L'hiver russe, surnommé aussi le général Hiver, le général Givre, fut cité comme un facteur qui contribua de manière significative aux échecs militaires de plusieurs invasions de la Russie[1]. Un facteur similaire est le « général Boue » (« raspoutitsa »).
L'impact de ce facteur reste controversé. Une étude militaire américaine de la guerre en hiver en Russie conclut que « le général Hiver » est un mythe perpétué pour rationaliser les défaites de l’ « invincible » génie militaire occidental face aux « inférieurs » russes[2]. En fait, à la fois les plans d’Hitler et de Napoléon commencèrent à être pris en défaut bien avant l'hiver. Il est indéniable cependant que des conditions hivernales rigoureuses aggravèrent fortement leurs difficultés ultérieures[2].
Durant la Grande guerre du Nord, Charles XII de Suède envahit la Russie de Pierre le Grand en 1707. Les Russes battirent en retraite, adoptant une politique de la terre brûlée. Cet hiver fut le plus brutal du XVIIIe siècle, si grave que l'eau salée du port de Venise gela. Les 35 000 hommes de troupes de Charles furent paralysés, et, au printemps seuls 19 000 d’entre eux subsistaient. La bataille de Poltava en 1709 scella la fin de l'Empire suédois.
La Grande Armée de Napoléon était forte de 610 000 hommes lorsqu’elle envahit la Russie, marchant sur Moscou, au début de l'été, le . L'armée russe se retira avant que les Français n’arrivent et brûla les récoltes et les villages, empêchant leur utilisation par l'ennemi. L'armée de Napoléon fut finalement réduite à 100 000 hommes. Son armée subit, en outre, des pertes encore plus désastreuses lorsque la retraite de Moscou commença en octobre.
Les Français blâmèrent le temps pour leur défaite, et dès 1835 Denis Davydov publia un article militaro-historique, intitulé « Est-ce le gel qui dévasta l'armée française en 1812 ? », où il démontra que les Français avaient subi des pertes dans des combats au cours de temps relativement doux et lista les raisons véritables. Il utilisa non seulement ses propres observations comme arguments, mais aussi des opinions étrangères, y compris celles d’auteurs français[3].
Selon une étude militaire américaine plus récente, le corps principal de la Grande Armée de Napoléon, initialement forte d’au moins 378 000 hommes, diminua de moitié au cours des huit premières semaines de l’invasion, avant la grande bataille de la campagne. Cette baisse est due en partie à la mise en garnison dans les centres d'approvisionnement, mais aussi aux maladies, aux désertions et aux pertes subies dans diverses actions mineures qui causèrent des milliers de pertes. À Borodino, le , le seul engagement majeur en Russie, Napoléon ne pouvait rassembler plus de 135 000 hommes et perdit au moins 30 000 d'entre eux pour une victoire à la Pyrrhus à 900 kilomètres en territoire hostile. Les conséquences étaient son occupation incontestée et autodestructrice de Moscou et sa retraite humiliante, qui commença le , avant les premières gelées qui apparurent plus tard durant ce mois d’octobre et la première neige le [2].
Au cours de l'expédition en Russie septentrionale de l'intervention alliée dans la guerre civile russe, les deux parties, les forces alliées et l'armée rouge bolchevique connaissaient ou apprirent rapidement les principes de la guerre hivernale et les appliquèrent chaque fois que possible. Toutefois, les deux parties connurent des pénuries de ressources et de temps, subissent les graves conséquences de leur impréparation, mais le général Hiver ne fournit pas un avantage décisif à l'un des côtés[2].
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Wehrmacht manquait des fournitures nécessaires, tels que les uniformes d'hiver, en raison des nombreux retards dans les mouvements de l'armée allemande. Dans le même temps, les plans d’Hitler pour l'opération Barbarossa étaient mal engagés avant le début de l'hiver rigoureux : il était si confiant en une victoire rapide qu'il ne se prépara pas à la possibilité même de la guerre hivernale en URSS. En fait, son armée de l'Est enregistra plus de 734 000 victimes (environ 23 % de sa force moyenne de 3,2 millions d’hommes) au cours des cinq premiers mois de l'invasion avant le début de l'hiver[2]. Le , Eduard Wagner, quartier-maître général de l'armée allemande, indiqua : « Nous sommes au bout de nos ressources à la fois en personnel et en matériel. Nous sommes sur le point d'être confrontés avec les rigueurs de l'hiver »[2]. À noter également le fait que l'hiver inhabituellement précoce de 1941 raccourcit la saison de la raspoutitsa, améliora la logistique au début du mois de novembre, alors que le temps étant encore que légèrement froid[2].
Un certain nombre de facteurs doivent être pris en ligne de compte.
De ce fait, la défense est en général plus avantageuse que l'offensive en raison de tout ce qui précède[2].
Viktor Souvorov, écrivant à propos de la guerre germano-soviétique, remarqua que la véritable raison de la défaite des envahisseurs ne fut pas l'hiver russe en soi; mais qu’elle prenait racine dans le fait que le génie militaire des envahisseurs était surestimé: une planification intelligente d'une campagne militaire aurait envisagé tous les obstacles possibles: l’étendue de la Russie, son terrain, et l'hiver russe également.