L'industrie est la production de biens grâce à la transformation des matières premières ou des matières ayant déjà subi une ou plusieurs transformations et à l'exploitation des sources d'énergie. Cependant, le terme « industrie », polysémique, recouvre originellement la plupart des travaux humains.
Oscillant depuis la préhistoire entre artisanat et mécanisation, l'activité industrielle des produits (qui ne concernent pas l'alimentation humaine) s'intensifie au tournant du XVIIIe siècle puis au XIXe siècle grâce à l'utilisation des énergies fossiles et l’application de nouvelles technologies : ce phénomène est appelé révolution industrielle et est concomitant à l'apparition du capitalisme. De profonds changements sociaux l'ont accompagnée alors que la société industrielle advenait. Ces transformations ont modifié l'industrie elle-même qui s'est rationalisée par :
En matière de secteurs économiques, la loi des trois secteurs indique que l'industrie recoupe pour l'essentiel le secteur secondaire. Plusieurs classifications des secteurs de l’industrie existent, il est par exemple possible de distinguer l'industrie manufacturière de l'industrie d'extraction (qui appartient alors au secteur primaire), ou l'industrie des biens de consommation de l'industrie des biens de production.
« Industrie » provient du terme latin industria, composé de indo, « dans », et struere, « bâtir », soit « celui qui construit par lui-même ». Il a longtemps signifié « habileté à faire quelque chose, invention, savoir-faire » et, par extension, métier que l'on exerce pour vivre[1] (profession mécanique, artistique ou mercantile[2]). Le mot a pris un sens plus restreint au XVIIIe siècle, peut-être à l'époque de Law[1] et de son système qui indexe la monnaie non plus sur le métal — fluctuant sur la production des mines depuis Jacques Cœur au Moyen Âge — mais sur les terres arables, pour désigner « toute activité productive »[3], c'est-à-dire toutes celles qui concourent à la production des richesses : « l'industrie agricole, l'industrie commerciale et l'industrie manufacturière »[4]. Depuis le XIXe siècle, les activités relevant de l'agriculture sont exclues du champ de l'industrie qui désigne maintenant l'« ensemble des activités socio-économiques fondées sur la transformation des matières premières »[3].
Mais avant de s'imposer, le terme « industrie », qui est associé à « industrieux », désignant une personne habile de ses mains, a dû supplanter les expressions « arts et métiers » avec leurs corps de métier dans l'Ancien Régime, ou « arts et manufactures », « arts méchaniques », « arts industriels ». « Industrie » « se dit aussi des arts mécaniques et des manufactures en général, ordinairement par opposition à l'agriculture »[5],[6].
La Préhistoire voit l'apparition des premières activités humaines qui peuvent être qualifiées d'industrielles, en excluant celles qui sont liées à l'agriculture.
La poterie fut l'une des plus importantes industries de l'Antiquité. La production d'ateliers tels que La Graufesenque et Lezoux en témoigne. Dans ces ateliers, plusieurs dizaines de milliers de vases pouvaient en effet être cuits à chaque fournée.
La filature se développe dès cette époque autour de fibres végétales (genêt, etc.) ou animales (laine de moutons, etc.). La toile de genêt, tissu servant à confectionner entre autres des vêtements et des voiles de navires, est fabriquée par les Romains et les Carthaginois à l'aide de fibres de genêt d'Espagne.
De nouvelles techniques apparaissent au Moyen Âge, et avec elles de nouvelles industrialisations. Le XIIIe siècle voit par exemple l'apparition de l'utilisation du charbon comme combustible. L'industrie drapière se développe en Flandre. Les nombreuses guerres nécessitent une production importante dans certains domaines. Ainsi, le Clos des galées à Rouen constitue un grand arsenal de la royauté française ; dans les années 1340, il parvient à livrer des projectiles (arcs et arbalètes) par dizaines de milliers, des armes et armures par dizaines, voire par centaines. La construction de châteaux forts ou de cathédrales associait des centaines d'hommes sur les chantiers.
La principale innovation « industrielle » du Moyen Âge est la généralisation du moulin, découvert à la fin de l'Antiquité, qui assujettit la force de l'eau ou du vent. Il y a certes les moulins pour le blé, mais les moulins trouvent d'autres usages : moulin à fouler ou fouleret, moulin à tan, à papier, etc.
Dans d'autres ateliers, on fabrique manuellement des parchemins en grande quantité, qui seront ensuite utilisés par le clergé ou même par des philosophes en Afrique du Nord et en Andalousie.
La Renaissance a été plutôt marquée par un renouveau de l'artisanat lors de la construction et de l'embellissement des châteaux bâtis par les princes et les rois, résidences qui perdent peu à peu leur vocation guerrière au profit du palais de prestige ; seules les industries de l'armement et des appartenances (vêtements, teintures, tapis, porcelaines) ont prospéré.
Au XVIIe siècle, en France, Jean-Baptiste Colbert développe les manufactures dont les Gobelins, la manufacture d'armes de Saint-Étienne, la manufacture de tapisserie de Beauvais (1644), la manufacture de tapis d'Aubusson, la « manufacture de glaces, cristaux et verre » de Reuilly (qui deviendra Saint-Gobain), la bonneterie de Troyes, la draperie d'Abbeville, la papeterie d'Angoulême. La faïence remplace alors la céramique et de grands centres de production sont créés comme la manufacture de Rouen.
En Allemagne, Leibniz montre qu'une société naturelle produit une économie de travail, créant alors la notion d'économie pour créer des produits[7].
L'âge industriel est aussi important que l'apparition de l'agriculture au Néolithique : il y apparaît en effet une idée de rupture avec le passé. L'âge industriel est caractérisé par une croissance durable et irréversible de la production industrielle, accompagnée de transformations dans l'organisation de la production et dans les sociétés. En 1746, les jeunes entrepreneurs Jean-Jacques Schmalzer, Samuel Koechlin, Jean-Henri Dollfus et Jean-Jacques Feer créent une manufacture de tissus à Mulhouse. L'industrie se développera de manière fulgurante dans cette ville protestante, qui est alors une cité-État connue sous le nom de république de Mulhouse.
Les créations de manufactures se poursuivent au XVIIIe siècle : une manufacture de porcelaine s'établit au château de Vincennes avant de déménager à Sèvres où elle se fera une réputation.
Malgré les crises difficilement reçues par les contemporains, la tendance générale de la période 1790-1939 est caractérisée par l'expansion.
La première révolution industrielle commence aux alentours de 1790, pour se terminer aux prémices de la suivante. Les inventions motrices de cette période sont liées à la vapeur et au charbon ; son centre d'activité principal est le Royaume-Uni, puis, quelques décennies plus tard, la révolution industrielle touche la Belgique, ultérieurement, le nord de la France, la Suisse, et enfin l'Allemagne.
La deuxième révolution industrielle commence aux alentours de 1850, et s'arrête aux environs de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les inventions principales de cette période ont un rapport direct avec l'exploitation des découvertes en électricité.
Trois facteurs ont permis à cette deuxième révolution industrielle d'aboutir :
La révolution industrielle s'est accompagnée de profonds changements sociaux. Le penseur de la société industrielle en France a été Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon (1760-1825). Il a décrit le « passage de l'âge théologique et féodal à l'âge industriel et positif ». Il a donné lieu au courant du saint-simonisme très actif au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle[8].
Au XXe siècle, grâce surtout à l'utilisation de combustibles fossiles, les activités industrielles ont été multipliées par 50, alors que la population mondiale a triplé, et que le volume de l'économie mondiale a été multiplié par 20, et la consommation de combustibles fossiles par 30[9].
Des avancées technologiques sont susceptibles de conduire à un développement de l'industrie dans les domaines :
Les termes révolution de l'information ou société post-industrielle décrivent les tendances économiques, sociales et technologiques actuelles au-delà de la révolution industrielle.
Le caractère industriel d'une activité est étroitement lié au processus de production mis en œuvre : division du travail, spécialisation et répétitivité des tâches, donc mécanisation, développement et spécialisation des fonctions administratives et de support, etc.
On peut consulter les thèmes suivants :
Dans toute forme d'industrie, on retrouve un procédé, une méthode de production. Souvent, leurs inventeurs cherchent à les protéger pour éviter que d'autres ne viennent les concurrencer. C'est en partant de ce principe de propriété intellectuelle, qu'ont été mis au point un certain nombre d'outils juridiques utilisés pour protéger un procédé, comme le brevet.
Ensuite, entre le fournisseur et le client, apparaît la notion de contrat, qui fixe par écrit les termes d'un accord (commercial, d'assistance technique, de formation, de service après-vente, etc.).
L’industrie fait essentiellement partie, par convention, du secteur secondaire, secteur définis dans les systèmes de comptabilité nationale ; elle produit des biens matériels[10]. On distingue l’industrie manufacturière et les industries d'extraction[10] plutôt classées dans le secteur primaire.
Un découpage a priori de l'industrie en fonction des destinations des produits (bien de consommation, bien d'équipement, biens intermédiaires), recouvre une réalité économique caractérisée par la part relative des équipements et de main-d'œuvre dans la valeur ajoutée que l'on peut qualifier de capitalistique et non pas une convention de statisticien ou de comptable national. D'autres variables, comme la structure financière, celle de l'emploi, la croissance peut conduire à décomposer l'industrie en grands groupes de secteurs. Ceux-ci ne sont plus exclusivement caractérisés par la destination des produits. On distingue alors :
Cette classification a été proposée par Alain Desrosières en 1972[11]. Elle visait à pallier un système de classification fragmenté d'un assez grand nombre de secteurs qui freine tout effort de synthèse. La séparation (entre E et I) est fondée sur la place dans la filière de production. Le groupe I élabore les matières premières, que le groupe E transforme en produits ouvrés très complexes. Les différences entre ces deux groupes relèvent donc surtout du degré de complexité des productions. En particulier, cette complexité plus grande des activités du groupe E expliquerait sa moins grande mécanisation (en 1972), et la part plus grande de la main-d'œuvre que dans le groupe I. « En revanche, la séparation entre le groupe C et les deux autres serait beaucoup plus historique : les industries du groupe C sont plus anciennes et traditionnelles, elles sont beaucoup moins avancées dans la mutation vers le mode de production capitaliste concentré et moderne qui est le propre des deux autres groupes ».
Il existe de nombreuses classifications types des industries.
Début XIXe siècle, dématérialisant de nombreux produits et services, d'autres industries apparaissent :
Même si les industries permettent de réaliser une certaine économie de travail favorisant la créativité humaine[12],[13], le secteur de l'industrie est un secteur d'utilisation de l'énergie des plus importants.
Le secteur de l'industrie selon l'Agence internationale de l'énergie comprend[14],[15] :
Le secteur de l'industrie selon l'Energy Information Administration américaine comprend toutes les installations et tous les équipements utilisés pour la production, le traitement ou l'assemblage des marchandises et bien de consommations.
Le secteur industriel englobe les types d'activités de fabrication suivants (codes 31-33 du Système de classification des industries de l'Amérique du Nord — SCIAN) :
La consommation globale d'énergie dans ce secteur est en grande partie attribuable à la chaleur industrielle, à la réfrigération et à l'alimentation des machines, des quantités moindres étant utilisées pour le chauffage, la climatisation et l'éclairage des installations. Les combustibles fossiles sont également utilisés comme intrants de matières premières pour les produits manufacturés. Ce secteur comprend les générateurs qui produisent de l'électricité et/ou une production thermique utile principalement pour soutenir les activités industrielles susmentionnées[16].
Tous les secteurs industriels, pour produire des biens matériels, sont des grands consommateurs de ressources naturelles et générateurs de pollutions diverses. Les secteurs industriels engendrent de la pollution des sols, de l'atmosphère terrestre, ou des nappes phréatiques.
Les sites industriels interfèrent avec le milieu naturel : occupation de l'espace, perturbation des équilibres physico-chimiques et écologiques. Ces perturbations cumulées peuvent mener à une crise environnementale.
Afin de limiter les impacts sur les milieux naturels ainsi que les impacts sociaux, la communauté internationale a élaboré depuis les années 1980 des politiques de développement durable, qui se traduisent dans les entreprises par la responsabilité sociétale des entreprises.
Les entreprises du secteur industriel sont soumises au même environnement que les autres entreprises.
Les autorités publiques essayent parfois d'accueillir ou de maintenir de grands sites industriels dans des territoires particuliers, à des fins d’aménagement du territoire[17]. Pour cela, elles peuvent utiliser des subventions ; par exemple, l’Union européenne a versé des subventions aux industries qui étendent ou installent des sites de production dans la ville de Valenciennes, en France, la zone étant jugée en retard économique[18].
.« l'industrie agricole s'applique principalement à provoquer l'action productive de la nature ou à en recueillir les produits ; l'industrie commerciale crée de la valeur en mettant les produits à la portée du consommateur ; l'industrie manufacturière est celle qui, en transformant les choses, leur crée de la valeur »