (Deutsches Zentrum für Kulturgutverluste), Magdebourg (depuis 2015)[37]
Membre du conseil scientifique du musée du Louvre, Paris (depuis 2015)[6]
2022 : Glas der Vernunft, Prix du citoyen de Kassel[42]
2022 : Grand prix franco-allemand des Médias pour son travail de recherche et son engagement en faveur de la restitution des œuvres d'art emportées des anciennes colonies[43]
Bénédicte Savoy est l’auteure d’une vingtaine d’ouvrages parmi lesquels, en français : Patrimoine annexé. Les biens culturels saisis par la France en Allemagne autour de 1800, 2 vol., Paris 2003, préface de Pierre Rosenberg ; Dictionnaire des historiens de l’art allemands (avec Michel Espagne), Paris, 2010 ; Les frères Humboldt. L’Europe de l’esprit, catalogue d’exposition (avec David Blankenstein), Paris, 2014. Son enquête de 2011 sur la présence à Berlin du buste de Nefertiti (Nofretete. Eine deutsch-französische Affäre, 1912-1931, Cologne 2011) a été relayée par la presse allemande (Der Spiegel)[48] et française (Le Monde)[49].
Bénédicte Savoy co-dirige avec Andreas Beyer et Wolf Tegethoff le dictionnaire de référence Allgemeines Künstlerlexikon (AKL) aux éditions De Gruyter. Chez De Gruyter, elle co-dirige également les collections « Ars et Scientia » (avec Gregor Wedekind et Michael Thimann) et « Contact Zones » (avec Lars Blunck et Avinoam Shalem).
Patrimoine annexé. Les biens culturels saisis par la France en Allemagne autour de 1800, Préface de Pierre Rosenberg, 2 vol., 1021 p., Paris [Éditions de la maison des sciences de l’homme / Coll. «Passages/Passagen» du Centre allemand d’histoire de l’art], 2003 (ISBN978-2735109883). Trad. allemande : Französischer Kunstraub in Deutschland und die Folgen. 1794-1940, Cologne/Vienne/Weimar, éd. Böhlau, 2010 (ISBN978-3205784272).
Nofretete, eine deutsch-französische Affäre, 1913-1931, Cologne/Vienne/Weimar, éd. Böhlau, 2010 (ISBN978-3412208110).
"Vom Faustkeil zur Handgranate". Filmpropaganda für die Berliner Museen. 1934-1939, Cologne/Vienne/Weimar, éd. Böhlau, 2014 (ISBN978-3412222956).
Objets du désir, désir d'objets, Paris, Fayard, , 88 p. (ISBN978-2213705132)
(de) Die Provenienz der Kultur. Von der Trauer des Verlusts zum universalen Menschheitserbe (trad. du français par Philippa Sissis et Hanns Zischler), Berlin, Matthes & Seitz, , 66 p. (ISBN978-3-95757-568-5)
(de) Museen. Eine Kindheitserinnerung und die Folgen, Köln, Greven Verlag, , 71 p. (ISBN978-3-7743-0904-3)
(de) Afrikas Kampf um seine Kunst. Geschichte einer postkoloniale Niederlage, München, C.H. Beck, , 256 p. (ISBN978-3-406-76696-1)
(en) Africa's struggle for its art. History of a postcolonial defeat (trad. de l'allemand par Susanne Meyer-Abich), Princeton, Princeton University Press, , 214 p. (ISBN978-0-691-23473-1)
Le Long Combat de l'Afrique pour son art. Histoire d'une défaite postcoloniale, Paris, Seuil, (ISBN978-2-02-149711-3)
À qui appartient la beauté ?, avec la collaboration de Jeanne Pham Tran, Paris, la Découverte, coll. « Histoire-monde », 2024 (ISBN978-2-348-07704-3)
(de) David Blankenstein, Bénédicte Savoy, Raphael Gross et Arnulf Scriba, Wilhelm und Alexander von Humboldt, Darmstadt, wbg (Wissenschaftliche Buchgesellschaft), , 296 p. (ISBN978-3-8062-4046-7)
Les frères Humboldt. L’Europe de l’Esprit, cat. exp., Paris (De Monza/PSL), 2014 (avec David Blankenstein) (ISBN978-2916231303).
Napoleon und Europa, Traum und Trauma. cat. exp., Bonn, Bundeskunsthalle, München, ed. Prestel, 2010 (avec Yann Potin) (ISBN978-3791350882).
(de) Felwine Sarr et Bénédicte Savoy (trad. du français par Daniel Fasten), Zurückgeben. Über die Restitution afrikanischer Kulturgüter, Berlin, Matthes & Seitz, , 223 p. (ISBN978-3-95757-763-4)
Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, Restituer le patrimoine africain, Paris, Philippe Rey, Seuil, , 192 p. (ISBN978-2-84876-725-3)
(en) Bénédicte Savoy, Charlotte Guichard et Christine Howald, Acquiring Cultures. Histories of World Art on Western Markets, Berlin, Boston, De Gruyter, , 324 p. (ISBN978-3-11-054508-1)
The Museum is open. Toward a Transnational History of Museums. 1750-1940. Berlin (De Gruyter), 2014 (avec Andrea Meyer) (ISBN978-3110298802).
Pariser Lehrjahre. Ein Lexikon zur Ausbildung deutscher Maler in Paris. Band 1: 1793-1843., Berlin (De Gruyter), 2013, 430 p. (avec France Nerlich) (ISBN978-3110290578).
Dictionnaire des historiens de l’art allemands, Paris, éd. du CNRS (avec Michel Espagne), 2010 (ISBN978-2271067142).
Tempel der Kunst. Die Geburt des öffentlichen Museums in Deutschland. 1701-1815, Mainz [Philipp von Zabern], 2006 (ISBN978-3805336376) (Neuauflage Böhlau 2015 (ISBN978-3412222512)).
Aubin-Louis Millin et l’Allemagne. Magasin encyclopédique, lettres à Karl August Böttiger, Hildesheim [Olms], 2005 (avec Geneviève Espagne) (ISBN978-3487128719).
Franz Kugler, Deutscher Kunsthistoriker und Berliner Dichter, Berlin, Akademie Verlag (avec Michel Espagne et Céline Trautmann-Waller), 2010 (ISBN978-3050046457).
Rom, Paris, Stendal. Der Winckelmann-Nachlaß in Paris. Zur Geschichte der Handschriften Winckelmanns, Stendal, 2002 (avec Elisabeth Décultot et Max Kunze) (ISBN978-3910060418).
(de) Bénédicte Savoy, Merten Lagatz, Philippa Sissis, Beute. Ein Bildatlas zu Kunstraub und Kulturerbe, Berlin, Matthes & Seitz, , 389 p. (ISBN978-3-7518-0311-3)
(de) Bénédicte Savoy, Robert Skwirblies, Isabelle Dolezalek, Beute. Eine Anthologie zu Kunstraub und Kulturerbe, Berlin, Matthes & Seitz, , 430 p. (ISBN978-3-7518-0312-0)
Die Berliner Museumsinsel. Impressionen internationaler Besucher. 1830-1990, Köln (Böhlau), 2013, (avec Philippa Sissis) (ISBN978-3412209919).
Helmina von Chézy, Leben und Kunst in Paris seit Napoleon I., Weimar 1805-1807, Berlin, Akademie-Verlag 2009 (édition commentée) (ISBN978-3050046280).
Friedrich Schlegel, Descriptions de tableaux, traduction et introduction de B. Savoy, éd. de l’École des Beaux-Arts, 2003 (ISBN978-2840561293).
Julius Schlosser, Objets de curiosité, Paris [Gallimard / éd. Le Promeneur], 2002, traduction et introduction de B. Savoy (ISBN978-2-07-076773-1).
Jean Henry, Journal d'un voyage à Paris en 1814, Paris [Gallimard / éd. Le Promeneur], 2001, édition et introduction de B. Savoy (ISBN9782070763726).
Johann Friedrich Ferdinand Emperius (u. a.), Remarques sur le vol et la restitution des œuvres d'art et des livres précieux de Brunswick - 1806-1815..., Paris [La Vouivre], 1999, édition et introduction de B. Savoy, trad. A. Duthoo (ISBN9782912431073).
Johann Georg Elser, Un attentat contre Hitler, Arles [Actes Sud], 1998, Préface de Gilles Perrault, traduction et introduction B. Savoy (ISBN978-2742716548).
↑Philippe Dagen, « Art africain : la France coloniale au rapport », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑Didier Rykner, « Rapport sur les restitutions : rendons tout, Dieu reconnaîtra les siens – La Tribune de l'Art », La Tribune de l'Art, (lire en ligne, consulté le ).
↑Laureline Dupont, « EXCLUSIF. Œuvres d'art africaines : un rapport préconise de tout rendre (ou presque) ! », Le Point, (lire en ligne, consulté le ).
↑(de) « Kosmos der Kolonialgeschichte: Bénédicte Savoy bekommt den Berliner Wissenschaftspreis », Der Tagesspiegel Online, (ISSN1865-2263, lire en ligne, consulté le )