Nacarat est un nom de couleur ancien, d'usage précieux, désignant une nuance de rouge ou rouge-orangé, ou bien de rose, en usage principalement dans le domaine de la mode et de l'habillement, et dont la couleur, comme souvent dans ce cas, est imprécise ou fluctuante[1].
Dans les nuanciers actuels, on trouve, par exemple,
en peinture pour la décoration Nacarat[2] et en tissu d'ameublement rouge nacarat[3] ;
dans des catalogues de mode, Nacarat[4], Nacarat[5], rose nacarat[6] ;
dans des catalogues de mode en langue anglaise[7], la teinte est Nacarat[8], Nacarat[9], Nacarat[10] allant ainsi pratiquement jusqu'à orange brûlé.
L’uniforme des maisons d’éducation de la Légion d’honneur comprend une ceinture portée en bandoulière dont la couleur indique la classe des élèves. Les classes de seconde portent cette ceinture en rouge et sont nommées : « classes nacarat »[11].
Attesté en 1626, nacarat figure dans la liste des noms de couleurs à la mode ridiculisée par Agrippa d'Aubigné en 1630[12]. Il n'en figure pas moins dans les Règlements et statuts généraux concernant les manufactures de 1669 et dans l’Instruction générale sur la teinture des laines de 1671, et Castel s'interroge en 1740 sur la possibilité de l'utiliser comme couleur primaire. Il la considère comme un rouge-orangé[13], vigoureusement contredit par Chevreul[14] bien qu'il ait lui-même classé en 1828 le nacarat avec l'écarlate et la couleur de feu parmi les rouge-jaune[15]. Castel, en tous cas, suit d'autres auteurs, qui estiment le nacarat orange[16], bien que ce ne soit pas l'opinion générale[17].
Au XIXe siècle, Michel-Eugène Chevreul a entrepris de repérer les couleurs entre elles et par rapport aux raies de Fraunhofer. Le Nacarat de l’Instruction générale de 1671 est pour lui 2 rouge 10 ton[18]. Cette cote est aussi celle d'un des rouge de garance et possiblement d'un incarnatcramoisi de l’Instruction[19], d'un Rouge turc sur coton du teinturier Steiner et de la couleur Feu sur soie de Guinon[20], et des couleurs pour artistes Vermillon de Berlin de Gauthier-Édouart (9 ton) et Carmin 40% en poudre de Gademann (12 ton)[21]. Mais Chevreul évalue aussi les couleurs indiquées par d'autres. Le nacarat de Castel serait ainsi 5 rouge 10 ton ou rouge-orangé 10 ton[22], tandis que celui de la soie du teinturier Tuvée serait 2 rouge 14 ton[23]. C'est cette dernière couleur qu'il cite parmi les « Noms de couleur le plus fréquemment usités dans la conversation et dans les livres »[24].
Le Répertoire de couleurs de la Société des chrysanthémistes, publié en 1905, cite le Nacarat du marchand de couleurs Lorilleux comme un des synonymes de leur Rouge cardinal, c'est-à-dire que les experts estiment que la couleur de Lorilleux est identique[25]. Les autres synonymes sont la Laque brillante de Lefranc, le Rouge de Perse de Ripolin, le Carmin extra de Bourgeois.
Le nom de couleur nacarat ne semble pas avoir eu d'importance particulière jusqu'au Directoire, où il était la couleur du grand costume des directeurs. Il passa de mode immédiatement après la chute de ce régime.
Au XIXe siècle, il est parfois défini comme rouge pâle ou rose. On peut formuler l'hypothèse que le nom et la couleur n'étant plus, depuis suffisamment longtemps, dans l'actualité de la mode, certains imaginent la couleur à partir de son étymologie supposée de nacarado, nacré en espagnol, lu dans le dictionnaire, d'où elle n'a jamais disparu.
Furetière doute de cette étymologie avancée par Ménage, et le Oxford English Dictionnary fait remarquer la ressemblance avec l'arabe nakarat, désignant une fleur rouge utilisée en teinture. Mais l'opinion de Ménage a prévalu dans les dictionnaires français.
↑Louis-Bertrand Castel, L'optique des couleurs : fondée sur les simples observations & tournée sur-tout à la pratique de la peinture, de la teinture & des autres arts coloristes, Paris, Briasson, (lire en ligne)
↑Michel-Eugène Chevreul, « Moyen de nommer et de définir les couleurs », Mémoires de l'Académie des sciences de l'Institut de France, t. 33, , p. 65 (lire en ligne)
↑Michel-Eugène Chevreul, Mémoire sur l'influence que deux couleurs peuvent avoir l'une sur l'autre quand on les voit simultanément : lu à l'Académie des sciences, le 7 avril 1828, (lire en ligne).
↑« Specie di colore come rancio », Antoine Oudin, Dictionnaire italien et françois, Paris, (lire en ligne) ; « couleur mélangée de rouge et d'orangé », Louis-Antoine de Caraccioli, Dictionnaire critique, pittoresque et sentencieux, propre à faire connoître les usages du siècle ainsi que ses bizarreries, t. 2, Lyon, (lire en ligne) ; Dictionnaire de l'Académie française, 1777.
↑Chevreul 1861, p. 120. Le 2 rouge est au quart de la distance de la raie C à la raie D (p. 29). Une extrapolation entre les quatre distances indiquées entre les raies (p. 48) donne une longueur d'onde dominante de 637,4 nanomètres. Les fonctions colorimétriques CIE XYZ donnent, par extrapolation cubique, des valeurs pour la lumière monochromatique. En ajoutant du gris de même luminance, on peut ramener la pureté colorimétrique à un niveau que l'écran d'ordinateur puisse représenter, 60 %. En multipliant les coefficients XYZ par un facteur commun, on obtient une luminance de 18,5 % donnant clartéCIE Lab de 50 % correspond au 10 ton de Chevreul, où 0 est le blanc et 21 le noir. La valeur obtenue est convertie en sRGB. La teinte effectivement présentée sur l'écran dépend de sa conformité aux primaires et au réglages sRGB.
↑Chevreul 1861, p. 64, 66. Le 5 rouge est à mi-chemin entre les raies C et D. Le calcul de la couleur est identique au précédent, avec une longueur d'onde dominante de 620 nm et une pureté de 70%. Le rouge-orangé est une nuance plus loin. Le prochain repère est 4 rouge-orangé, au 3/4 de C, soit 603,9 nm, p = 88 %. La couleur de rouge-orangé est celle obtenue au 1/5 de l'angle de teinte et de la chromaticité en CIE Lab, avec la même luminosité.
↑Chevreul 1861, p. 64, 142. Le 2 rouge est au quart de la distance entre C et D. Le calcul de la couleur est celui du 2 rouge avec une luminance de 6,2 % donnant une clarté de 30 %.
↑Henri Dauthenay, Répertoire de couleurs pour aider à la détermination des couleurs des fleurs, des feuillages et des fruits : publié par la Société française des chrysanthémistes et René Oberthür ; avec la collaboration principale de Henri Dauthenay, et celle de MM. Julien Mouillefert, C. Harman Payne, Max Leichtlin, N. Severi et Miguel Cortès, vol. 1, Paris, Librairie horticole, (lire en ligne), p. 112.