Date |
- (8 mois et 7 jours) |
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Lieu |
Ligne Maginot, Ligne Siegfried |
Issue | Déclenchement de la guerre ouverte, bataille de France |
France Royaume-Uni |
Reich allemand |
Seconde Guerre mondiale,
Bataille de France
Batailles
La « drôle de guerre » (en anglais : phoney war, « fausse guerre » ; en allemand : Sitzkrieg, « guerre assise » ; en polonais : dziwna wojna, « guerre étonnante ») est la période du début de la Seconde Guerre mondiale qui se situe entre la déclaration de guerre par le Royaume-Uni et la France (les Alliés) à l'Allemagne nazie le et l'offensive allemande du sur le théâtre européen du conflit. Cette période se caractérise par :
L'origine de l'expression « drôle de guerre » est revendiquée par le journaliste Roland Dorgelès, mais elle pourrait provenir d'une mauvaise compréhension de l'expression phoney war, confondue avec funny war, utilisée dans un reportage sur les armées franco-britanniques[1]. Elle s'applique au front occidental, où les hostilités se réduisaient à quelques escarmouches après la modeste offensive de la Sarre.
Après la signature du pacte germano-soviétique, Hitler lance ses armées contre la Pologne le , sans déclaration de guerre (voir : incident de Gleiwitz). En application de leur alliance, la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l'Allemagne. En particulier, la France a garanti après 1918 par des traités d'assistance mutuelle l'existence de la plupart des pays nouvellement créés en Europe centrale (avec l'idée de créer un cordon sanitaire autour de l'Allemagne). La Pologne et la France ayant signé en mai 1939 un protocole qui obligeait la France à lancer l’offensive générale dès le quinzième jour de la mobilisation, en septembre 1939, les Polonais attendent, en vain, l’aide française en espérant que la France remplirait ses engagements d’allié. Dès les premiers jours, l'armée française ne fait que lancer l'offensive de la Sarre avant de se replier derrière la ligne Maginot.
Les Allemands appliquent pour la première fois sur le théâtre polonais la tactique de la Blitzkrieg (« guerre-éclair »), qui assure à la Wehrmacht une victoire rapide malgré la contre-offensive polonaise de la Bzura. Ayant attaqué de son côté la Pologne le 17 septembre, l'URSS participe au partage du pays vaincu, puis elle annexe les États baltes. Après l'échec des négociations avec la Finlande pour reculer la frontière soviétique au-delà de Léningrad, l'URSS attaque la Finlande (guerre d'Hiver) et elle annexe la région frontalière de Carélie. L'armistice soviéto-finlandais provoque en France la chute du gouvernement Daladier, le 21 mars 1940, et son remplacement par Paul Reynaud.
Après sa première campagne victorieuse, Hitler se tourne vers l'Ouest, mais il doit reporter plusieurs fois son offensive, et le front reste calme pendant plusieurs mois. Retranchés derrière la ligne Maginot, les Alliés attendent l'assaut des forces allemandes, elles-mêmes retranchées derrière le Westwall ou ligne Siegfried. C'est un conflit sans combats majeurs, seulement quelques escarmouches entre patrouilles de reconnaissance. C'est la « drôle de guerre », selon l’expression attribuée à l’écrivain Roland Dorgelès[2]. L'installation dans la routine plonge l'armée française dans une « dépression d'hiver » : l'obéissance se relâche, l'alcoolisme atteint des sommets historiques, les villages évacués d'Alsace sont pillés par des soldats français[3].
La « drôle de guerre » avec l'offensive de la Sarre aurait fait dans les trois armées françaises (terre-air-mer) environ 2 000 morts[4],[5]. L'historien Michaël Bourlet avance le chiffre de 3 000 morts au combat, durant les huit mois de la drôle de guerre[6]. Les Allemands comptent de leur côté 196 soldats tués et 114 disparus après la contre-offensive de la première armée d'Erwin von Witzleben du 16 au 24 octobre[7], laquelle ne progressera pas avant le , date du début de la Blitzkrieg. Cette contre-offensive fut le seul combat d'une certaine envergure sur la frontière durant la « drôle de guerre ».
En mer, un sous-marin allemand coule dès le 3 septembre 1939 le paquebot britannique Athenia, faisant 117 morts. Le 14 octobre suivant, un autre U-Boot réussit à s'introduire dans la rade de Scapa Flow et à couler le cuirassé HMS Royal Oak, causant la mort de 833 marins britanniques.
En France, la structure de commandement se complexifie avec la création fin 1939 du Grand quartier général français de Doumenc à mi-chemin entre Gamelin et Georges. On se retrouve dès lors pour le secteur clef des opérations avec pas moins de quatre échelons de commandement :
Sans oublier la chaîne « Air » distincte.
Les trois premiers se « partageant » les principaux services d'état-major dont le PC en partie souterrain est installé dans le bois du château de Vincennes, ceux-ci y perdent évidemment en efficacité et plus personne ne dispose dans sa main de tous les outils nécessaires à la conduite de la bataille. « Le haut commandement des années 1930, analyse Jean-Louis Crémieux-Brilhac, n'avait su ni éviter la sclérose intellectuelle et bureaucratique, ni admettre qu'il pût y avoir d'autres formes de guerre que celle de 14-18, ni faire le choix de système d'armes cohérents »[8]. De plus, il faut préciser que les deux premiers gravitent, l'un dans l'ombre de Reynaud, l'autre dans celle de Daladier.
Dans le cadre de la stratégie du blocus, les Alliés veulent couper les approvisionnements en minerai de fer de l'Allemagne ; celle-ci reçoit la majeure partie de ses approvisionnements de la Suède. Si le port de Luléa est pris par les glaces une bonne partie de l'hiver, celui de Narvik (Norvège) est en eau libre. Les Alliés décident donc de monter une opération pour prendre le contrôle des mines de Gällivare à partir de Narvik (une voie ferrée relie les deux points). Mais les Allemands devancent les Alliés : ils envahissent le Danemark et la Norvège le 9 avril (les Alliés ont mouillé des mines dans les eaux territoriales norvégiennes le 8 avril, ce qui peut s'apparenter à un acte hostile, la Norvège ayant continuellement affirmé sa volonté de rester neutre). L'intervention allemande est un succès ; les Alliés essuient partout des échecs, sauf à Narvik où Polonais et Français réussissent à prendre pied dans la ville, mais pour très peu de temps. À la suite du début désastreux de la campagne de France, les troupes de Narvik sont rappelées et l'opération s'achève sans être exploitée.
La drôle de guerre prend définitivement fin le lorsque les armées allemandes lancent le Fall Gelb, une vaste offensive sur les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg violant la neutralité de ces États, puis à travers les Ardennes (la percée de Sedan) afin de prendre à revers la ligne Maginot. Le commandant en chef français, le général Gamelin, avait pourtant été prévenu, en janvier 1940, par des contacts militaires secrets avec les Belges, que ceux-ci avaient saisi, dans un avion qui avait fait un atterrissage forcé en Belgique (incident de Mechelen), des instructions militaires montrant que l'Allemagne allait attaquer dans les Ardennes[9]. Le 8 mars, un message de confirmation du roi Léopold III en personne parvint encore au Général Gamelin[10]. Mais l'état-major français n'en tint aucun compte. Et ce fut l'attaque sur Sedan où l'armée française, surprise, ne put s'opposer à la percée allemande menaçant les arrières des armées alliées. Pourtant les troupes d'élite de l'armée belge, les Chasseurs ardennais, avaient contenu les Allemands pendant deux jours, ce qui aurait dû permettre aux Français de mieux se préparer. Un rapport du député français Pierre Taittinger signalait, dès avril, les faiblesses du secteur de Sedan. Mais rien n'y fit. Il en résulta le recul précipité de l'ensemble des armées françaises de l'Est. Pendant ce temps, le gros de l'armée belge était attaqué par le nord de la Belgique et par les Pays-Bas dont l'armée devait se rendre en cinq jours. Les armées franco-anglo-belges, incapables de se reformer pour stopper l'avance allemande, se disloquèrent progressivement après un coup d'arrêt de l'armée belge sur la Dendre et une éphémère et inutile victoire tactique, à Gembloux, des chars français accompagnés par de l'infanterie. La conséquence finale fut l'écrasement de l'armée belge qui capitula le 28 mai, arrivée au bout de ses réserves de munitions. De plus, l'armée anglaise avait sans crier gare abandonné la droite de l'armée belge dès le 25, comme le confirme lord Keyes dans ses mémoires[11]. Les Belges, depuis le 23 jusqu'au 28, continrent seuls l'armée allemande à la bataille de la Lys, alors que l'encerclement du gros des forces alliées empêchait tout approvisionnement. Les Anglais préparaient hâtivement l'opération Dynamo de rembarquement des forces britanniques. Une large partie des troupes françaises put également être recueillie, sous la protection d'un rideau de troupes françaises qui freinèrent l'armée allemande avant d'être finalement capturées, tandis que les équipements lourds étaient perdus. Cette défaite entraîna aussi l'abandon de la Scandinavie par les forces alliées.
La propagande est dirigée en Allemagne par Joseph Goebbels et en France par Jean Giraudoux, nommé commissaire général à l'information le 29 juillet 1939 par le gouvernement Daladier[12]. Les chansons patriotiques de la « der des ders » comme La Madelon sont utilisées en version douce-amère nostalgique.
Les adversaires mettent une économie de guerre au service de leurs armées. Les États-Unis vendent comptant leur matériel militaire uniquement aux Alliés tandis que l'URSS fait commerce de ses ressources avec l'Allemagne. L'accès au minerai de fer suédois déclencha un affrontement en Norvège et son invasion par les nazis. Les Alliés déclenchèrent le blocus et l'Allemagne, quelques attaques par ses sous-marins.
En URSS, la radio et les journaux officiels accordent peu de place à la guerre « impérialiste » en Europe occidentale et, sous couvert de neutralité, adoptent une ligne pro-allemande ; ils rendent compte avec beaucoup plus d'attention des événements d'Extrême-Orient où l'URSS est en guerre non déclarée contre le Japon. Dans la presse de Moscou, un peu moins censurée, les événements militaires à l'Ouest sont relégués dans les pages intérieures à côté de la rubrique des spectacles. Les caricatures sur la guerre visent exclusivement les Franco-Britanniques. Ce n'est qu'à partir d'avril 1940 que plusieurs journaux dont la Pravda et les Izvestia, en décalage avec les déclarations pro-allemandes de leur gouvernement, expriment une inquiétude croissante face aux succès allemands[13].
L'expression « drôle de guerre », revendiquée par le correspondant de guerre Roland Dorgelès, est utilisée à partir de par le journal Le Figaro[14]. L'expression pourrait être la traduction de phoney war expression dérisoire attribuée au sénateur américain William Borah et signifiant « fausse guerre, guerre bidon »[15].
La drôle de guerre sert de contexte à de nombreuses œuvres littéraires comme Un balcon en forêt de Julien Gracq publié en 1958 où l'auteur prend appui sur son expérience de soldat dans les Ardennes au début de la Seconde Guerre mondiale. L'écrivain Lucien Rebatet, lui aussi engagé, déplore pour sa part l'enlisement qu'engendre la Drôle de guerre dans son ouvrage Les Décombres (1942), décrivant une armée mal entraînée, mal dirigée et finalement impropre à se battre, face à la menace allemande.
C'est lors d'une tournée sur la ligne Maginot en 1939 que Pierre Dac introduit le mot « chleuh » pour désigner les soldats allemands[16].
Une chanson de circonstance, très populaire en Grande-Bretagne comme en France, était On ira pendre notre linge sur la ligne Siegfried.
Une affiche représentant une carte du monde et la disproportion géographique entre les Alliés et les pays de l'Axe reprend la phrase de Paul Reynaud « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts »[17].