La laque est une résine de divers arbustes de la famille des Anacardiacées. Celle-ci forme en « séchant » un revêtement solide, résistant aux intempéries que l'on nomme également la laque (voir aussi vernis du Japon et urushi-e).
On appelle également un laque, au masculin cette fois, un objet fait de laque[1].
Les réalisations entièrement en laque ont été, dans les temps les plus anciens, dès le néolithique en Chine, utilisées comme objets utilitaires de grand luxe. Ces objets nous sont parvenus en tant que dépôts funéraires, cette matière présentant d'exceptionnelles qualités de conservation. Leur très grande vogue sous la dynastie Zhou (XIe siècle - 481 av. notre ère) a coïncidé avec la vogue pour les métaux incrustés, produisant toutes deux des effets graphiques et colorés similaires. D'autres procédés, comme l'incrustation de nacre dans la laque en Asie du Sud-est et dans l'Extrême-Orient, en général, et les assemblages de feutre dans l'art des steppes sont des procédés tout autant similaires et témoignant de très fortes relations culturelles interrégionales. Les laques secs et les bois sculptés laqués ont marqué l'art de la sculpture dans le Japon médiéval. Le Japon a produit, dans cet ensemble culturel extrême-oriental, de très nombreux laques réalisés par des créateurs aussi célèbres, au Japon, que les plus célèbres graveurs d'estampes de l'Ukiyo-e. En Occident, la laque est pratiquée et elle a ses maîtres artisans depuis le XVIIe siècle jusqu'à aujourd'hui.
Dans le monde moderne du XXe siècle, les peintures à base de résinesthermodurcissables (alkydes ou glycérophtaliques) et les peintures polyuréthanes sont utilisées comme liants dans le domaine des peintures dites « laquées » : « laques alkydes » ou « laques glycérophtaliques » . En dehors de l'aspect brillant et coloré, la comparaison de ces produits est impossible avec la laque naturelle, dans toutes ses propriétés dont la souplesse et surtout la longévité, son très haut pouvoir d'adhérence, son caractère imperméable et imputrescible, sa résistance à l'usage. Toutes qualités que les laques industrielles ne possèdent pas.[réf. nécessaire]
En Chine, la laque prend ses racines il y a plus de 3 000 ans. Elle apparaît au Japon sensiblement à la même époque, à la première moitié du Jōmon archaïque, entre -4000 et -3000[3]. Sa technique s'est développée ensuite dans toute l'Asie du Sud-Est. Appliquée sur le bois elle le protège en l'imperméabilisant.
Dès l'origine on s'en servait, donc, pour protéger et aussi comme colle, par exemple pour faire adhérer des inscriptions en or sur des armes de bronze, dès la plus haute antiquité chinoise. Mais son usage principal semble avoir concerné la protection des cercueils dès l'époque de la Dynastie Zhou. La production de laque s'est accrue et démocratisée dès le IVe siècle avant notre ère. On produisit ainsi des objets de vaisselle, dont certains exemplaires ayant servi de dépôts funéraires se sont parfaitement conservés. La laque pouvait s'appliquer sur de fines feuilles de bois, comparables à nos feuilles de contreplaqué, que les artisans courbaient par la chaleur et en utilisant des moules. En mélangeant des pigments à cet enduit on obtenait une riche palette de couleurs : rouge, noir, jaune, blanc, brun et bleu. Sous la dynastie Han, du IIIe siècle av. J.-C. au IIIe siècle après notre ère, elle fut utilisée pour protéger les armes, les objets ménagers et les meubles. Les dépôts funéraires dans les tombes de Mawangdui ont montré la parfaite maîtrise des artisans de cette époque et l'extrême vogue de cette technique deux siècles avant notre ère.
En Birmanie, les origines de la laque semblent apparaître avec les pagodes de Bagan au XIIe siècle.
Au Japon, comme il vient d'être dit plus haut, la laque est très utilisée au Jōmon archaïque, entre -4000 et -3000 ; les plus vieilles traces archéologique d'utilisation de la laque sont cependant plus antérieures d'environ 3000 ans[4]. Elle sert, en particulier à recouvrir, pour les imperméabiliser et les préserver, des vases en terre cuite. On a pu même découvrir des bols à anse et à bec verseur, ou aiguières, en bois, d'une extrême finesse (4 mm d'épaisseur) et datant de -2000 à -1000, exceptionnellement préservées dans des zones humides et recouverts de laque noire et rouge[5].
Toujours au Japon, la laque sèche creuse est utilisée en sculpture au VIIIe siècle et abandonnée ensuite. Encore au VIIIe siècle, la laque sur bois, bambou, cuir ou vanneries, est souvent laissée unie, mais elle peut être peinte, incrustée de nacre, de découpes métalliques décorée de motifs peints à l'huile[6]. De nombreux laques, relevant des techniques les plus diverses et les plus complexes ont été conservés au Japon depuis cette époque faisant du Japon le conservatoire de techniques oubliées, alors, en Chine. Et les artisans y déploient toute leur créativité pour en enrichir le répertoire jusqu'à aujourd'hui. Comme le laque d'or, dont la vogue est bien documentée depuis le XVIIe siècle[7]. Les trousseaux pour les filles des shogun et des seigneurs sont alors constitués en laque, et ces objets, décorés de laque d'or n'étaient pas toujours destinés à un usage quotidien. Ils constituaient un patrimoine et étaient transmis d'une génération à l'autre, en tant que trésor familial[8].
En Europe, dans les années 1680, la dynastie des Dagly de Spa, en principauté de Liège, réalisa des imitations fort prisées, appelées le vernis Dagly qui firent une bonne part de la renommée européenne de la ville d'eau et qui brisèrent le monopole de la Hollande qui resta longtemps la seule importatrice de laques japonaises (le goût pour l'Orient mythique). Puis en 1730, les frères Martin de Paris mettent au point une imitation de laque à base de copal, le vernis Martin. Ce vernis comporte toutefois un gros défaut : il est fragile à l'eau. À la fin du XVIIIe siècle, la reine Marie-Antoinette réunit une collection de laques japonais[9],[10].
Vers le milieu du XIXe siècle, les progrès de la chimie permettent la mise au point d'un vernis laque de meilleure qualité. Pendant la Première Guerre mondiale, la laque fut employée pour renforcer la résistance des hélices d'avion.
Au XXe siècle des vernis laque performants sont mis au point grâce à de nouvelles formules et à des vernis durcissant à l'air. On voit apparaître des laques nitrocellulosiques, glycérophtaliques ou polyuréthanes. Ces « laques modernes » furent employées à partir des années 1930 par des décorateurs du mouvement Art déco sur toutes sortes de supports : contreplaqué, latté, aggloméré ou encore tôle d'aluminium. D'autres comme Jean Dunand sont restés fidèles à la laque végétale.
On prélève la résine, un peu comme on le fait avec le latex sur les hévéas, par des entailles à la base du tronc sur lequel sont fixés de petits bols en bambou. La résine ou le latex (non la sève qui est un fluide nourricier d'autre nature) du laquier (Toxicodendron vernicifluum) a une très forte qualité adhésive et un brillant magnifique.
La résine récoltée doit être utilisée dès qu'elle a été filtrée et purifiée, colorée ou nature. Elle sèche en formant un film insoluble et sans pores.
La laque adhère sur de nombreuses surfaces, bambou, bois, feuilles de palmier, métal, cuir…
Elle possède de nombreuses qualités comme de rendre imperméables les objets qu'elle recouvre, elle résiste aux insectes et garde en toutes occasions sa flexibilité.
La laque naturelle s'utilise par application de couches très minces ; la qualité de la laque est déterminée par le nombre de couches — sept couches pour une belle laque ; les Chinois peuvent passer jusqu'à 18 couches sur les plus beaux objets sculptés. Ces couches très minces sont séchées puis polies avec un mélange de poudre de brique broyée impalpable, de sang de cochon et d'huile Tsong-Yeou, avant application de la couche suivante.
La peinture, apposée en surface, est, elle aussi, préparée avec de la laque dans laquelle est incorporé du camphre pour la rendre plus fluide, et des pigments colorés minéraux : cinabre pour le rouge, orpiment pour le jaune, Taï-Tsi pierre violette pour le violet, feuilles d'or pour le blanc. La couleur est obtenue en fonction des produits naturels ou chimiques incorporés, de l'oxyde de fer pour le noir, du sulfure naturel de mercure pour le vermillon, du sesquioxyde de fer pour l'ocre rouge, du sulfure d'arsenic pour le jaune, mélange de jaune et de noir pour le vert.
Il est impossible de réparer les cassures quand elles se produisent dans la laque. Une réparation, si bien faite soit-elle, se voit toujours.
Les Chinois distinguent trois grands types de laque du nom des localités où on les prépare :
Nien-Tsi ;
Si-Tsi : ces deux premières variétés étant de moins bonne qualité servent souvent à la fabrication de la laque noire nommée Yang-Tsi par adjonction de noir d'os de cerf ou de noir d'ivoire et d'huile de thé rendue siccative par l'action de sels d'arsenic ;
Kouang-Tsi : cette dernière variété est la plus belle. Sa qualité provient d'une moindre présence d'eau dans la laque. On la dilue dans une huile appelée Tsong-Yeou.
En Chine (dynastie Ming, et surtout Qing) la laque burgautée (incrustée de nacre) fut utilisée pour couvrir de petites pièces de bois ou de porcelaine (technique dite « lo tien »). La même technique d’incrustation (dite « aogai ») était répandue au Japon au cours de l'époque d'Edo. La burgaudine est la nacre du burgau – nom de plusieurs sortes de coquillages. C’est Haliotis tuberculata qui était utilisé en Chine et au Japon. La technique de la laque arriva en Europe dès le XVIe siècle et se répandit rapidement. Elle fut pratiquée, par exemple, par Johann Martin Heinrici (1711–1786), peintre sur porcelaine à la manufacture royale de Meissen à partir de 1742. Sa spécialité était l’incrustation de nacre.
Tsutsu, instrument de saupoudrage. Sert à saupoudrer la surface de la laque encore fraîche de poudre d'or, d'argent ou d'un mélange de différents métaux. Le tsutsu est une tige creuse de bambou taillée en biseau pointu à une de ses extrémités. L'artiste prélève un peu de poudre qu'il vaporise sur la laque poisseuse en soufflant avec sa bouche à l'autre bout du tube. Le tsutsu est le symbole du laqueur au même titre que la palette et le pinceau sont le symbole du peintre.
Hake, pinceau large et plat.
Hera, spatule.
Fude, terme général pour désigner un pinceau quelle que soit sa forme.
Outil à polir. Généralement il s'agit de la canine d'un chien montée sur un manche.
Une lame de rasoir.
Sachets contenant des pigments, de la poudre d'or, d'argent ou d'alliages de métaux de différentes granulations. Ces dernières dépendent de l'effet recherché. Les pigments sont toujours des pigments naturels (par exemple, la poudre de charbon de bois pour le noir).
Une enceinte close, le muro, dans lequel l'objet fraîchement laqué sera mis à sécher à l'abri des poussières et en atmosphère humide et chaude. Une attention toute particulière, véritable esclavage pour l'artiste, doit être apportée à l'entretien de son muro. Des réchauffeurs maintiennent une température idéale alors que des bols remplis d'eau assurent une humidité constante. L'artiste doit veiller à ce que les parois de l'enceinte ne ruissellent pas. Pour ce faire, il doit les éponger régulièrement. Le temps de séchage varie suivant le type de laque et l'hygrométrie de l'air extérieur. La moyenne est de trois jours. Il est impératif que le séchage complet soit respecté, faute de quoi, la laque restera collante et impropre à être poncée et polie.
De gauche à droite : 1 : kamakura-bori. 2 : hiramaki. 3 : hiramaki détail. 4 : takamaki-e et hiramaki. 5 : Laque de Pékin sculptée.
Il faut distinguer :
Les laques sculptées. Dans la technique dite guri, une ornementation d'arabesques est sculptée en V dans l'épaisseur de la laque qui doit, de ce fait, avoir une épaisseur suffisante. Plus de 20 couches de laque peuvent être nécessaires. Une variante consiste à superposer des couches de laques de couleurs différentes. La sculpture fera apparaître les différents coloris étagés sur la tranche de la coupe.
La technique de la laque sculptée(en) apparue en Chine au VIIe siècle (sous les Tang), connu son plein essor sous les Ming et Qing. Ces laques rouges dite de « Pékin » s’obtiennent en appliquant plusieurs dizaines de couches de laque puis en les sculptant. Leur couleur dominante est un rouge vermillon obtenu par une très fine mouture de cinabre ; d'où le nom de « laques de cinabre » qui leur est encore fréquemment données[11].
Les laques décorées par incorporation de pigments ou de poudre d'or et/ou d'argent : maki-e. Parmi ces laques, on retiendra les décors connus sous les vocables de togidashi, hiramaki-e et takamaki-e.
Décor togidashi : les différents décors sont exactement au même niveau que le fond. Il n'y a aucune surépaisseur. Après avoir recouvert l'objet d'une couche uniforme (habituellement noire ou or) de laque. Sur ce fond, l'artiste implante le décor qui se trouve ainsi en relief. Il recouvre alors la totalité de l'objet, y compris son décor, de laque de la couleur du fond puis, par ponçage, il dégage le décor qui se trouve ainsi être exactement au même niveau que le fond. Cette technique est dite sumi-e togidashi lorsqu'elle imite les dessins orientaux peints avec une encre noire (sumi-e : peinture à l'encre noire). Elle a été très utilisée par Sunshô[12]
Décor hiramaki-e : les différents décors sont en faible relief sur le fond (pas plus que l'épaisseur d'une couche de laque).
Décor takamaki-e : les décors, habituellement en laque d'or, sont en fort relief par rapport au fond. Cet effet est produit par l'incorporation à la laque d'épaississants (par exemple, une quantité plus ou moins importante de poudre de charbon de bois donnera une laque plus ou moins épaisse). Une laque contenant beaucoup d'épaississant aura tendance à moins « s'étaler » qu'une laque qui en contient moins. Les couches de laque ainsi épaissies sont superposées jusqu'à obtenir l'effet souhaité puis recouvertes d'une couche de laque de finition (en général, une couche de laque d'or).
Avant que la dernière couche de laque soit sèche, l'artiste (le maki-e-shi) peut décider l'incrustation d'éléments en nacre (usugai raden), ivoire, or, corail, etc. ou même d'éléments que l'artiste a confectionné lui-même à partir de laque qu'il aura colorée puis sculptée à l'aide du bord tranchant du tsutsu et mise ensuite à sécher sur une plaque de verre (c'est un des avantages du tsutsu par rapport à un autre moyen de pulvérisation).
La division entre les différents décors n'est pas aussi tranchée. Un même objet peut incorporer deux, voire trois types de décors.
L'artiste commence par confectionner une âme en bois de l'objet (en général du bambou) qu'il amincit par usure. À ce stade, la pièce est bien régulière et lisse. Elle ne mesure pas plus d'un demi-millimètre d'épaisseur. Il peut alors entreprendre le travail de laquage proprement dit. Il procède par couches superposées en respectant un temps de séchage qui peut atteindre plusieurs jours entre chacune d'elles. Une fois sèche, la laque est poncée puis soigneusement polie à l'aide de la dent de chien jusqu'à ce que sa surface soit parfaitement lisse. Le maki-e-shi peut alors appliquer la couche de laque suivante qu'il mettra également à sécher. Un objet peut comporter ainsi jusqu'à vingt couches successives si la laque est destinée à être sculptée. Le même minutieux travail de ponçage et de polissage est effectué entre chaque couche.
Un minimum de deux couches est nécessaire à une laque d'or : une couche de base et la couverture de finition. Pour réaliser la couche de base, l'artiste saupoudre, à l'aide du tsutsu, la laque encore poisseuse de poudre d'or dont le grain est fonction de l'effet désiré. Les particules adhèrent fortement à la laque au cours du séchage. L'or qui n'a pas adhéré est récupéré par brossage. Un polissage vigoureux donnera une teinte uniforme. Une couche de laque translucide (shuai urushi) est ensuite appliquée en finition. Le ponçage et le polissage de cette dernière l'amincissent jusqu'à ce que la couche or du fond transparaisse sous la couche de finition. Les particules d'or sont ainsi emprisonnées dans la laque. Par usure, la dorure paraît de plus en plus brillante au fil du temps. Parfois, au lieu de teinter la laque dans sa masse selon une des méthodes décrites au paragraphe « fabrication » du présent article, le laqueur peut décider de déposer les pigments sur la laque encore poisseuse comme il le ferait pour des particules d'or (poudre de charbon de bois pour le noir, cochenille pour la couleur rouge foncé, etc.). En mélangeant différents pigments, le maki-e-shi obtient des nuances de couleurs. Ces couches colorées seront toujours recouvertes d'une couche de laque translucide qui sera poncée puis polie. Lorsque les particules sont extrêmement fines, il est impossible de les saupoudrer à l'aide du tsutsu sous peine de les voir voler et se coller au hasard sur la laque ou s'agglomérer par plaques. Il faut alors les appliquer au pinceau ou à l'aide d'un fil de soie.
Techniques dérivées. Le Japon a également vu l’apparition d'une technique particulière d'utilisation de la laque appliquée à la réparation de céramiques, le kintsugi. Cet art consiste à réparer les objets cassés avec la laque urushi, ou vernis du japon, puis, une fois secs, à souligner les cicatrices des fêlures avec la laque fraîche sur laquelle est saupoudrée un métal (le plus prisé étant l'or) en poudre. Les failles apparaissent alors comme recouvertes d'or et confèrent à l'objet une originalité et une valeur nouvelle[13],[14].
Le bois sculpté peut être laqué suivant les procédés décrits ci-dessus. De nombreuses sculptures bouddhistes de Chine, du Tibet et du Japon ont survécu grâce à ce procédé.
La sculpture en laque sèche creuse[15] peut aussi être réalisée par superposition, sur une âme de terre, de couches de chanvre imbibées de laque : le chanvre peut être tissé (couche inférieure) ou haché afin de produire une pâte ce qui permet de réaliser des reliefs (couches supérieures).
La technique de laque sèche est, dans la partie consacrée à l'art bouddhique, et de manière emblématique par la statue d'Asura, de l'époque de Nara, un des protecteurs du Bouddha, commandé par l'impératrice Kōmyō pour le temple du Kofuku-ji. Une armature en bois est réalisée afin d'être habillée d'argile modelée, pour donner la forme globale de la statue[16]. On va recouvrir l'ensemble sur toute sa hauteur de couches de chanvre imbibées de laque liquide, avec un temps de séchage intermédiaire entre chaque couche. Ceci formera une coque rigide et solide de la même forme que l'argile modelée.
Une fois toutes ces opérations réalisées, une ouverture sera pratiquée à l'arrière de la statue pour retirer l'argile, ne conservant que la coque et l'armature en bois. Le chanvre ayant séché, la structure reste stable. L'ouverture est ensuite recousue de fils de chanvre, et l'ensemble de la statue est recouvert d'une dernière couche de laque et d'argile, ce qui va permettre de retravailler le modelé final de la statue. Les détails, comme les doigts sont constitués d'une armature de fil de fer enveloppée de cordelettes et de tissus de chanvre et mis en forme à l'aide d'un mélange de sciure de bois et de laque, le kosuko. Une fois l'ensemble durci, ce mélange peut servir de couche d'apprêt pour les couleurs et la dorure. Cette technique permet des statues très légères et un grand modelé.
De très rares sculptures réalisées avec cette méthode ont survécu, pour la plupart de l'époque de Nara, au Japon, avant 760[17].
Masque de Gigaku[18]. Époque de Nara (710 -794). Japon, VIIIe siècle. Bois laqué et peint. H : 28,3 cm. Musée Guimet, Paris.
Buste de roi céleste (japonais : tennō ; sankrit : lokapāla). Époque de Nara, fin du VIIIe siècle. Laque sec (dakkatsu-kanshitsu). Musée Guimet, Paris.
Ashura, un des huit protecteurs du Bouddha et de sa Loi, daté 734, statue de laque sèche creuse (laque, tissus, bois, couleurs), H. 1,49 m. Kofukuji, Nara.
Ashura, détail.
Furuna, un des dix disciples de Bouddha. Laque sèche creuse, H. 1,40 m environ. Epoque de Nara, 734. Kofukuji, Nara.
Hirame : paillette d'or similaires au nashiji. Existe en 7 à 8 granulométries comme le nashiji, La différence est qu'elles sont deux à trois fois plus épaisses puis aplaties par pression. Leur intérêt réside dans le fait qu'étant épaisses, elles acceptent un polissage plus intense et sont donc plus brillantes. Les ôhirame sont de grandes plaques de hirame trop importantes pour être mises en place à l'aide du tsutsu. Il faut alors les piquer sur une épingle ou une aiguille en bambou pour les déposer à la surface de la laque humide.
Kabon urushi : noir mat obtenu par pulvérisation de poudre de charbon de bois. Utilisé lorsque le noir brillant du roiro n'est pas souhaitable.
Keshifun : poudre d'or quasiment impalpable tant la granulométrie en est faible. Le keshifun et les deux ou trois premières granulométries de kimpun ne sont utilisées que pour les faces intérieures des compartiments (naibu) ainsi que pour leurs bords (ikkake ou ikake) et les épaulements (tachigari).
Kimpun : poudre d'or.
Kinji : couleur or brillant. La différence entre ces deux ors réside dans les poudres (marufun) qui les composent.
kirikane : formes géométriques (le plus souvent des carrés ou des triangles) découpées à la lame de rasoir (jamais aux ciseaux qui courberaient les bords) dans des bandes de métal (kanagai) disponibles en trois épaisseurs. Le décor kirikane s'applique sur un fond fundame.
Koban ou kobampun : mélange de trois parties de poudre d'or et d'une partie de poudre d'argent. L'oxydation de l'argent confère à l'or un aspect verdâtre.
Marufun : nom générique donné à toutes les poudres métalliques (or, argent ou koban). Il existe dix granulométries différentes de marufun.
Nashiji : paillettes irrégulières d'or (kin nashiji), d'argent (gin nashiji) ou de koban (koban nashiji). Existent en 7 ou 8 granulométries différentes. Toujours saupoudrées à l'aide du tsutsu, elles sont très utilisées pour l'intérieur de compartiments. Leur nom vient de leur ressemblance avec la peau de la poirenashiji. les gyôbu nashiji sont des nashiji dont la granulométrie, bien supérieure à celle des nashiji, interdit l'usage du tsutsu. Ils devront être mis en place un par un à l'aide d'une fine tige en bambou ou une aiguille.
Sumiko : couleur noire, mate, obtenue en saupoudrant la laque de charbon de bois.
Roiro urushi : Le roiro est le nom donné à la couleur noire extrêmement brillante, à fort pouvoir réfléchissant. L'urushi est le nom donné par les japonais au laque, c'est-à-dire au suc à l'état brut directement extrait de l'arbre. Le roiro urushi est obtenu par réaction chimique entre le laque et des particules de fer. Le mélange était autrefois préparé par l'artiste lui-même puis filtré plusieurs fois à travers un papier poreux (yoshino gami) jusqu'à obtention de la couleur noire désirée. Actuellement[Quand ?], le roiro urushi peut être acheté, prêt à l'emploi, auprès de marchands spécialisés (urushiya). Le brillant est obtenu par un polissage minutieux et répété des couches de laque. Le noire, profond change de couleur avec le temps et peut devenir caramel voire rouge.
La technique, plus simple, nécessite également de travailler dans un local exempt de poussière. Elle utilise des peintures laques à base de résinesthermodurcissables (alkydes ou glycéro-phtaliques) et les peintures laques polyuréthanes à l'aspect brillant, issues de découvertes faites au début du XXe siècle et qui ont trouvé des applications en tant que produits industriels utilisés dans le monde entier. Les différentes couches peuvent être passée avec un pistolet à peinture et poncées avec les papiers abrasifs à l'eau de granulométrie minimale 800 (puis, éventuellement, 1000 ou supérieure) afin d'obtenir une surface parfaitement lisse. En superposant des couches de peinture de couleur différentes, l'abrasion jointe au travail du pistolet à peinture permettent des effets artistiques de dégradés subtils. Il est même possible, par ailleurs, de déposer des fragments de feuille d'or, ou de toute autre matière similaire, avant la couche de finition incolore afin d'imiter certains laques et leur bel effet décoratif et prestigieux.
↑In Emmanuelle Lesbre, La peinture chinoise, Hazan 2004, étude, p. 20-22.
↑Yoshiya Shinagawa (dir.) et al. (préf. Jean-Paul Demoule), Jōmon : Naissance de l'art dans le Japon préhistorique, Paris, Maison de la culture du Japon à Paris, , 192 p., 24 cm (ISBN978-2-913278-21-9), p. 159-161. La périodisation de l'époque Jōmon peut varier selon les auteurs. Ainsi dans cet ouvrage la période « Jōmon archaïque » est situé dans la période -4000 — -3000. Ce qui correspond, ailleurs, à la période récente du Jōmon Ancien (Jean-Paul Demoule (dir), 2009, p. 19 et Francine Hérail (dir.), 2010, p. 18-19).
↑Laurent Nespoulous et Pierre-François Souyri, Le Japon : Des chasseurs-cueilleurs à Heian, -36 000 à l'an mille, Paris, Belin, coll. « Mondes anciens », , 538 p., chap. 2 (« La longue période Jômon »), p. 81-83
↑Jōmon : Naissance de l'art dans le Japon préhistorique, op, cit, p. 165
↑Christine Shimizu : L'art japonais, Flammarion, 1997, p. 104.
↑Christine Shimizu : L'art japonais, Flammarion, 1997, p. 421.
↑Christine Shimizu : L'art japonais, Flammarion, 2001, p. 309.
« Les éclats de l’objet cassé sont tout d’abord réunis un à un, puis nettoyés, et recollés avec une laque traditionnelle naturelle issue de l’arbre laquier. L’objet est mis à sécher, puis poncé. Ensuite, ses fissures sont soulignées de couches de laque successives et, finalement, saupoudrées d’or, ou de tout autre métal en poudre (argent, bronze, laiton, cuivre…), qui, se mêlant intimement à la laque encore humide, donne l’illusion d’une coulée de métal. Puis elles sont polies. L’objet peut alors révéler tout son éclat. »
↑« L'art du Kintsugi, étape par étape », sur esprit-kintsugi.com, (consulté le ) : « Illuminez : placez la poudre d’or sur un pinceau ou dans un tube d’application et saupoudrez-la délicatement sur la laque encore collante (sans la toucher car elle est encore fraîche). »
↑Christine Shimizu, L'art japonais, Paris, Flammarion, coll. « Tout l'art », (1re éd. 1997), 448 p. (ISBN2-08-013701-8), édition de 2001 : p. 78, édition de 1997 : p. 95. Le Senju Kannon (au mille bras), du temple Fujiidera (Fujiidera, Osaka) a été réalisé en laque sèche creuse, milieu du VIIIe siècle : Image sur la page de Zero Focus, visible le 18e jour de chaque mois et le 9 août. Ashura, un des huit protecteurs du Bouddha et de sa Loi, daté 734, est présenté en coupe dans cet ouvrage, édition de 1997, p. 89. Visible au Kofukuji, Nara.
Céline Santini, Kintsugi, l'art de la résilience, Paris, Editions First, 2018, 248 p.
Soame Jenyns et William Watson, Arts de la Chine : volume 2 : Or, Argent, Bronzes des époques tardives, Émaux, Laques, Bois, Fribourg, Office Du Livre, , 285 p. (ISBN978-2-85109-097-3)
Monika Kopplin (trad. de l'allemand, Exposition : Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, 15 octobre 2001-7 janvier 2002 [et] Museum für Lackkunst, Münster, 27 janvier-7 avril 2002), Les laques du Japon : collections de Marie-Antoinette, Paris/Versailles/Münster, Réunion des musées nationaux, , 240 p., 30 cm. (ISBN2-7118-4302-5). Avec un essai de Christian Baulez.
(en) Raymond Bushell, The Inrō handbook Studies of netsuke, inrō and lacquer, Weatherhill, 1979 et 2000