Nom de naissance | Louis Thomas Hardin |
---|---|
Naissance |
Marysville (Kansas) États-Unis |
Décès |
(à 83 ans) Münster (Rhénanie-du-Nord-Westphalie) Allemagne |
Activité principale | Compositeur, musicien |
Genre musical | Avant-garde jazz, musique minimaliste, outsider music |
Instruments | Clavier, percussion, chant |
Années actives | 1932-1999 |
Louis Thomas Hardin, dit Moondog, est un compositeur et musicien américain né le à Marysville (Kansas) et mort le à Münster (Allemagne).
Le père de Louis Thomas Hardin est un pasteur épiscopalien, sa mère est institutrice et joue de l'orgue. En 1922, alors qu'il est encore enfant, il visite avec son père une réserve indienne Arapaho et assiste à une danse du soleil. C'est une expérience musicale forte, les rythmiques indiennes et la sonorité des percussions resteront présentes dans ses compositions[1].
En 1932, un bâton de dynamite lui explose au visage et l'aveugle de manière permanente[2]. Il fréquente alors l'école pour aveugles de l'Iowa où il apprend le violon, le piano et l'orgue. Son professeur, Burnet Tuthill, lui donne aussi des cours de musique et d'harmonie.
En 1943, il obtient une bourse et part étudier la musique à Memphis. L'année suivante, il se rend à New York, où il passera les trente années suivantes de sa vie. Il fait la connaissance du compositeur et chef d'orchestre Leonard Bernstein et du chef d'orchestre Arturo Toscanini, et fréquente également des musiciens de jazz brillants comme Charlie Parker et Benny Goodman. Il assiste pendant un temps aux répétitions de l'Orchestre philharmonique de New York, mais son style vestimentaire extravagant le coupe peu à peu du monde de la musique « sérieuse ». À l'époque, sa barbe et ses longs cheveux lui donnent une apparence christique qui ne lui convient pas. Il décide de ne plus porter que des vêtements qu'il fabrique lui-même, notamment une cape et un casque de viking inspiré par la mythologie nordique.
Il décide, en 1947, de se faire appeler « Moondog »[3] en l'honneur d'un chien "qui hurlait à la lune bien plus que tous les chiens que je connaissais". En 1949, il se rend dans l'Idaho à une danse du soleil Blackfoot, c'est-à-dire de la Confédération des Pieds-Noirs. À l'automne de cette même année, il commence à jouer dans la rue, souvent à l'intersection de la 53e Rue et de la 6e Avenue à Manhattan. Il chante, récite ses poèmes, joue de ses instruments, des modèles uniques qu'il a conçus, la "trimba", des percussions triangulaires, le "oo", un instrument à cordes triangulaires, le "Ooo-ya-tsu", le "yukh"[4]... Le succès est tel que la foule encombre la rue, l'obligeant à se déplacer. Il finit par s'installer dans le quartier des clubs de jazz sur la 6e Avenue[5]. C'est à cette époque que ses vêtements atypiques et sa présence à cet endroit lui vaudront le surnom de « Viking de la 6e Avenue ». Les ambiances de la ville seront intégrées aux morceaux du disque On the Streets of New York (1953), avec des compositions de cette période. Ian Hugo pour son film expérimental Jazz of Lights (1954) fait appel à lui[6]
Moondog enregistre aussi pour Epic en 1953 : Moondog and his Friends, pour Prestige en 1956/57 : Caribea Sextet/Oo Debut, More Moondog et The Story of Moondog, pour Capitol en 1957 : Tell It Again.
En 1967, Janis Joplin et son groupe, The Big Brother and The Holding Company, reprennent All Is Loneliness, enregistré par Moondog en 1949.
En 1969, il rencontre et se lie avec les jeunes compositeurs Philip Glass, Steve Reich puis Terry Riley, avec qui il travaille un temps.
La Columbia/CBS, qui a édité les premiers albums de Steve Reich en 1967, lui donne l'occasion d'enregistrer ses œuvres avec un grand orchestre. Les deux albums alors publiés, Moondog en 1969 et Moondog 2 en 1971 (réunis sur le seul CD Moondog en 1989), lui assurent une certaine réputation auprès d'autres artistes d'avant-garde, auprès des poètes de la Beat Generation ; Moondog se produit avec Allen Ginsberg, Lenny Bruce, dans des films avec William S. Burroughs.
En 1974, il est invité à donner un concert à Francfort et découvre l'Allemagne. Il se sent alors plus proche intellectuellement de l'Europe que des États-Unis et décide de s'installer en Allemagne. Aux États-Unis, on le croit mort. Une étudiante en géologie, Ilona Goebel (ensuite connue sous le nom de Sommer), le rencontre dans les rues de Recklinghausen, une petite ville de la région de Cologne, et, apprenant qu'il est compositeur, décide de l'héberger chez ses parents à Oer-Erkenschwick puis à Münster en Westphalie. C'est là que Moondog passera le reste de sa vie. Ilona le prend en charge, transcrit ses partitions écrites en braille et l'aide à continuer sa carrière. Le label allemand Roof Music publie Moondog in Europe en 1977, H´art Songs en 1978, et A New Sound of an Old Instrument en 1979, une série de pièces pour orgue en solo ou en duo.
Dans les années 1980, seulement deux disques de Moondog, Facets en 1981 et Bracelli en 1986, sont publiés. Moondog se consacre à la composition[7].
Moondog se produit régulièrement sur scène : à Herten et Recklinghausen en 1981, Paris en 1982, Salzbourg en 1984, aux Trans Musicales de Rennes en 1988. En 1989, invité par Philip Glass, il fait l'ouverture du New Music America festival à New York et dirige le Brooklyn Philharmonic Chamber Orchestra. Sensible aux questions d'écologie, Moondog enregistre, en 1991, l'album Elpmas, manifeste contre les mauvais traitements infligés aux peuples aborigènes, à la nature et aux animaux, ainsi qu'une mise en garde sur les risques liés au progrès de façon générale. Elpmas est un album plutôt minimaliste aux sonorités planantes, les pistes d'Elpmas sont autant de sentiers à suivre en compagnie du doux son du marimba.[style trop lyrique ou dithyrambique]
En 1995, Moondog est invité par le Meltdown Festival à Londres avec le London Saxophonic et le London Brass. Moondog et le London Saxophonic enregistrent Sax Pax for a Sax en 1994. Moondog donne son dernier concert le au Festival MIMI d'Arles et meurt à Münster, le , à 83 ans.
Le talent de ce musicien atypique et marginal a été reconnu tardivement. Un de ses titres connaît une célébrité posthume, Bird's Lament, un hommage au musicien de jazz Charlie Parker surnommé « Bird », devenu l'échantillon sonore (sample) du Get a Move On du DJ anglais Mr Scruff.
L'œuvre de Moondog en fait l'un des grands maîtres du contrepoint au XXe siècle[réf. nécessaire].
Au début de sa carrière, Moondog est un musicien de jazz un peu farfelu qui tente d'ajouter quelques influences amérindiennes aux rythmes afro-américains qui sont le corps traditionnel du jazz. Mais il a, peu à peu, selon ses propres dires[8], voulu revenir aux techniques d'écriture classiques : le contrepoint, l'harmonie et la sévérité des règles traditionnelles. Il s'est ingénié à les respecter plus scrupuleusement même que les grands compositeurs classiques[9]. Techniquement, Moondog est ainsi plus proche de Palestrina et de Monteverdi que de Bach[réf. souhaitée]. Cette volonté pour un compositeur de jazz d'intégrer le savoir-faire classique le rapproche, à certains égards, de Scott Joplin dont la technique, bien qu'il appartienne au style "Ragtime", a été influencée par l'enseignement allemand traditionnel de la musique et par le traité de contrepoint de Salomon Jadassohn[10].
Moondog a combiné les rythmes du jazz et les procédés extrêmement contraignants du canon et du contrepoint renversable à deux, trois, quatre ou cinq voix. Il emploie aussi, assez fréquemment, des mesures à 7/8, 5/4 et autres rythmes impairs. Ses compositions ne laissent aucune place à l'improvisation, chaque partie est écrite avec précision.
Certaines de ses compositions, par exemple Do Your Thing (H'art Songs, 1978 ; édition CD Kopf / Roof Music), peuvent sembler simples et répétitives à la première écoute, avant que ne se révèle une richesse rythmique et contrapuntique étonnante et une grande imagination mélodique. En dépit de son amitié avec Steve Reich et Philip Glass, sa musique n'a que peu de rapport avec le courant de la musique répétitive, dont il nie faire partie. Il a écrit d'innombrables pièces pour orchestre, en général écrites en « parties réelles » (c'est-à-dire qu'il n'y a presque pas de doublure ni d'unisson, chaque pupitre étant une partie contrapuntique). Il affectionne particulièrement les saxophones, le morceau Lament (Moondog, LP Columbia Masterworks MS 7335, 1969) en est un exemple poignant.
Son œuvre est considérable en quantité, la discographie à ce jour n'en a donné qu'un mince aperçu. On lui attribue 300 œuvres vocales et instrumentales (qu'il appelle « madrigaux, passacailles, canons », etc.) et plus de 80 « symphonies », c'est-à-dire des œuvres pour orchestre[8].