En chimie, la catalyse (du nom grec : κατάλυσις / katálusis, « dissolution[1] ») se réfère à l'accélération ou la réorientation de la cinétique de réaction au moyen d'un catalyseur, et dans certains cas à la sélectivité pour diriger la réaction dans un sens privilégié (réaction concurrente, production d'un produit plutôt qu'un autre)[2]. Le catalyseur est utilisé en quantité beaucoup plus faible que les produits réactifs. Il n'apparaît pas en général dans le bilan de réaction, donc pas dans son équation globale. Cependant les molécules du catalyseur participent à la réaction dans une étape, ce qui explique leur influence sur la vitesse de réaction, et ensuite elles sont régénérées dans une étape subséquente[3]. Le catalyseur reste parfois intimement mélangé au produit final.
La catalyse joue un rôle dans de très nombreux domaines. Depuis plus de cent ans, elle a des applications dans le domaine du chauffage (exemple : poêle à gaz catalytique) : des combustions complètes, à température plus basse (moins dangereuses), quasiment sans flamme, et avec beaucoup moins de résidus de combustion dangereux (monoxyde de carbone, oxyde d'azote). Plus de 80 % des réactions chimiques industrielles sont réalisées à l'aide de procédés catalytiques en réduisant considérablement leur coût. Par exemple en 2007, les ventes mondiales de catalyseurs du domaine de dépollution des gaz de moteurs s'élevaient à environ seize milliards de dollars.
La vision populaire de ce domaine des catalyses est négative : pollution, dispersions de poussières de métaux rares et dangereux, vols de catalyseurs automobiles. Ces domaines de la science sont mal connus. [réf. souhaitée]
En biologie, dans les cellules, les enzymes, très nombreuses, jouent ces rôles d'accélérateur, de catalyseurs, dans les processus biochimiques : métabolisme digestif, de la reproduction, de la transcription de l'information génétique, les sciences du génome, le yaourt, la pâte à pain, etc.
Différents types de catalyse peuvent être distingués selon la nature du catalyseur :
La catalyse peut être aussi classée en fonction du mécanisme mis en jeu :
Un catalyseur ne modifie ni le sens d'évolution d'une transformation ni la composition du système à l'état final. Tout catalyseur d'une réaction dans le sens direct catalyse aussi la réaction en sens inverse. De ce fait, un catalyseur ne permet pas à des réactions thermodynamiquement peu déplacées de modifier leur taux d'avancement final.
Par exemple, la réaction
ne se produit pas en l'absence de catalyseur (à température ordinaire) et aucun catalyseur ne peut la faire se produire avec un rendement satisfaisant.
Cependant, comme un catalyseur peut modifier fortement la vitesse d'une réaction parmi un grand nombre de réactions concurrentes possibles, il peut favoriser une réaction qui parait ne pas exister en son absence. C'est le cas de l'oxydation de l'ammoniac par le dioxygène :
Le monoxyde d'azote n'apparaît pas de façon mesurable en l'absence de platine.
Quelques étapes notables sur la découverte et la compréhension de la notion de catalyse sont listées ici par ordre chronologique. Les premières découvertes sont liées au domaine de la biocatalyse :
Après ces débuts, la découverte de toute une série de nouvelles réactions catalytiques a eu lieu dans les XVIIIe et début du XIXe siècle.
Le début du XXe siècle marque une découverte qui continue d'avoir des répercussions de nos jours[10]. Wilhelm Normann réalise l'hydrogénation de l'acide oléique (acide cis-9-octadécènoïque C17H33COOH), liquide, en acide stéarique (acide octadécanoïque C17H35COOH), solide, sur du nickel finement divisé. Cette hydrogénation est encore largement utilisée au XXIe siècle dans de nombreux domaines (alimentation, pharmacie, savonnerie, parfumerie, peinture, etc.) et le nickel reste le catalyseur phare.
La synthèse de l'ammoniac (NH3) à partir du diazote et du dihydrogène est mise au point par Fritz Haber sous haute pression, à température moyenne et catalysée par le fer (Fe3O4 réduit). Cet ammoniac peut être oxydé en monoxyde d'azote par oxydation, catalysé cette fois par le platine, pour servir de base à la fabrication d'acide nitrique (HNO3). En 1923, BASF commande une usine de fabrication du méthanol à partir de monoxyde de carbone et d'hydrogène sur un catalyseur à base d'oxyde de zinc et d'oxyde de chrome. Durant la même période, le procédé Fischer-Tropsch permet d'obtenir des alcanes, des alcènes et des alcools à partir de monoxyde de carbone et d'hydrogène à l'aide de catalyseur à base de fer et de cobalt. L'oxydation catalytique du dioxyde de soufre en trioxyde de soufre sur l'oxyde de vanadium(V) (V2O5) permet la synthèse à grande échelle d'acide sulfurique.
À la fin des années 1930, le craquage catalytique apparaît, offrant la possibilité de rompre les liaisons C-C. Ce procédé Houdry, utilise un catalyseur à base d'argile de type montmorillonite traitée à l'acide, et permet de scinder les grosses molécules du pétrole, typiquement contenues dans les gasoils, en plus petites, constituant les essences. Durant la même décennie, l'oxydation sélective de l'éthylène en oxyde d'éthylène sur un catalyseur à base d'argent est mise au point, développée et commercialisée par Union Carbide. Tous ces procédés permettent d'avoir accès, à une échelle industrielle, à des produits de base de la chimie, ouvrant ainsi la voie au développement de la chimie de base et de spécialité.
Juste après la Seconde Guerre mondiale, les Trente Glorieuses profiteront largement à la chimie avec un grand développement des procédés en tout genre pour des productions de plus en plus diversifiées. La catalyse sera un acteur important de ce développement. La polymérisation se développe grandement en profitant des molécules de base produites. Dans les années 1950, le polyéthylène, le polypropylène et le polybutadiène apparaissent grâce notamment au procédé de polymérisation coordinative Ziegler-Natta utilisant des catalyseurs à base de complexes organométalliques de titane et aluminium. Le traitement du pétrole s'affirme avec l'hydrodésulfuration sur des catalyseurs à base de sulfure de cobalt et de molybdène, l'hydrotraitement des naphtas sur des catalyseurs cobalt-molybdène déposés sur alumine.
Les années 1960 marquent l'apparition des zéolithes de synthèse actives et sélectives pour l'isomérisation des alcanes et le craquage catalytique. Dès lors, ces matériaux vont faire l'objet d'intenses études pour leurs propriétés catalytiques et les chercheurs mettent au point de nombreuses zéolithes aux propriétés adaptées selon les réactions à catalyser, mais aussi à la forme des molécules par le contrôle de la taille des canaux. Les réactions mises en jeu conduisent à des molécules de plus en plus diverses : l'ammoxydation du propylène sur des catalyseurs à base d'oxydes de bismuth et de molybdène conduit à la fabrication d'acrylonitrile, alors que l'oxychloration de l'éthylène sur des catalyseurs à base de chlorure de cuivre(II) conduit au chlorure de vinyle.
La décennie 1970 voit apparaître le pot catalytique à base de platine, rhodium et palladium, alors qu'ailleurs se développe industriellement la catalyse enzymatique avec l'immobilisation d'enzymes, permettant de produire des pénicillines semi-synthétiques ou l'isomérisation du glucose en fructose. La découverte des zéolithes synthétiques aboutit industriellement dans les années 1980, le procédé MTG (methanol to gasoline : « méthanol vers essence ») permet de fabriquer de l'essence à partir du méthanol grâce au zéolithe H-ZSM5, production de diesel à partir CO et H2 grâce à des catalyseurs à base de cobalt. La chimie fine n'est pas en reste avec la synthèse de la vitamine K4 à l'aide d'un catalyseur membranaire à base de platine.
La liste est encore très longue et les molécules de plus en plus élaborées et de nouvelles perspectives s'ouvrent dans les années 2010[11],[12],[13],[14],[15],[16],[17],[18] avec l'utilisation de catalyseurs à un seul atome, qui devraient encore améliorer la catalyse hétérogène, dont dans les domaines de la chimie et de l'énergie[19].
En chimie, un catalyseur est une substance qui augmente la vitesse d'une réaction chimique ; il participe à la réaction dans une étape, mais est régénéré dans une étape subséquente. Il ne fait donc pas partie des réactifs. S'il fait partie des produits, la réaction est dite autocatalysée. C'est le cas par exemple de la réaction d'équation
pour laquelle les ions Mn2+ ont un rôle catalytique.
Lorsqu’un catalyseur est utilisé pour accélérer une transformation, on dit que celle-ci est catalysée. Les catalyseurs agissent seulement sur des produits prédéterminés. Si un catalyseur accélère la réaction, il est dit positif. S'il la ralentit, il est dit négatif[20].
Les catalyseurs sont largement utilisés dans l'industrie et en laboratoire parce qu'ils augmentent considérablement la production des produits tout en minimisant les coûts de production. Dans la nature et en biochimie, certaines protéines possèdent une activité catalytique. Il s'agit des enzymes.
Le catalyseur augmente la vitesse de réaction en introduisant de nouveaux chemins de réaction (mécanisme), et en abaissant son énergie d'activation, ou énergie libre de Gibbs d'activation. Ce faisant il permet d'augmenter la vitesse, ou d'abaisser la température de la réaction. Le catalyseur ne modifie pas l'énergie libre de Gibbs totale de la réaction qui est une fonction d'état du système et n'a donc aucun effet sur la constante d'équilibre.
En plus de modifier la vitesse de réaction, le choix d'un catalyseur peut reposer sur d'autres paramètres :
La succession des étapes conduisant à la formation d'un produit n'est pas la même en présence et en l'absence d'un catalyseur.
Le chemin réactionnel est donc différent en présence et en absence du catalyseur ; le nombre d'étapes est généralement plus élevé avec catalyse que sans, mais toutes les étapes sont rapides.
Le catalyseur réagit généralement avec un ou plusieurs réactifs pour donner un intermédiaire, qui donne le produit de la réaction tout en régénérant le catalyseur. Par exemple, le bilan d'une réaction R → P, en présence d'un catalyseur (C) peut s'écrire :
Bien que le catalyseur soit consommé dans l'étape (1), il est régénéré par l'étape (2). La somme des deux étapes est donc identique au bilan annoncé :
Cependant, le catalyseur parait généralement dans la loi de vitesse. Si l'étape cinétiquement déterminante au schéma ci-dessus est la première étape R + C → RC, la réaction catalysée sera du second ordre avec l'équation de vitesse v = kcat[R][C]. Mais le mécanisme catalysé a lieu en parallèle avec la réaction non catalysée. Si cette dernière est élémentaire, son équation de vitesse sera v = k0[R] et l'équation de vitesse globale sera v = k0[R] + kcat[R][C], que l'on peut écrire
Ici le coefficient de vitesse (k) est la somme de deux termes. Le premier terme, normalement faible, représente la constante de vitesse de la réaction sans catalyseur. Le deuxième terme est proportionnel à la concentration du catalyseur, qui elle demeure constante lors de l'évolution d'une réaction dans le temps.
Un catalyseur fonctionne en permettant un mécanisme alternatif mettant en jeu différents états de transition et des énergies d'activation plus basses. Ainsi, dans le cas d'une réaction bimoléculaire simple de type A + B, l'état de transition est remplacé par un intermédiaire réactionnel de plus basse énergie, accompagné par deux états de transition, eux-mêmes de plus basse énergie. L'effet de ce changement est que plus de collisions moléculaires ont l'énergie nécessaire pour atteindre l'état de transition. Ainsi, un catalyseur permet d'effectuer des réactions qui, bien que thermodynamiquement faisables, étaient cinétiquement impossibles, ou nettement plus lentes. Un catalyseur abaisse donc l'énergie d'activation d'une réaction.
Un catalyseur ne peut pas rendre possible une réaction énergétiquement défavorable, pas plus qu'il ne peut déplacer l'équilibre final. La réaction et la réaction inverse sont également catalysées (principe de microréversibilité). L'enthalpie libre de la réaction est inchangée.
La catalyse est hétérogène quand le catalyseur et les réactifs ne sont pas dans la même phase. L'immense majorité des cas de catalyse hétérogène fait intervenir un catalyseur sous forme solide, les réactifs étant alors gazeux et/ou liquides. Les principales étapes du mécanisme sont décrites par la figure ci-contre.
En catalyse homogène, les réactifs et le catalyseur sont présents dans la même phase. On retrouve beaucoup ce type de catalyse en chimie organique où de nombreuses réactions se déroulent avec des réactifs en solution, en présence d'ions H+, d'acides de Lewis, de complexes, etc., tous étant également solubles.
Dans la biologie, les enzymes sont des catalyseurs des réactions métaboliques. Elles ont des structures basées sur des protéines. Les enzymes solubles peuvent être considérées comme intermédiaires entre les catalyseurs homogènes et hétérogènes; elles sont homogènes au niveau macroscopique mais au niveau moléculaire les réactions catalysées ont lieu sur la surface de l'enzyme comme pour la catalyse hétérogène. Les enzymes liés aux membranes biologiques par contre sont hétérogènes.
Dans ces réactions, le catalyseur agit en tant qu'acide ou base. Cet acide ou cette base sont généralement des ions H+, HO−, des acides ou des bases de Lewis, ou encore des oxydes métalliques (Al2O3, V2O5, etc.). On distingue deux cas, selon que la réaction est accélérée par tous les acides (respectivement toutes les bases), ce qui s'appelle la catalyse générale, ou s'il faut un acide (ou une base) en particulier, ce qui s'appelle la catalyse spécifique.
Dans certains cas, un acide particulier sert de catalyseur. Le mécanisme passe alors par un mécanisme qui lui est propre, et qui serait différent pour un autre acide. C'est le cas de la réaction d'halogénation de la propanone[21] :
Cette réaction est accélérée par H3O+ (ou par HO−). La constante de vitesse est de la forme
L'ajout d'un acide faible ne modifie la vitesse que par la variation de la concentration [H3O+] qu'il permet, et non par la variation de sa propre concentration. Cela indique que c'est spécifiquement H3O+ le catalyseur, et non n'importe quel acide.
L'inversion du saccharose est également de type catalyse spécifique. Son équation est :
L'halogénation des nitroalcanes est un exemple de catalyse basique spécifique.
Pour qu'une catalyse soit acido-basique générale, il faut que des acides (ou des bases) faibles catalysent également la réaction. Cette catalyse doit dépendre de la concentration en acide faible, et pas seulement du fait que cet acide peut libérer des ions H+.
La constante de vitesse, en catalyse acide spécifique est donc de la forme :
Pour montrer cette propriété de catalyse acide générale, il faut par exemple déterminer la dépendance de la vitesse (donc de k) en fonction de la quantité de AH ajouté, mais cela dans un milieu tamponné, afin que le terme k1[H3O+] soit maintenu constant[22].
Des réactions d'oxydoréduction peuvent aussi être catalysées. Par exemple, la dismutation de l'eau oxygénée est catalysée par les ions Fe2+ ou Fe3+, l'hydrogénation des alcènes par le nickel de Raney, ou par ou métaux nobles supportés[23]. L'hydrogénation et l'hydrodésoxygénation sont largement étudiées en raison de leur pertinence pour la valorisation des composés biosourcés[24]. Les procédés oxydatifs sont utilisés pour la synthèse de produits chimiques tels que le formaldéhyde[25], acétaldéhyde[26], l'acide acrylique[27],[28], l'acide benzoïque[29]. Une telle catalyse met généralement en jeu un couple redox dont le potentiel sera compris entre le potentiel de l'oxydant et celui du réducteur.
Des réactions de substitutions nucléophiles peuvent être fortement accélérées en présence de traces d'autres nucléophiles. L'exemple classique est l'iodure de lithium. Dans ce sel, l'ion iodure est très peu lié au lithium, et est un nucléophile assez efficace. L'ion iodure est aussi un nucléofuge très efficace. Il sera donc déplacé par le nucléophile principal plus rapidement que ne se serait déroulée la réaction en absence de catalyseur.
Ici, l'idée est d'amener en contact des espèces se trouvant dans deux phases différentes. Ainsi, des substitutions nucléophiles, par exemple
seraient réalisables si la base HO− qui est en phase aqueuse et le substrat RCl qui en phase organique pouvaient se rencontrer. Une espèce chimique qui transporterait l'ion hydroxyde de la phase aqueuse à la phase organique, puis retransporterait le nucléofuge Cl− de la phase organique à la phase aqueuse sans se transformer lui-même serait un catalyseur, et dans ce cas, un catalyseur par transfert de phase. Une règle essentielle est que chaque phase doit respecter l'électroneutralité, si bien que si un cation change de phase, un anion doit changer en même temps (ou un cation doit passer en même temps dans l'autre direction).
Les cations ammonium substitués par des chaînes alkyle, par exemple (C4H9)N+, peuvent jouer un tel rôle catalytique. De par leur charge positive, ils peuvent être solvatés en phase aqueuse, et par leurs chaînes alkyle, ils peuvent l'être en phase organique. La première étape est dans ce cas, le transfert de (C4H9)N+ + HO− (espèce globalement neutre). La réaction de substitution peut avoir lieu en phase organique, et produire l'anion Cl−. L'espèce (C4H9)N+ + Cl− (toujours globalement neutre) peut passer en phase aqueuse. Le cation ammonium est alors à nouveau disponible pour un nouveau transfert d'ion HO−.
Les substitutions nucléophiles ne sont pas les seules à pouvoir mettre en jeu une catalyse à transfert de phase, par exemple l'oxydation du styrène par les ions permanganate[30], en présence de (C4H9)N+ + HSO4−.
Dans certains cas, le catalyseur apparaît dans le bilan de la réaction, du côté des produits : la réaction est alors autocatalysée. L'effet d'une autocatalyse se traduit par une augmentation de la vitesse de réaction (alors que la vitesse diminue toujours lorsque la réaction avance) avant de diminuer. L'augmentation de la vitesse est due à l'augmentation de la concentration en catalyseur, et sa diminution à la disparition importante de ses réactifs.
Un grand nombre de procédés chimiques comportent au moins une étape catalysée, que ce soit pour la fabrication de fibres synthétiques, de médicaments ou d'additifs alimentaires, sans compter toutes les réactions biologiques catalysées par les enzymes. Par ailleurs, en favorisant des réactions peu polluantes, la catalyse est un des piliers de la chimie verte. La suite de cette section fournit des exemples de réactions catalysées suivant les secteurs d'applications.
D'après[32].
Les procédés industriels qui utilisent des catalyseurs permettent d'économiser des produits chimiques (meilleurs rendements, synthèse en moins d'étapes), du temps (donc de l'argent) et de l'énergie en mettant en jeu des procédés à plus basse température. Quelques exemples de grands procédés industriels sont :