Sous la France d'Ancien Régime, la censure royale était la tâche de censeurs chargés par le Chancelier de juger de la légitimité éditoriale d'un manuscrit et d'en autoriser la publication par une approbation qu'ils signaient.
Parallèlement, un privilège sous la forme de lettres patentes accordées en Conseil du roi, le plus souvent au libraire, garantissait non le contenu, mais la propriété de la publication contre les contrefacteurs. Ce privilège renouvelable était de 3 ans, voire sans limitation pour certains ouvrages de fond (pères de l'Église, etc.).
Les brochures de 48 pages in-12 au maximum, étaient l'objet d'une permission simple accordée par le lieutenant général de police du lieu.
La censure était assurée par des spécialistes selon un certain nombre de secteurs, allant des sciences humaines aux sciences en général. Ils étaient nommés par le Chancelier. Leur jugement portait sur le contenu du manuscrit proposé et non sur la forme. Ils pouvaient solliciter de l'auteur quelques corrections.
Richelieu fut le premier à nommer des experts dévolus à cette tâche par l'édit de 1629[1]. Après la Fronde, Colbert créa une direction de la Librairie, chargée de veiller à l'octroi des permissions et privilèges devenus désormais obligatoires pour toutes les impressions réalisées en France.
En 1701, l'abbé Bignon, chargé des affaires de librairie, fait promulguer un règlement de l'édition en France qui modifié en 1723 pour Paris et généralisé en 1744 reste en vigueur jusqu'à la Révolution. Tout manuscrit doit obtenir l'approbation d'un censeur pour obtenir le privilège d'édition. Certains manuscrits étaient toutefois édités clandestinement sous fausse adresse. Ce fut le cas des Lettres philosophiques de Voltaire ou de l'Émile, ou De l'éducation de Rousseau. Mais la plupart des auteurs souhaitant éviter la censure faisaient éditer leurs livres à l'étranger: Londres, Amsterdam, Francfort, Bâle, Genève. Le règlement stipulait que les livres ne pouvaient passer la frontière que par certaines villes et après examen[2]. Mais aucune disposition ne permit de supprimer la contrebande.
Les censeurs royaux, étaient nommés par le Chancelier, chacun dans sa spécialité. L'Almanach royal en publiait la liste chaque année.
Dès 1701, les pièces de théâtre firent à leur tour l'objet de la censure royale : lues avant publication par les censeurs placés sous l'autorité du lieutenant général de police, les pièces furent autorisées soit telles quelles et recevaient l'approbation, soit moyennant des coupes ou des corrections, quand elles n'étaient pas simplement interdites. Voltaire en fit les frais pour son Mahomet (1743), Sedaine pour son Déserteur (1769) ; Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro de Beaumarchais n'en réchappèrent que grâce à l'opiniâtreté de Marie-Antoinette.