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Charles Frédéric Antoine Auguste Winkler ou Karl Winkler est un architecte franco-bavarois né le 31 octobre 1834 à Dinkelsbühl (royaume de Bavière) et mort le 23 février 1908 à Colmar. Bavarois d'origine, il a changé plusieurs fois de nationalité. Durant l'annexion de l'Alsace-Lorraine faisant suite à la guerre de 1870, il fut chargé de la conservation et de la restauration des monuments historiques d'Alsace.
Charles Winkler a construit ou restauré de nombreux édifices religieux et quelques autres monuments du patrimoine architectural d'Alsace. Il a souvent été surnommé le Viollet-le-Duc alsacien en raison de l'importance quantitative son œuvre et de sa marque sur la conservation des monuments historiques d'Alsace, mais aussi parce que lors de la restauration des édifices il n'hésitait pas à y amener des modifications ou ajouts parfois discutés[1].
Karl Winkler est né le 31 octobre 1834 à Dinkelsbühl en Bavière où son père Franz Winkler est administrateur des forêts[2],[3]. Jeune homme, il fait des études d'architecture à Munich puis à Nuremberg avant de se rendre à Paris à l'École des Beaux-Arts[4] où il suit des cours d'histoire de l'art et d'architecture auprès de Jean-Baptiste Lassus, spécialiste de l'architecture médiévale. Il s'engage dans l'armée française quand éclate la guerre d'Italie de 1859[5]. De 1861 à 1863, il est employé par le génie militaire français comme ingénieur-topographe. Naturalisé français en 1864, il s'installe à Haguenau et travaille à la construction de l'usine à gaz[6].
Charles Winkler se marie le 22 février 1865 avec (Marie Adélaïde) Louise Herrmann, fille d'un juge de paix de Haguenau. Il est nommé architecte municipal et adhère en 1865 à la Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace dont il rejoindra le Comité en 1874. Après la défaite de la France de 1870, Winkler est muté à Strasbourg et nommé architecte des Monuments historiques de Basse-Alsace par l'administration allemande. En 1874, il brigue la direction des services d'architecture d'Alsace-Lorraine mais n'obtient pas le poste, attribué à un fonctionnaire prussien[7]. Il démissionne alors et s'installe à Colmar en architecte indépendant en 1875. Il obtient un agrément pour les constructions publiques et garde la confiance de l'Oberpräsident von Möller qui le charge de la conservation et de la restauration des monuments historiques d'Alsace[6]. Travailleur infatigable et passionné[8], Charles Winkler conduit au cours de sa carrière la construction ou la restauration de nombreux édifices, religieux pour la plupart. Après sa retraite en 1899, il préside la Société Schöngauer qui gère le musée Unterlinden de Colmar. Charles Winkler meurt à Colmar le 23 février 1908 d'une crise d'apoplexie[9].
Charles Winkler laisse une œuvre considérable. Outre les bâtiments qu'il a fait construire, restaurer ou rénover du nord au sud de l'Alsace, on garde de lui quelques projets non aboutis et de nombreux croquis ou relevés concernant les églises ou châteaux forts d'Alsace ou autres éléments de mobilier recensés dans le patrimoine historique de la région.
Lorsqu'il construit un édifice nouveau, c'est souvent dans les styles néo-roman ou néo-gothique. Des exemples sont l'église Saint-Louis de Saint-Louis-lès-Bitche (1897-1902) ou l'église Saint-Morand d'Altkirch (1886) pour le style néo-roman, l'église Saint-Maurice de Mutzig (1879-1880) ou l'église Sainte-Geneviève de Mulhouse (1890-1896) pour le néo-gothique. La pierre de taille y est largement utilisée, donnant à ses bâtiments une allure puissante empreinte de romantisme.
Le réagencement du château urbain d'Eguisheim (1886-1903) peut aussi être considéré comme une création de Winkler, puisqu'il ne s'agissait pas ici de reconstruire le château fort, mais de transformer ses ruines en un mémorial à la gloire du Pape alsacien Léon IX. L'architecte avait donc carte blanche[10]; il y bâtit la chapelle Saint-Léon néo-romane qui jouxte l'ancien corps de logis du château auquel il a rajouté une tourelle d'escalier de style néo-renaissance.
Lorsqu'il restaure des monuments historiques Winkler s'accorde aussi une liberté d'interprétation qui a souvent été critiquée a posteriori : il a rétabli la symétrie des tours de la façade de l'église Sainte-Foy de Sélestat (1889-1893) en les coiffant de chapeaux rhomboïdaux évoquant la cathédrale de Spire, une forme que l'on ne trouvait pas en Alsace au Moyen Âge[11]. De même, des ajouts ou modifications à l'occasion de la restauration de la collégiale Saint-Thiébaut de Thann (1887-1895) lui ont été reprochés après 1918 dans un contexte de nationalisme attisé[12].
La liste des églises ou chapelles qu'il a restaurées en Alsace est longue[13]. À l'occasion de ces travaux, Winkler a redécouvert ou participé à la redécouverte des "trésors" cachés ou oubliés du patrimoine architectural religieux d'Alsace tels que le Christ de Wissembourg[14], les fresques de l'église de Hunawihr[15], le dallage de l'église Sainte-Foy de Sélestat[16].
Parmi les restaurations d'édifices non religieux conduites par Charles Winkler, on peut mentionner la façade de l'ancien commissariat de police de Strasbourg (1872-1873) ou l'aménagement du tribunal cantonal de Rouffach[17] pour leur interprétation dans un style néo-classique, la Porte de France de Turckheim ou la Tour des Bouchers de Ribeauvillé, des bâtiments médiévaux qui sont devenus des symboles de l'Alsace touristique. À Turckheim, les tourelles d'angle et les créneaux que Winkler avait fait ajouter en 1888 furent démolis dès 1912[18].
Deux projets non finalisés rappellent les ambitions de Charles Winkler, il en reste des épures intéressantes :
Charles Winkler publie en 1878 un ouvrage sur les châteaux forts d'Alsace, "Die Burgen im Elsaß jetzt und ehemals", qui présente des plans et dessins des ruines et aussi des reconstitutions des châteaux. Il dessine les illustrations pour l'inventaire "Kunst und Alterthum in Elsaß-Lothringen" de son collègue Franz-Xaver Kraus (1892). Membre du Comité de la Société des Monuments historiques et conservateur des Monuments historiques d'Alsace-Lorraine, Winkler propose en 1898 un inventaire qui porte le nombre de monuments classés de 44 à 111[22].