La masturbation est une pratique sexuelle consistant à provoquer l'orgasme ou le plaisir sexuel par la stimulation des parties génitales ou d’autres zones érogènes, généralement à l’aide des mains, ou parfois d’objets tels des godemichets ou autres jouets sexuels, au sens particulier sur soi-même (onanisme), et parfois sur autrui.
La masturbation est pratiquée par quasiment tous les mammifères, mais surtout par tous les primates.
L’attitude sociale envers la masturbation change suivant les époques et suivant les cultures. En Occident, la masturbation a été particulièrement réprimée du XVIIIe au début du XXe siècle. Dans les religions, les positions morales varient de permissive à interdite. Actuellement, la masturbation est reconnue par la sexologie occidentale comme une activité sexuelle aussi normale que les autres.
D’après le dictionnaire Dictionnaires Le Robert, la masturbation est une « pratique qui consiste à provoquer (sur soi-même ou sur un, une partenaire) le plaisir sexuel par des contacts manuels. »[1].
D'après les manuels de sexologie, on peut distinguer plusieurs types de masturbation[2],[3],[4],[5] :
La masturbation peut être réalisée :
L’étymologie du mot « masturbation » rappelle l’ancienne condamnation morale de cette pratique.
« Le mot "masturbation" a été formé pour la première fois dans la langue française par Michel de Montaigne sous la forme "manustupration" dans l’Apologie de Raimond Sebond, 12e chapitre du deuxième livre des Essais. […] Le mot va coexister pendant plus d’un siècle sous deux formes concurrentes : manustupration et masturbation. Le premier terme, "manustupration", vient de manus, "la main", et stupratio, "l’action de souiller". La manustupration serait alors le fait de se souiller par une action de la main, ou encore de se donner du stupre, plaisir honteux, par la main. Le second terme, "masturbation", vient du latin masturbatio et peut-être du grec mastropeuein, "prostituer". »
— « Masturbation », dans Philippe Brenot Dictionnaire de la sexualité humaine[10]
Cette ancienne condamnation morale se retrouve également dans les synonymes de la masturbation : onanisme et abus de soi[3]. Pour éviter cette connotation négative et culpabilisante, on utilise parfois le terme « auto-sexualité » (moins précis) à la place du mot masturbation.
Certaines personnes utilisent des techniques de contrôle de l'orgasme lors de la masturbation pour prolonger les sensations pré-orgastiques, ou pour étendre la durée de la sensation orgastique[11],[12], ou pour provoquer plusieurs orgasmes[13].
Dans certaines sociétés traditionnelles, il existe des techniques particulières de masturbation.
Selon l'anthropologue Hortense Powdermaker, pour se masturber, les femmes du village de Lesu en Nouvelle-Irlande « s’assoient par terre et plient leur jambe droite de telle sorte que leur talon s’appuie contre leur sexe. […] C’est une position habituelle pour les femmes, qui est apprise dans l’enfance. Les femmes n’utilisent jamais leurs mains pour la manipulation du sexe »[14].
Les chimpanzés utilisent parfois des « jouets sexuels » pour se masturber. « Un chimpanzé femelle adulte jouait avec une mangue. D’abord elle a placé le fruit sur sa vulve. Puis, apparemment insatisfaite des résultats de cette procédure, l’animal a posé la mangue par terre, s’est assis dessus, en tournant, en se tortillant, et en frottant avec ses mains. Elle changeait continuellement sa position, comme pour améliorer sa technique de production des frictions génitales. Puis le chimpanzé s’est levé et baissait son corps de façon répétée, cognant sa vulve contre le fruit »[15].
Grâce à certaines particularités de leur anatomie, des animaux peuvent utiliser des techniques irréalisables chez l’être humain : les singes-araignées utilisent la pointe de leur queue, qui est extrêmement préhensile, pour manipuler leur pénis. Les éléphants stimulent parfois leur organe génital avec leur trompe[16]. Enfin, « La masturbation chez le cerf est réalisée en baissant la tête et en frottant doucement la pointe de ses bois dans l’herbe. Puis après environ cinq à sept secondes, on observe l’érection et la sortie du pénis de son fourreau. Il n’y a quasiment pas de saillie ou de rétractation du pénis, ou de mouvements d’oscillation du pelvis. L’éjaculation se produit environ cinq secondes après l’érection du pénis. La masturbation dure en tout de dix à quinze secondes »[17].
Chez l'humain, la masturbation se développe dès la vie intra-utérine. Dans un contexte culturel neutre, sans incitations ou interdits, les stimulations génitales débutent dès la première année après la naissance et la masturbation apparaît vers 2 ou 3 ans. À cet âge, le plaisir est visiblement la motivation de l’activité. Le contexte culturel peut faciliter ou inhiber le développement de la masturbation[18],[16].
La masturbation se développe dès la vie intra-utérine. Plusieurs auteurs ont observé, grâce à l’échographie, des stimulations génitales dès la 26e semaine[19]. Une enquête réalisée auprès de 60 échographistes indique que les stimulations manu-génitales sont assez souvent observées par 70 % des praticiens[20].
En plus des stimulations manuelles, des succions génitales sont occasionnellement observées : « L’évidence de l’érection [voir figure ci-contre] est ici attestée à 36 semaines d’aménorrhée. L’ensemble de la séquence d’observation [d’un contact oro-génital] qui dure 2 minutes 23 secondes, montre le lent retrait du pénis de son engagement oral. […] L’analyse des résultats montre qu’après la succion du pouce ou de la main, ce sont les contacts manu-génitaux qui sont le plus souvent observés. En ce qui concerne la succion, il semble que le fœtus développe très tôt cette activité exploratoire. […] Les fréquences plus faibles de succion du pied, du cordon ou du sexe sont peut-être à mettre en relation avec la plus grande difficulté à atteindre ces “objets” »[20].
Ces stimulations génitales semblent parfois aboutir à des états similaires à l’orgasme[21],[22] : « Nous avons récemment observé un fœtus femelle de 32 semaines [soit 8 mois] qui se touchait la vulve avec les doigts de la main droite. Les mouvements de caresse étaient centrés principalement sur la région du clitoris. Les mouvements s’arrêtaient après 30 à 40 secondes puis recommençaient après quelques minutes. De plus, ces légers touchers étaient répétés et étaient associés avec des mouvements courts et rapides du pelvis et des jambes. Après un autre arrêt, en plus de ces comportements, le fœtus a contracté les muscles de son tronc et de ses membres, puis des mouvements cloniques de tout le corps ont suivi. Finalement, le fœtus s’est détendu et s’est reposé. Nous avons observé ce comportement durant environ 20 minutes. […] Cette observation semble montrer que non seulement le réflexe d’excitation peut être provoqué chez un fœtus au troisième trimestre de gestation, mais aussi que le réflexe orgastique peut être provoqué durant la vie intra-utérine »[21].
La stimulation des organes génitaux débute dès que les réflexes moteurs sont fonctionnels. En moyenne, les stimulations débutent vers 6 ou 7 mois chez les garçons et 10 ou 11 mois chez les filles[23],[6].
Des enregistrements vidéos, où des parents pensaient enregistrer pour leur pédiatre des troubles neurologiques de leurs enfants (comme l'épilepsie), confirment l'existence d'activités autoérotiques avec des réactions de type orgasmiques dès les premières années de la vie[24],[25],[26].
La masturbation, c’est-à-dire la stimulation des organes génitaux dans l’objectif de provoquer l’orgasme, n’est pas observée avant 2 ou 3 ans. « En général, la masturbation n’est pas observée avant la deuxième ou la troisième année après la naissance. Le plus souvent, elle commence entre les 15e et 19e mois[23]. Les signes de l’excitation incluent des poussées rythmiques du bassin, des sons, des rougeurs au visage et une respiration rapide. Quand les enfants commencent à se stimuler, ils essayent de maintenir un contact corporel avec le parent, mais la plupart des parents découragent cette réaction »[6].
C’est également ce qu’on observe dans les sociétés traditionnelles qui permettent l’autostimulation, comme chez les Pilaga[27] ou les Marquisiens : « La masturbation chez les garçons commence environ à l’âge de trois ans, ou parfois avant. Beaucoup de garçons se masturbent avant de savoir parler »[28]. Les données ethnologiques, provenant de sociétés permissives, suggèrent que les activités autoérotiques se développent spontanément dès les premières années de la vie dans l’ensemble de la population, deviennent maximales à l’adolescence, mais qu’il existe apparemment une préférence pour les jeux sexuels avec les pairs[27],[28],[16].
Plusieurs auteurs indiquent que le plaisir est le facteur à l’origine des activités autoérotiques[29],[5]. Une fois que l’enfant a acquis une méthode de masturbation, celle-ci devient habituelle et résistante au changement[6].
Dès la naissance, l’influence du contexte culturel est majeure dans le développement de la masturbation[18]. En particulier, s’il existe des interdits culturels, implicites ou explicites (voir les exemples ci-dessous dans la section « Condamnation et répression »), le début de la masturbation sera beaucoup plus tardif[30].
Dans les sociétés occidentales, des enquêtes par questionnaires ou par entretiens permettent d’obtenir des informations sur la pratique de la masturbation chez les adolescents et les adultes[note 2].
D’après plusieurs enquêtes, la masturbation est la forme d’activité sexuelle la plus répandue pour la majorité des Occidentaux[5].
L’analyse des réponses des adolescents de 12 à 17 ans aux questionnaires régulièrement soumis aux jeunes membres des sites Internet pour ados, dont certains forums traitent de la sexualité, fournit une image de la vie sexuelle des garçons, et particulièrement de la masturbation. On y apprend ainsi que…[réf. nécessaire]
Aux États-Unis et au Canada dans les années 1960, un sondage (le « rapport Kinsey ») a montré que, à 15 ans, la proportion de jeunes hommes s’étant masturbés était de 82,2 % et de femmes 24,9 %. À 18 ans, ce chiffre atteignait 95,4 % pour les hommes et 46,3 % pour les femmes. Cela dit, il est probable que, aujourd’hui, le nombre soit plus important[réf. nécessaire]. De très nombreuses études[31], notamment les sondages réalisés presque quotidiennement sur les sites Internet consacrés aux adolescents, montrent que les garçons commencent à se masturber très tôt, généralement sans pouvoir éjaculer ; l’âge médian de la première masturbation masculine est tout juste inférieur à 12 ans ; par ailleurs, ces mêmes observations, qui portent sur plusieurs dizaines de milliers d’adolescents la plupart du temps originaires d’Amérique du Nord, du Royaume-Uni et d’Australie, montrent que c’est à 13 et 14 ans que le rythme de masturbation des garçons est le plus élevé (entre 12 et 14 fois par semaine) ; ce rythme diminue pour la tranche d’âge 15-16 ans (en moyenne 9 fois) et diminue vraisemblablement après. Il est plus que vraisemblable que les résultats obtenus auprès des jeunes Français, Belges ou Suisses seraient similaires à ceux obtenus auprès des Anglo-Saxons. La masturbation des jeunes est un phénomène universel que les études réalisées sous-estiment systématiquement, autant pour des raisons idéologiques (la « pureté » des enfants) que pour des raisons méthodologiques ; les enquêteurs s’adressent presque toujours aux adolescents par l’intermédiaire de leurs parents ou de leur école, un contexte qui ne favorise pas l’intimité des répondants et la véracité des réponses aux questions les plus sensibles.
Dans les sociétés traditionnelles qui permettent l’autostimulation, comme chez les Marquisiens, la masturbation est quotidienne chez les adolescents. Les Marquisiens ne pensent pas que cette pratique puisse avoir des effets pathologiques. Au contraire, ils considèrent que c’est un exercice bénéfique[28].
La masturbation est considérée comme naturelle et normale pour les enfants et les adolescents dans la plupart des sociétés[Lesquelles ?]. Dans ces groupes sociaux, l’autostimulation des enfants est graduellement remplacée au cours du développement par d’autres activités sexuelles[16].
Des facteurs biologiques, sociaux et culturels[18] influencent la pratique de la masturbation. La grande enquête NHSLS réalisée aux États-Unis dans les années 1990 précise les facteurs qui influencent la fréquence de la masturbation[32],[4] :
Les adultes des sociétés traditionnelles[Lesquelles ?] pratiquent rarement la masturbation. Pour la plupart des peuples, l'autostimulation représente une forme inférieure de sexualité. Mais malgré la désapprobation sociale, les hommes et les femmes se masturbent occasionnellement dans certaines sociétés[16].
L’enquête CSF « Contexte de la sexualité en France » sur la sexualité des Français (Inserm, INED, réalisée en 2006), montre que 60 % des femmes âgées de 18 à 69 ans ont déjà pratiqué la masturbation (48 % des 18-19 ans, 54 % des 20-24 ans, 66 % des 25-34 ans, 68 % des 35-39 ans, 64 % des 40-49 ans, 60 % des 50-59 ans, 43 % des 60-69 ans)[34]. Celles qui se masturbent régulièrement (c’est-à-dire « souvent » ou « parfois » au cours des 12 derniers mois selon la définition adoptée par les enquêteurs de CSF) ne sont plus que 10 % à 18-19 ans, 16 % des 20-24 ans, 22 % des 25-49 ans, 14 % des 50-69 ans, 10 % des 60-69 ans). Il s’agit d’une pratique d’autant plus déclarée que la femme est diplômée ; ainsi, 29 % des femmes diplômées de l’enseignement supérieur sont des pratiquantes régulières mais seulement 14 % des femmes sans diplôme. De la même façon, 51 % de ces dernières disent ne s’être jamais masturbées alors que 80 % des plus diplômées l’ont déjà fait. Un lien déjà signalé dans l’enquête américaine (NHSLS). Enfin, l’enquête CSF montre que si la pratique régulière de la masturbation concerne 43 % de celles qui ont connu au moins 10 partenaires, ce n’est plus le cas que de 11 % de celles qui n’en ont eu qu’un.
La fréquence de cette pratique peut varier en fonction de l’âge et du milieu culturel : de une à trois fois par an chez certaines femmes âgées à plus de vingt fois par jour chez certaines femmes de douze à cinquante cinq ans[35].
Au niveau physiologique, plusieurs études montrent que les réactions sexuelles entre les femmes et les hommes sont relativement similaires[36],[37].
« Lors de la masturbation, les réactions sexuelles féminines ne sont pas tellement plus lentes que celles des hommes. La moyenne des femmes déclarent obtenir un orgasme un peu moins de quatre minutes après le début de l’autostimulation, et certaines atteignent l’orgasme en un peu moins de 30 s. Cette différence relativement peu importante entre l’homme et la femme augmente lors de la stimulation coïtale. En général, la femme met plus de temps que l’homme à obtenir un orgasme pendant le coït, probablement parce que la stimulation directe de la région clitoridienne est plus intensive lors de la masturbation que pendant le coït[5]. »
Une étude faite par quatre universités européennes (Essen, Louvain, Göttingen et Malmö) en 2016 auprès de 3 000 étudiants de 18 à 22 ans a démontré que 61 % des hommes avaient une opinion positive de la masturbation et 34 % une opinion négative mais se masturbaient quand même[38].
Une étude conduite par Tenga en 2016 aux États-Unis a fait ressortir les statistiques ci-dessous[39] :
Selon une étude en Allemagne, une fréquence plus élevée d'activités autosexuelles dont la masturbation est négativement corrélée à une satisfaction dans le couple. C'est-à-dire que l’occurrence de la masturbation augmente lors d'insatisfaction dans le couple[40].
Les primates non humains sont les animaux qui se masturbent le plus. L’auto-stimulation est clairement réalisée pour obtenir un orgasme[16]. Chez les mâles, le pénis est manipulé avec la main ou le pied, ou est pris dans la bouche. Les mâles adultes provoquent souvent l’éjaculation en utilisant une ou plusieurs de ces techniques[16].
Chez les femelles, on peut faire trois généralisations[16] :
Chez les primates, la masturbation n’est pas uniquement une activité compensatrice, réalisée en l’absence de partenaires. Des activités d’autostimulation ont été observées alors que des partenaires sexuels étaient disponibles et même au cours des activités sexuelles avec ces partenaires[41].
Les autres mammifères se masturbent moins que les primates, et les femelles moins que les mâles. Occasionnellement, on observe différentes activités d'autostimulation : par exemple, avant et après la copulation, les chiens et les chats mâles lèchent régulièrement les organes génitaux, ce qui provoque souvent des mouvements convulsifs du pelvis. Cette réaction indique que la stimulation génitale déclenche des réflexes sexuels[16].
Des animaux qui ne peuvent pas stimuler leurs organes génitaux, en raison de leur morphologie, trouvent des moyens indirects pour se masturber. Par exemple, Shadle a observé un porc-épic mâle qui utilisait un outil pour s’autostimuler : « L’excitation sexuelle du porc-épic mâle était montrée par [le fait qu’] il enjambait une longue brindille qu’il tenait avec ses pattes avant, comme font les enfants avec un manche à balai. La brindille était tenue de telle sorte que son pénis était stimulé par le contact avec le bois, qui fut rapidement imprégné de l’odeur de l’urine et des sécrétions glandulaires. En conséquence, c’était bien un état d’excitation sexuelle »[42].
Quelques études sur les rongeurs ont montré que les stimulations génitales postnatales quotidiennes induisent le développement des structures sexuelles : les seuils de déclenchement des réflexes copulatoires sont abaissés, et les circuits sexuels sont davantage développés[43],[44].
La masturbation peut avoir des effets bénéfiques sur l'état de santé : selon une étude australienne, datant de 2003, effectuée auprès de 2 250 hommes âgés entre 20 et 40 ans, les risques de cancer de la prostate diminuent avec un nombre important d’éjaculations. Les chercheurs ont constaté que le risque de développer un cancer de la prostate était inférieur d’environ 33 % chez la plupart des hommes qui éjaculaient fréquemment (cinq fois ou plus par semaine), quel que soit le type d’activité sexuelle, y compris la masturbation[45]. En 2004, ce résultat a été confirmé par une autre étude portant sur 30 000 hommes[46].
Une méta-analyse de 2016 conclut que les preuves sont insuffisantes pour pouvoir donner un verdict, il n'est donc pas prouvé que la masturbation ait un effet bénéfique sur le cancer de la prostate[47].
Tout comme les rapports et pratiques sexuels partagés, une stimulation y compris autoérotique des organes génitaux des femmes et des hommes a des effets dont le sens est très largement positif concernant l'immunité, donc la santé physique, et aussi la santé mentale, en corrélation[48]. Cause, conséquence ou conséquence d'une même tendance de personnalité, la pratique fréquente et riche de l'autoérotisme, en particulier chez les femmes, est plutôt corrélée positivement à l'épanouissement et à l'éducation socio-professionnels, économiques, salariaux[49] et sexuels conjugués à une sexualité partagée source de plaisir physique et psychique libre et égalitaire, y compris avec plusieurs partenaires[50], les hommes et femmes de la population active avec un taux initial de masturbation plus élevé se trouvant plus souvent promus à des postes d'encadrement bien rémunérés. D'autre part, les femmes bisexuelles surtout, lesbiennes, et/ou avec le plus d'hormones sexuelles mâles, potentiellement en corrélation, se masturbent en moyenne davantage que les autres, plutôt, à l'inverse des hommes, que d'avoir davantage de partenaires, en particulier du sexe opposé[51]. La pratique autoérotique de la masturbation féminine semble en outre corrélée à une réduction des douleurs qui peuvent être liées aux menstruations et leur fréquence[52], au même titre que l'orgasme avec partenaire notamment[53].
En Occident, la plupart des médecins et des sexologues du XVIIIe au début du XXe siècle pensaient que la masturbation était une maladie, et qu’elle provenait d’un vice moral ou d’un dérèglement de l’instinct sexuel[54],[55],[56] (voir ci-dessous la section « Condamnation et répression »).
Actuellement, pour plusieurs chercheurs, l'attitude sociale et médicale concernant la masturbation est toujours en partie influencée par les croyances et les valeurs du début du XXe siècle[5],[4]. « Progressivement, à mesure qu'il devenait de plus en plus difficile, au XXe siècle, de défendre la position selon laquelle il existe un lien entre la masturbation et la maladie, on déplaça le problème pour s'attacher à des aspects particuliers de la masturbation. Un de ces aspects était la définition de la masturbation “excessive”. Tout en admettant de mauvaise grâce la possibilité que la pratique occasionnelle du “péché solitaire” ne menait pas directement au lit de mort ou à l'asile, les médecins et d'autres “experts” de la question prêchaient encore que la pratique trop fréquente de la masturbation entravait le développement du caractère. Malheureusement pour la personne qui se masturbait, on n'a jamais défini clairement ce que l'on considérait comme “trop”, “normal” ou “trop peu” »[5].
Des études démontrent néanmoins les liens entre masturbation et certains problèmes, comme la masturbation compulsive ou la dépendance sexuelle[57]. Le Dr Karila indique que « Les gens souffrent réellement, ils sont en constante recherche de sexe, passent à l’acte et après, ils culpabilisent »[58]. Cette addiction entraînerait les mêmes modifications cérébrales que celles liées aux psychotropes[59].
En effet, la sexualité, comme toutes les activités naturelles ou artificielles qui procurent des sensations de plaisir, dépend de l'activité du système de récompense. Plus ce système est stimulé, de manière durable ou intense, plus il devient sensible aux stimuli hédoniques, et plus fort devient le désir. Toutes les situations hédoniques peuvent induire des situations de dépendance. Toutes les personnes sont plus ou moins dépendantes[60], et pour certaines il existe une plus grande vulnérabilité biologique à la dépendance.
Mais en analysant la complexité des vécus des patients, d'autres chercheurs concluent que dans la plupart des cas, ce n'est pas la masturbation, ou la masturbation “excessive” qui est à l'origine du problème. La masturbation compulsive est plutôt un symptôme d'un autre problème[61],[62], comme des inhibitions sexuelles ou des problèmes de socialisation (timidité, difficultés à respecter les règles sociales, introversion, mauvaise image de soi, peur d'un refus ou de l'échec sexuel…) empêchant d'engager une relation affective et sexuelle avec un partenaire.
Certains hommes semblent développer une préférence sexuelle pour la masturbation solitaire, gênante pour le reste de leur sexualité. Il s'agit parfois de conséquences d'une pratique régulière de la masturbation. Celle-ci conditionnerait la sensibilité du pénis au type de contact offert par les mains. Les hommes concernés éprouveraient alors des difficultés, voire une incapacité, à éjaculer lors d'autres types de pratiques sexuelles (pénétration vaginale, masturbation par autrui...). Ce trouble est généralement réversible par un reconditionnement de la sensibilité du pénis et un travail psychologique sur soi. Les anglo-saxons parlent parfois de Death Grip Syndrom, terme médicalement non reconnu[63]. Les sexologues francophones évoquent parfois des troubles d'éjaculation retardée qui seraient peut-être liés à la masturbation. Les statistiques sont difficiles à établir sur le sujet[64].
La masturbation peut être le symptôme de pathologies psychiques[65]. 47% des patients souffrant de psychose présenterait un dysfonctionnement sexuel souvent caractérisé par la masturbation comme seule activité sexuelle, et pratiquée de manière excessive dans les phases aiguës de la maladie[65]. Additionnellement, 3 à 6% de la population américaine souffrirait d'hypersexualité, avec un sex-ratio de 4:1 en faveur des hommes[65]. Chez les hommes, cette hypersexualité se manifeste notamment par une masturbation compulsive, une consommation excessive de pornographie, des rendez-vous sexuels fréquents avec des femmes inconnues et la recherche de prostituées[65]. L'hypersexualité est souvent corrélée à des expériences de maltraitance dans l'enfance et à des cas d'addiction chez les parents[65].
La valeur morale de la masturbation est un sujet récurrent de controverses.
En ce début de XXIe siècle, on peut identifier plusieurs positions relatives à l'éthique : sexologique, religieuse ou philosophique.
La réflexion sexologique se base sur des études éthologiques, historiques, neurobiologiques, psychologiques et sociologiques pour conclure que la masturbation est une pratique sexuelle biologiquement normale (voir les données et les analyses dans les sections précédentes). La sexologie ne donne pas de valeur morale à quelque acte que soit, donc à la masturbation.
Le philosophe cynique Diogène de Sinope, dont l'éthique moquait les conventions sociales et prônait une vie simple (une vie « de chien » d'où son surnom de « Diogène le Cynique »), encourage la masturbation. Lorsqu'on l'interrogea sur la manière d'éviter la tentation de la chair[réf. nécessaire], Diogène aurait répondu : « … en se masturbant… Ah, si l'on pouvait ainsi faire disparaître la faim rien qu'en se frottant le ventre ! »[réf. nécessaire].
Dans l’hindouisme, la masturbation est condamnée pour ceux qui ont fait un vœu de chasteté, mais permise pour les autres croyants[66].
Dans le catholicisme, la masturbation est condamnée. L'Église considère que l'acte sexuel doit être subordonné à la reproduction. Elle se refuse à déduire du caractère fréquent de la pratique une quelconque justification morale. Par contre, la masturbation réciproque est tolérée à condition de n’être qu’un préliminaire dans une relation de couple, afin de ne pas aller à l’encontre des finalités que la doctrine catholique donne à la vie sexuelle : parfaire l’unité entre les époux en restant ouverte à la transmission de la vie, les deux étant mis sur le même plan (Catéchisme de l'Église catholique, article 2363[67]).
Dans le christianisme évangélique, la masturbation est vue comme étant interdite par certains pasteurs évangéliques en raison des pensées sexuelles qui peuvent l’accompagner[68],[69]. Toutefois, des pasteurs évangéliques ont souligné que la pratique autoérotique naturelle avait été associée de façon erronée à Onan (l'onanisme étant initialement le coït interrompu) par des exégètes, qu’elle n’était pas un péché ou une déviation maléfique de la tendance naturelle instinctive si elle n’était pas pratiquée avec des fantasmes ou de façon compulsive mais intellectuellement contrôlée, et qu’elle était utile à un vrai équilibre dans un couple marié, si son ou sa partenaire n’avait pas la même fréquence de besoins sexuels [70],[71].
Dans l’islam, la masturbation est interdite. Cependant, selon certains savants, comme dans la philosophie cynique, si une forme non reproductive de sexualité permet d'éviter le péché de la fornication, elle devient une solution de sexualité non pas plus mais moins grave permise pour les hommes, justement parce qu'en islam, le plaisir sexuel ne doit s'exprimer que dans le cadre sérieux du mariage en association avec sa visée procréative[72].
Une branche islamique interdit malgré tout la masturbation y compris masculine dans toutes les situations. Une autre minorité musulmane autorise aussi la masturbation des femmes réalisée par défaut afin de ne pas commettre un péché[73].
Dans la tradition juive, toute éjaculation en dehors des rapports conjugaux est considérée comme un gaspillage criminel de la force vitale créatrice et donc explicitement prohibée dans plusieurs écrits talmudiques[74]. Cette focalisation sur le masculin peut rendre la masturbation féminine, plus tabou, jugée inexistante ou sans importance comparable, justement, tolérée de fait, mais elle fut quelquefois interdite.
La répression de la masturbation relève de l'histoire récente et l'influence des croyances associées s'exerce encore aujourd'hui[4]. De surcroît, ces idées pourtant inexactes ont été principalement propagées par des médecins et des psychiatres. Selon certains auteurs, la compréhension de ce phénomène social et médical apparaît comme nécessaire afin de prévenir la réapparition future d'un phénomène similaire, tant pour la masturbation que pour d'autres pratiques ou domaines de la sexualité[2].
En Occident, la masturbation fut longtemps considérée comme une incapacité à se contrôler, un vice moral, une déviation de l’instinct, ou une perversion[3],[54],[56]. Pour exemple, sont présentés ci-dessous plusieurs documents datant du XIXe siècle, époque où la répression de la masturbation était à son apogée.
« Masturbation. L’excitation des organes génitaux par le frottement de la main constitue la masturbation ou l’onanisme. Les garçons et les filles se livrent également à la masturbation, soit par corruption morale et par goût prématuré de la débauche, soit par une sorte d’habitude instinctive contractée dans le berceau à un âge où il est impossible d’admettre l’existence de la dépravation. Chez les petits enfants à la mamelle et dans la première enfance, la masturbation est plutôt une mauvaise habitude qu’un vice du cœur, et elle produit la fièvre, l’amaigrissement, le marasme et la mort par consomption tuberculeuse. Dans la seconde enfance et chez l’adolescent, la masturbation est un vice moral qui a les plus déplorables effets sur la santé, car il ébranle les systèmes musculaire et nerveux, il affaiblit l’intelligence et les sens, il altère les fonctions organiques et morales, et il conduit lentement à l’hébétude, à la tristesse, à la paralysie, à la phtisie tuberculeuse pulmonaire et à une consomption mortelle. Chez l’homme, la masturbation est très souvent l’origine d’une dyspepsie hypocondriaque ou d’une folie dont la cause reste toujours inconnue au médecin. Thérapeutique. – Chez les jeunes enfants, il importe de prévenir les mauvaises habitudes en donnant aux organes génitaux tous les soins de propreté désirables, car l’accumulation de mucus à l’entrée de la vulve, autour du clitoris ou à l’orifice du prépuce, amène une irritation locale qui provoque des démangeaisons plus ou moins vives et consécutives, et la nécessité de se soulager par le frottement de la main. Si les enfants se grattent souvent les organes génitaux, il faut leur donner 50 centigrammes ou 1 gramme de bromure de potassium tous les soirs et on les lavera avec de l’eau et du vinaigre aromatique, – de l’eau de sublimé corrosif, 10 centigrammes pour 300 grammes d’eau ; – de l’eau de goudron, etc. ; puis on les punira en les fouettant, s’ils continuent à y porter la main. Si cela ne suffit pas, il faut tous les soirs attacher les mains de l’enfant de chaque côté du lit ou les croiser sur la poitrine pour qu’il puisse dormir sans se toucher. Au besoin, on les enveloppe avec des gants. Une précaution très utile à employer est celle qui consiste à coucher les petits enfants habillés d’une chemise large et longue, dépassant les pieds de 20 centimètres, de façon à pouvoir être fermée au moyen d’une coulisse. Si cela ne suffit pas, lorsque, sans toucher les organes génitaux, avec les mains les enfants trouvent le moyen de croiser les cuisses et par leur frottement de se procurer des sensations énervantes, il faut placer entre les cuisses ou entre les genoux une pelote fixée avec une bande, de façon à empêcher le croisement des jambes ; – ce serait alors le cas d’employer la gouttière de Bonnet, dont on se sert pour immobiliser la hanche affectée de coxalgie. L’excision du clitoris ou des nymphes et l’infibulation ont été conseillées, mais ce sont des moyens qu’il ne faut mettre en usage que s’il n’est pas possible de faire autrement. Chez les garçons qui ont le prépuce très long et sous lequel séjourne des matières qui entretiennent un prurit désagréable, il n’y a pas à hésiter, il faut recourir à la circoncision, et ce moyen suffit souvent pour guérir la mauvaise habitude qui compromettait la santé de l’enfant. On employait aussi, comme moyen préventif pour empêcher la masturbation, l’infibulation, c’est-à-dire le passage d’anneaux dans le prépuce et dans les grandes lèvres, expédient qui a été proposé et auquel personne n’a plus recours[55]. »
— Dictionnaire de médecine et de thérapeutique médicale et chirurgicale, publié en 1877 (texte intégral de l'article)
Les mutilations génitales ne sont donc pas le propre de civilisations islamiques.[non neutre]
Les auteurs sont des médecins honorés et reconnus : Eugène Bouchut est médecin de l’hôpital des Enfants malades, professeur agrégé de la faculté de médecine et officier de la Légion d’honneur ; Armand Després est professeur agrégé à la faculté de médecine de Paris, chirurgien de l’hôpital Cochin, membre de la Société de chirurgie et de la Société anatomique, membre correspondant de la Société gynécologique de Boston, et chevalier de la Légion d’honneur.
Des manuels spécialisés recommandaient aux parents d’« user de psychologie » pour apprendre aux enfants à ne pas toucher leurs organes génitaux :
« Quand les enfants sont très jeunes on peut leur apprendre que leurs organes [génitaux] ne doivent être utilisés que pour uriner, et qu’il ne faut pas les toucher car cela va les blesser et les rendre malades. Dites leur que les petits enfants, parfois, quand ils ne savent pas, prennent l’habitude de se toucher et qu’après ils deviennent faibles et malades, et parfois idiot et fou, ou ont des crises d’épilepsie. Ces avertissements les impressionneront tellement qu’ils ne tomberont pas facilement dans le mauvais chemin[75]. »
Le film Le Ruban blanc de Michael Haneke met en scène le contexte psychologique de l’époque par rapport à la sexualité. Une scène montre ces méthodes psychologiques utilisées par un pasteur pour inculquer à son fils la culpabilité pour la masturbation[note 3].
Et quand ces méthodes psychologiques échouaient, des moyens plus radicaux étaient mis en œuvre. Les chercheurs Masters et Johnson décrivent avec précision ces pratiques éducatives et médicales du XIXe siècle :
« On dépensa beaucoup d’énergie et d’argent en traitement allant de ceintures élaborées, de serrures et de cages – pour protéger les parties génitales des mains vagabondes – jusqu’à des “traitements” chirurgicaux, qui ne laissaient presque plus rien à caresser au malheureux patient. D’autres médecins incriminaient les pantalons serrés, le frottement des draps, le fait de tenir ses parties génitales en urinant et le fait que les parents et les nourrices touchaient les parties génitales des enfants pendant leur bain. Si l’on supprimait les aliments “irritants” de leur régime, que l’on retirait les pantalons serrés de leur garde robe, et que les patients continuaient à se masturber, des mesures draconiennes s’avéraient nécessaires. Les médecins prescrivaient alors l’utilisation de camisoles de force pour la nuit, des enveloppements dans des draps froids pour l’enfant, pour “refroidir” son désir ; on lui attachait les mains à la tête du lit. Le service américain des brevets délivra plusieurs brevets à des variantes de la ceinture de chasteté médiévale, qui empêchaient les attouchements des parties génitales. Les parents pouvaient cadenasser les “cages génitales” de leurs enfants, et en mettre la clef de côté. (Il y avait une version particulièrement torturante de ces cages, construites pour les adolescents et les adultes, et qui consistait en un tube doublé de piquants dans lequel on glissait le pénis. S’il y avait érection, le pénis était blessé). Au début de notre siècle, on vendait des mitaines de fer, afin de décourager les vagabondages nocifs des petites mains d’enfants ; on vendait aussi des alarmes qui sonnaient dans la chambre des parents lorsque le lit de leur enfant se mettait à bouger. Pour ceux qui recherchaient une solution plus permanente au problème, les médecins prescrivaient d’autres traitements : on pouvait appliquer des sangsues sur la région génitale pour en sucer le sang et éradiquer la congestion qui provoquait le désir sexuel ; il y avait la cautérisation (on brûlait le tissu génital avec un courant électrique ou un fer brûlant) qui avait la réputation de tuer les nerfs et de diminuer les sensations et le désir. Dans les années 1850 et 1860, les traitements extrêmes – castration et ablation du clitoris – étaient très à la mode. Les journaux médicaux américains du milieu du XIXe siècle affirmaient que la castration était souvent un traitement efficace de la folie. La croyance actuelle des Américains qu’il faut circoncire immédiatement les nouveau-nés est un reliquat des convictions victoriennes, selon lesquelles cette intervention empêchait la masturbation[29]. »
Le document suivant, publié en 1882 dans la revue médicale L'encéphale, montre qu'à l'époque les pratiques extrêmes, telle la cautérisation au fer rouge du clitoris d'une fille de 8 ans, étaient cautionnées par la majorité de la communauté médicale.
« Le 11 septembre, pour l'effrayer autant que possible, je fais étalage des réchauds aux charbons ardents; j'y place un énorme fer en hache; je fais souffler jusqu'à ce qu'il rougisse, elle est tremblante à la vue de toutes ces scènes infernales. Vous n'avez pas tenu votre promesse lui dis-je. (…) Le 14 septembre, cette opération a eu un effet salutaire immédiat: la petite Y… est restée sage depuis la cautérisation. (…) Le 16 nouvelle cautérisation, j'applique trois points de feu sur chaque grande lèvre, et un autre sur le clitoris, pour la punir de sa désobéissance je lui cautérise les fesses et les lombes avec un grand fer. Elle jure qu'elle ne faillira plus, elle s'avoue très coupable. (…) X… voyant la punition infligée à sa sœur, est devenue toute triste; elle répète souvent: si je pouvais mourir ! (…) Le 19 troisième cautérisation de la petite Y… qui sanglote et vocifère. » [p46-48][76]. »
Dans la conclusion de l'article, Zambaco expose les raisons médicales de ces pratiques :
« Il est rationnel d'admettre que la cautérisation au fer rouge abolit la sensibilité du clitoris, qu'elle peut entièrement détruire, un certain nombre de fois répétée. L'orifice vulvaire, qui constitue le second point génésique sensible, étant émoussé lui-même par la cautérisation, on conçoit facilement que les enfants, devenues moins excitables, soient aussi moins portées à se toucher. Il est également probable que, le clitoris et l'orifice vulvaire devenant le siège d'une inflammation plus ou moins intense, consécutivement à l'opération, les attouchements soient douloureux au lieu d'être source de plaisir. Enfin, la frayeur éprouvée à la vue du supplice, et l'influence que le fer rouge exerce sur l'imagination des enfants, doivent aussi être comptées parmi les actions bienfaisantes de la cautérisation transcurrente. Nous croyons donc que (…) on ne doit pas hésiter à avoir recours, et de bonne heure, au fer rouge pour combattre l'onanisme clitoridien ou vulvaire des petites filles. » [p58-59][76]. »
Trente ans plus tard, le docteur Zambaco est devenu « correspondant de l’académie des sciences, membre associé de l’académie de médecine et commandeur de la légion d’honneur ».
Avant le XVIIe siècle, la masturbation était considérée comme un péché mais elle n'était pas réputée avoir de conséquences pathologiques, idée morale forgée plus tard par le discours médical. Les médecins, comme Caramuel, recommandaient même de « purger » l’organisme de la semence en excès[5].
Toutes les croyances et les pratiques répressives proviennent, du XVIIIe au XIXe siècle, des écrits de moralistes (Shannon[77]…), de religieux (Dutoit-Membrini[78]…) et de médecins (Marten[79], Tissot, Acton…). Ces écrits ne provenaient généralement pas d’études scientifiques ou médicales, mais de convictions personnelles ou d’intérêts particuliers. Par exemple, John Marten, l’auteur d’Onania[79], publié en 1712, vendait son livre accompagné d’une « Teinture revigorante » et d’une « Poudre prolifique », destinés à guérir toutes les « effroyables conséquences » provoquées par la masturbation, et décrites avec force détails dans son ouvrage ; les personnes, qui après cette lecture étaient devenues fort inquiètes pour leur santé, pouvaient (heureusement) se procurer ces potions pour la somme de 10 et 12 shillings[5].
« Pour comprendre l’interdiction qui a frappé la masturbation un siècle plus tard, il faut savoir qu’un ouvrage publié à Londres en 1715 a véritablement tout bouleversé. Cet ouvrage intitulé « Onania » est peut-être le livre qui a conditionné le plus les deux siècles de répression de la masturbation. Son auteur, un médecin, commença par décrire dans une brochure d’une dizaine de pages, les retombées physiologiques de la masturbation. Il soutenait la thèse selon laquelle les séquelles dues à la masturbation sont irréversibles, conduisent peu à peu à la déchéance du corps et de l’âme, jusqu’à la mort. De 1718 à 1778 se sont succédé près de 22 rééditions d’« Onania ». Les publications ont eu tant de succès, entre autres, parce que l’auteur y publiait les lettres de ses lecteurs, qui constituaient de véritables romans-feuilletons de la masturbation et des crimes qu’elle occasionne. Le médecin suisse Samuel Tissot répertoria toutes les lettres (réelles ou inventées) d’« Onania », et en fit six classifications reprenant les troubles les plus fréquents[5]. »
Samuel Auguste Tissot, lui, avait élaboré une théorie « médicale » à partir d’hypothèses de plusieurs médecins de l’époque, dont le célèbre Herman Boerhaave, et surtout du livre Onania[79].
« Tissot suggéra que le sperme jouait un rôle important dans le fonctionnement normal de l’organisme, et que le gaspillage de ce liquide par des activités sexuelles pouvait affaiblir l’organisme et provoquer des maladies. Ce liquide vital devait être « dépensé » parcimonieusement, et seulement lorsqu’il y avait une chance raisonnable de procréer. À partir de cette théorie, des médecins […] élaborèrent un répertoire des maladies liées au gaspillage du sperme dans des activités sexuelles dommageables, dont la masturbation[5]. »
« C’est, en grande partie, au médecin suisse S. Tissot (1728-1797) que l’on doit une conception aussi négative de la masturbation ; il fit de ce sujet un thème scientifique, et transforma la masturbation, considérée jusque-là comme un simple péché, en une maladie qu’il fallait soigner. Tissot croyait que toute activité sexuelle était dangereuse, parce qu’elle refoulait le sang vers la tête, n’en laissant plus assez dans le reste du corps, ce qui provoquait la dégénérescence des nerfs et autres tissus vitaux. En accord avec les connaissances scientifiques de l’époque, il était certain que cette forme de détérioration nerveuse était cause de la folie. Tissot était convaincu que la masturbation était une forme de sexualité particulièrement “dangereuse”, parce qu’elle était commode, qu’elle pouvait commencer pendant les années vulnérables de l’enfance, et parce que le sentiment de culpabilité éprouvé par celui qui se masturbe, eu égard à son péché, irritait son système nerveux et le rendait plus fragile. Les parents cherchèrent désespérément à écarter leurs enfants de ce fléau. Les médecins étaient contents de leur rendre ce service ; après tout, c’était du devoir du médecin consciencieux de mettre fin à la masturbation[29]. »
Le livre de Tissot L’Onanisme, traité sur les maladies produites par la masturbation eut un très grand succès avec soixante-trois éditions entre 1760 et 1905. Tissot y expose les maladies provoquées par l’autostimulation.
« Je me suis proposé d’écrire sur les maladies produites par la masturbation, et non pas du crime de la masturbation : n’est-ce pas d’ailleurs assez en prouver le crime que de démontrer qu’elle est un acte de suicide ? … J’ai vu un jeune homme atteint d’épuisement dorsal. Il était d’une fort jolie figure et, malgré le fait qu’on l’ait souvent averti de ne pas se livrer au plaisir, il s’y livra néanmoins et devint difforme avant sa mort… Le cerveau même, dans ce cas, paraissait s’être consumé. En effet, les malades deviennent stupides et si raides que je n’ai jamais vu une si grande immobilité du corps. Les yeux mêmes sont si hébétés qu’ils n’ont plus la capacité de voir… La peinture du danger, quand on s’est livré au mal, est peut-être le plus puissant motif de correction, c’est un tableau effrayant propre à faire reculer d’horreur. En voici les principaux trais : un dépérissement général de la machine ; l’affaiblissement de tous les sens corporels et de toutes les facultés de l’âme ; la perte de l’imagination et de la mémoire ; l’imbécillité, le mépris, la honte ; toutes les fonctions troublées, suspendues, douloureuses ; des maladies longues, bizarres, dégoûtantes ; des douleurs aiguës et toujours renaissantes ; tous les maux de la vieillesse dans l’âge de la force… le dégoût pour tous les plaisirs honnêtes, l’ennui, l’aversion des autres et de soi ; l’horreur de la vie, la crainte de devenir suicide d’un moment à l’autre ; l’angoisse pire que les douleurs ; les remords pires que l’angoisse… voilà l’esquisse du sort réservé à ceux qui se conduiront comme s’ils ne le craignaient pas[54]. »
À la fin du XVIIIe siècle, la renommée de Tissot était telle qu’il n’était plus possible pour un médecin de ne pas condamner l’autostimulation. La masturbation était devenue un problème médical « incontournable » et un problème social majeur[80].
À la fin du XIXe siècle, les médecins pensaient que la consommation d’aliments savoureux provoquait la masturbation, tandis que les aliments fades la décourageaient. Des aliments, comme les céréales Kellogg’s Corn Flakes (sans sucre à l’époque), ont été spécialement conçus par des médecins, des religieux ou des moralistes pour lutter contre la masturbation[4].
Encore en 1961, un sondage effectué dans cinq facultés de médecine indiquait que la moitié des étudiants et un cinquième des professeurs croyaient que la masturbation pouvait provoquer des maladies mentales[81].
Avant les années 1970, la terminologie officielle de l’Église catholique pour la masturbation était : « abus de soi », « souillure de la chair » et « auto-pollution ». Cette pratique était sévèrement condamnée : « La masturbation est un acte intrinsèquement et sérieusement déréglé »[82]. Depuis les années 1970 et les changements sociaux et culturels, l’attitude de l’Église a évolué. Actuellement, la masturbation est toujours considérée comme un péché par l’Église catholique, en tant que pratique sexuelle ne menant pas à la reproduction. L’Église déconseille la masturbation, même voire surtout lorsqu’elle est pratiquée dans le but d’une reproduction dans le cadre d’une procréation médicalement assistée. « Dans la ligne d’une tradition constante, tant le magistère de l’Église que le sens moral des fidèles ont affirmé sans hésitation que la masturbation est un acte intrinsèquement et gravement désordonné. Quel qu’en soit le motif, l’usage délibéré de la faculté sexuelle en dehors des rapports conjugaux normaux en contredit la finalité »[83].
Après la révolution sexuelle des années 1970, le discours médical change radicalement et le sexologue Philippe Brenot publiera même un « éloge de la masturbation »[note 4].
À l'époque de la révolution sexuelle, la sexualité était perçue comme source d'épanouissement et de plaisir. À la fin du XXe siècle, cependant, après la médiatisation des agressions sexuelles, des infections sexuellement transmissibles et tout particulièrement du SIDA, la perception de la sexualité a été modifiée. Elle était plutôt perçue de manière ambivalente, comme source potentielle de dangers et de maladies[84]. Pour la masturbation apparaît un nouveau concept clinique, celui de la masturbation « excessive »[5].
Dans les années 2000, peu de personnes militent ouvertement contre la masturbation, mais également peu de personnes la défendent, ouvertement. L’autoérotisme ne fait partie ni des débats politiques, ni du discours social et éducationnel. L’Église catholique, ainsi que d’autres groupes confessionnels de plusieurs religions et divers mouvements conservateurs, diffusent toujours une image négative de cette pratique, sans avoir cessé de le faire, et trouvent des échos actuels y compris dans la jeunesse. De plus, y compris dans le monde conditionné par la révolution sexuelle, la masturbation est souvent considérée comme une sous-sexualité, pratiquée surtout par ceux qui ne peuvent pas avoir de partenaires. Pour ces raisons, les enfants et les jeunes, en particulier dans les pays occidentaux les plus conservateurs, peuvent être influencés par ces réprobations sociales[4]. Dans l’enquête NHSLS, en 1992, près de 50 % des personnes qui pratiquent la masturbation disent ressentir de la culpabilité[32].
En synthèse, même si depuis la révolution sexuelle il existe un discours apparemment plus libéral relativement à la masturbation, les attitudes sociales générales restent similaires. En particulier pour les plus jeunes, il n'existe plus d'« interdits » formels, mais on « ne laisse pas faire ». Le contexte social et culturel n’est guère favorable à cette pratique : la masturbation, y compris sa défense, n’est tolérée qu’à condition de rester dans les zones les plus intimes de la vie privée.
Les condamnations de la masturbation existent également dans d’autres sociétés, ainsi que l’utilisation de divers moyens, moqueries, humiliations, coercitions et sanctions physiques pour empêcher cette pratique.
« Chez les Apinayé, les garçons et les filles sont avertis dès l’enfance de ne pas se masturber, et une sévère correction attend l’enfant qui est suspecté d’un tel comportement. En Nouvelle-Guinée, les garçons Kwoma sont constamment avertis de ne pas toucher leurs organes génitaux. Si une femme voit un garçon avec une érection, elle va battre son pénis avec un bâton, et le garçon apprend très vite à ne pas toucher son pénis même pour uriner[16]. »
L'expression « masturbation intellectuelle » qualifie parfois une activité de l’esprit qui n'est pas considérée comme « féconde » soit en réalisations, soit en idées nouvelles, une activité que l’on considère en vase clos, en tour d’ivoire. Ainsi Karl Marx considérait la philosophie comme une masturbation intellectuelle : « La philosophie et l’étude du monde réel sont dans le même rapport que l’onanisme et l’amour sexuel. » (L’Idéologie allemande, Le concile de Leipzig – III Saint Max).
Le terme possède actuellement une connotation péjorative qui doit sans doute plus à quelque mépris de l’activité intellectuelle non « rentable » (et qui tourne en quelque sorte à vide) qu’aux anciens interdits sexuels. À côté de cette expression désignant un travail intense mais inutile, une série d’expressions renvoient carrément à l’inaction et à la paresse : « être un branleur », « peigner la girafe », « moucher le cyclope »…
Mais, inversement, dans un langage extrêmement vulgaire, le verbe « branler » devient — à l’instar du verbe « foutre », qui désigne l’accouplement — un synonyme du verbe « faire » : « s’en foutre » / « s’en branler » ; « ne rien en avoir à faire / à foutre / à branler » ; « ne rien faire / foutre / branler »…
La masturbation, en particulier en public, est parfois utilisée comme une forme de provocation dans l’objectif de faire passer des messages[réf. nécessaire].
Le « masturbathon » est un rassemblement dans lequel des hommes et des femmes sont invités à se faire sponsoriser pour se masturber lors de cet événement. Les profits servent à aider des causes de charité. Les personnalités ayant essayé ce type de masturbation incluent : Rocco Siffredi (acteur pornographique), René Étiemble[96] (écrivain) et Maxime Collins[97] (écrivain)[source insuffisante].
La psychanalyse de Freud concernant le fonctionnement de la satisfaction du plaisir, peut apporter une notion de répétition non distanciée. Il a établi que ce qu’il appelle le « principe de plaisir » exige de satisfaire, par les voies les plus courtes, les pulsions qui traversent le psychisme humain[98]. Freud, critique à l’égard de la masturbation, proposait de soigner la masturbation masculine par psychrophore[99],[100].
Les chercheurs William Masters et Virginia Johnson ont observé et mesuré avec des appareils spécialisés plus de 10 000 réponses sexuelles auprès de 694 hommes et femmes. Ils ont montré que le pénis de l’homme et le clitoris de la femme étaient les principales régions du corps à l’origine du plaisir sexuel[101]. C’est pour cette raison que le clitoris et le pénis sont les zones érogènes les plus stimulées au cours de la masturbation.
La masturbation des organes génitaux dans le but de ressentir du plaisir est une des principales activités sexuelles humaines. Elle est actuellement reconnue par la sexologie comme une activité sexuelle aussi « normale » que les autres[2].