Le Rhône (prononcé [ʁon] en français standard ou [ˈʁɔ.nə] dans le Midi de la France) est un fleuve d'Europe, long de 812 kilomètres (un tiers en Suisse et deux tiers en France).
Il prend sa source dans le glacier du Rhône, en Suisse, à une altitude de 2 209 m, à l'extrémité orientale du Valais, dans le massif des Alpes uranaises. Il parcourt 290 km en Suisse, se jetant dans le Léman pour en sortir à Genève. Il entre ensuite en France, où il parcourt 522 km[3], selon l'Encyclopédie Larousse, ou 545 km, selon le SANDRE[4], prenant son virage vers le sud à Lyon. Il termine son cours dans le delta de Camargue pour se jeter dans la mer Méditerranée. Port-Saint-Louis-du-Rhône est la dernière ville traversée par le Rhône.
De tous les fleuves s'écoulant en Méditerranée, le débit du Rhône est le deuxième plus important après celui du Nil, si l'on ne tient pas compte de la mer Noire, où se jettent en particulier le Danube et le Don. Finissant son cours dans une mer sans marée, le fleuve a formé un delta avec des bras qui se sont déplacés principalement d'ouest en est au cours de l'histoire. Désormais endigué, ce delta est figé, hormis lors de crues exceptionnelles comme en 1993, 1994 et 2003.
Il est parfois identifié à l'Éridan, qui est le nom d'un dieu fleuve de la mythologie grecque, fils d'Océan et de Téthys[5].
Le nom du fleuve est attesté sous les formes Rhodanus en 62 avant J.C. [Jules César, De bello gallico, Liv I, c. 6], Rodanus fluvius en 869, Rodonus en 915, Rodeno volvente en 941, Aqua Rodani en 1265, Rozer au XIIIe siècle, Aqua Rodagni en 1460, La rivière de Rosne en 1492, Aqua Rodanni en 1493[6].
Selon la légende, le nom de ce fleuve remonte à la venue de Grecs en provenance de Rhodes. En effet, ils vinrent faire du commerce avec la bourgade Ligure située sur le haut de la colline de l'Hauture, Thelinée (plus tard Arles) se trouvant juste au-dessus d'un fleuve important qui se dirigeait vers la Méditerranée toute proche. Ces Grecs de Rhodes lui donnèrent le nom de leur ville, Rhodes d'où par la suite le couloir rhodanien et plus tard les Romains le nommèrent Rhodanus. Pline l'Ancien, dans son Histoire naturelle, estimait que le Rhône tire bien son nom de Rhoda ou Rhodanusia, colonie de Rhodiens bâtie jadis à l’une de ses embouchures, aux environs d'Aigues-Mortes.
En réalité, le nom est pré-celtique ou plus probablement celtique, même si les plus anciennes attestations du nom se trouvent chez les auteurs grecs ou romains.
Albert Dauzat propose un radical indo-européen *rod-, alternance de *red- « couler »[7],[8] suivi par un suffixe atone pré-latin -ǎnus. Mais il n'exclut pas un préfixe intensif ro- et le radical celtique ou pré-celtique dan-[7]. Cette hypothèse est corroborée par Pierre-Yves Lambert qui signale le même élément danu- dans le nom celtique du Danube (Danuuios) et le rapproche de l'irlandais dánae « audacieux, hardi, violent »[9]. Une racine indo-européenne *dānu- « fleuve » se retrouverait dans le nom du Don, de *dā- « couler »[8].
Dans les autres langues qu'on rencontre le long de son cours, le Rhône est appelé :
Le Rhône a donné son nom :
Communes traversées ou longées par canton :
Communes traversées ou longées par département :
Le bassin versant du Rhône est situé sur deux pays : la Suisse et la France. Il mesure en tout 97 800 km2, dont 90 000 km2 en France, soit environ 17 % de la superficie de la France métropolitaine, et 7 800 km2 en Suisse, soit 18,89 % de la superficie de la Suisse.
Les tripoints hydrographiques aux extrémités des lignes de partage des eaux séparant le bassin versant du Rhône de ses principaux voisins sont :
En Suisse, le bassin versant du Rhône n'est pas contigu. En effet, il est constitué de deux zones distinctes l'une de l'autre. Le cours principal du Rhône ainsi que ses affluents directs coulent dans le sud-ouest du pays avant de rejoindre le Léman, néanmoins une partie du bassin versant du Doubs arrose les cantons de Neuchâtel et du Jura dans le nord-ouest de la Suisse. Le Doubs rejoint la Saône en Bourgogne qui elle-même rejoint le Rhône à Lyon. Ainsi les eaux du bassin versant du Rhône se rejoignent très en aval de la sortie du territoire suisse. De même, l'Arve dont le cours et le bassin sont très majoritairement situés en France, rejoint le Rhône dans le canton de Genève.
En France, d'autres bassins versants plus petits voisinent celui du Rhône, ceux de l'Argens et du Var sur sa rive gauche ou l'Hérault sur sa rive droite.
Le Rhône naît des eaux de fonte du glacier du Rhône, à l'extrémité orientale du canton du Valais en Suisse, il porte alors le nom de Rotten jusqu'à Sierre. Le glacier du Rhône est situé à la jonction de deux importants massifs des Alpes : les Alpes uranaises et les Alpes valaisannes. Autour du glacier se trouvent quelques sommets de plus de 3 000 mètres : le Dammastock (3 631 m), le Galenstock (3 586 m) ou le Tieralplistock (3 382 m). En 2007, la langue glaciaire se terminait à une altitude de 2 250 mètres non loin de la route d'accès au col de la Furka. De là, le Rhône coule vers le sud-ouest en passant par Gletsch puis coule dans la vallée de Conches. Dans cette vallée il reçoit différents torrents de montagne tels, sur sa rive gauche, l'Agene, le Milibach et la Minna et, sur sa rive droite, la Minstigerbach et la Wysswasser. Son parcours est d'environ 35 kilomètres jusqu'à Brigue.
Peu avant d'atteindre Brigue, il reçoit les eaux de la Massa en provenance du glacier d'Aletsch (plus grand glacier des Alpes). La vallée qu'il emprunte porte dès lors son nom, la vallée du Rhône. Cette vallée coule tout d'abord en direction de l'ouest sur une trentaine de kilomètres jusqu'à Loèche, puis vers le sud-ouest sur une cinquantaine de kilomètres jusqu'à Martigny. C'est une vallée intérieure des Alpes, elle est parallèle à la ligne de crête des Alpes bernoises au nord et des Alpes valaisannes au sud. De ces deux massifs coulent de nombreux torrents de montagne.
À Martigny, où il reçoit les eaux de la Dranse sur sa rive gauche, le cours du Rhône fait un fort virage en direction du nord. En direction du Léman, il passe à Saint-Maurice dans un verrou glaciaire qui a longtemps donné à la vallée du Rhône une importance stratégique pour le contrôle des cols alpestres. Le Rhône marque ensuite la frontière entre les cantons du Valais (rive gauche) et de Vaud (rive droite), séparant le Chablais valaisan et le Chablais vaudois. Il se jette dans le Léman à l'est du lac à proximité du Bouveret et de la réserve naturelle des Grangettes. Le plongeon des eaux brunâtres du fleuve, chargées d'alluvions, sous celles du lac produit un tourbillon en surface, appelé localement « bataillière », à une centaine de mètres de la rive[10],[11],[12].
Sur une partie de son étendue le Léman marque la frontière entre la France et la Suisse. Sur sa rive gauche le Léman reçoit la Morge. Cette rivière marque la frontière entre la Suisse (Valais) et la France (Haute-Savoie). Elle pénètre dans le Léman à Saint-Gingolph, village situé de part et d'autre de la frontière. Toujours sur sa rive gauche, il reçoit les eaux de la Dranse entre Thonon-les-Bains et Évian-les-Bains. Sur sa rive droite le lac reçoit la Venoge et la Morges. Les termes de Haut-Lac (région de la Riviera vaudoise, du Chablais suisse et Lavaux), Grand-Lac (Lausanne, Évian) et Petit-Lac (entre Yvoire et Genève) sont utilisés, même si le lac ne constitue qu'une seule entité.
L'émissaire du Léman se trouve à l'ouest du lac à Genève, où le niveau du lac est maintenu par le barrage du Seujet. À Genève, il reçoit les eaux de l'Arve en provenance du massif du Mont-Blanc. L'Arve, dont la température de l'eau ne dépasse pas 14 °C[13], fait chuter la température du Rhône, dans le secteur de La Jonction, et en aval, d'environ 8 °C, car l'eau du Léman en surface, a une température d'environ 20 °C, en été. Cette différence de températures peut s'avérer dangereuse pour les baigneurs, s'ils nagent en amont et en aval de la Jonction, car ils risquent l'hypothermie et une réduction de la force musculaire, voire la noyade[14]. Plusieurs personnes se noient chaque année[15], avec une surreprésentation des hommes jeunes et des étrangers parmi les victimes[16]. La méconnaissance des lieux est impliquée[17]. Une autre explication incrimine la précarité[18].
Après avoir quitté la Suisse, le fleuve pénètre dans le sud du massif du Jura par le défilé de l'Écluse. Le cours du Rhône devient alors très encaissé, et le fleuve disparaissait même sous les calcaires urgoniens en amont de Bellegarde (pertes du Rhône) et de la confluence de la Valserine, affluent de rive droite. Le canyon du Rhône et les pertes sont aujourd’hui noyés sous le lac de retenue du barrage de Génissiat. À Bellegarde, le fleuve oblique en direction du sud, reçoit les eaux du Fier en rive gauche, longe la plaine autrefois marécageuse de Chautagne et passe à proximité du lac du Bourget auquel il est relié par le canal de Savières. Il poursuit son cours en direction de l'ouest, quitte le Jura après les rapides de Sault Brénaz, reçoit les eaux de la rivière d'Ain en rive droite. Il longe le plateau de la Dombes et atteint Lyon où il reçoit la Saône, son plus long affluent. Le système le plus long du bassin du Rhône n'est d'ailleurs pas le fleuve éponyme, mais le Doubs, qui mesure environ 950 kilomètres depuis sa source jusqu'à la Méditerranée (453 kilomètres de la source à la Saône, 167 kilomètres de Verdun-sur-le-Doubs à Lyon, et 330 kilomètres de Lyon à Port-Saint-Louis-du-Rhône).
À partir de Lyon, il coule vers le sud, entre les Alpes et le Massif central. En Ardèche, entre Andance et Tournon, il forme une vallée épigénique. Il reçoit les eaux de l'Isère en amont de Valence, celles de la Drôme (rive gauche), de l'Ardèche (rive droite), de l'Ouvèze (rive gauche) et enfin de la Durance en aval de la ville d'Avignon. En amont de Beaucaire, il reçoit le Gardon. À hauteur d'Arles, il se partage en deux bras : le Grand-Rhône à l'est et le Petit-Rhône à l'ouest, entre lesquels se situe le delta de la Camargue, avant de se jeter dans la mer Méditerranée.
Liste des principaux affluents directs du Rhône (longueur[4] supérieure à 100 km, ou bassin versant[1] supérieur à 1 000 km2 ou débit[1] moyen (module) supérieur à 10 m3/s connu au plus proche de la confluence) et situés avec leur confluence par :
puis avec les trois données comparables à celles de l'affluent, pour le Rhône (juste à l'amont de la confluence) :
En Suisse, les principaux affluents du fleuve sont la Massa, la Saltina, la Vispa, la Lonza, la Turtmänna, la Raspille, la Navizence, la Rèche, la Lienne, la Borgne, la Sionne, la Morge, la Lizerne, la Faraz, la Losentse, la Salentse, la Drance, le Trient, l'Avançon, la Vièze, la Gryonne, la Grande Eau, la Veveyse, la Venoge, l'Arve et l'Allondon.
En France, les affluents majeurs (plus de 100 m3/s) sont la Saône (rd[note 1]), l'Isère (rg), la Durance (rg) et l'Ain (rd). Parmi les autres affluents (moins de 100 m3/s), notons la Dranse (rg), l'Arve (rg), qui naît en France mais rejoint le Rhône en Suisse, l'Annaz (rd), la Valserine (rd), les Usses (rg), le Fier (rg), le Séran (rd), le Furans (rd), le Guiers (rg), la Bièvre (rg), la Bourbre (rg), la Sereine (rd), l'Yzeron (rd), l'Ozon (rg), le Garon (rd), le Gier (rd), la Sévenne (rg), la Gère (rg), la Varèze (rg), le Dolon (rg), les Collières (rg), la Cance (rd), l'Ay (rd), la Galaure (rg), le Doux (rd), la Véore (rg), l'Eyrieux (rd), la Drôme (rg), l'Ouvèze (rd), la Payre (rd), le Roubion (rg), l'Escoutay (rd), la Berre (rg), l'Ardèche (rd), le Lauzon (rg), le Lez (rg), la Cèze (rd), l'Eygues (rg), l'Ouvèze (rg) et le Gardon (rd).
Diagramme comparatif des bassins versants des principaux affluents, supérieurs à 1 000 km2 :
Le Rhône traverse notamment les localités et les villes suisses de Gletsch, première localité traversée, Brigue-Glis, Viège, Sierre, Sion, Martigny, Saint-Maurice, Monthey puis sur rive droite du Léman, Villeneuve, Montreux, La Tour-de-Peilz, Vevey, Pully, Lausanne, Morges, Gland, Nyon, Versoix et, sur rive gauche du Léman, les villes françaises de Thonon-les-Bains et Évian-les-Bains.
Après Genève, il arrose Vernier, Lancy, Onex, Bernex dans le canton de Genève puis Valserhône, Culoz, Belley, Montalieu-Vercieu, Sault-Brénaz, Saint-Sorlin-en-Bugey, Lagnieu, Saint-Vulbas, Jonage, Meyzieu, Vaulx-en-Velin, Villeurbanne, Caluire-et-Cuire, Lyon, La Mulatière, Oullins-Pierre-Bénite, Saint-Fons, Irigny, Feyzin, Vernaison, Givors, Chasse-sur-Rhône, Loire-sur-Rhône, Saint-Romain-en-Gal, Sainte-Colombe, Vienne, Condrieu, Saint-Michel-sur-Rhône, Chavanay, Saint-Pierre-de-Bœuf, Saint-Alban-du-Rhône, Serrières, Le Péage-de-Roussillon, Tournon-sur-Rhône, Valence, Le Pouzin, Cruas, Montélimar, Viviers, Pierrelatte, Pont-Saint-Esprit, Orange, Avignon, Villeneuve-lès-Avignon, Vallabrègues, Beaucaire, Tarascon, Arles où il se sépare en deux. Le Grand-Rhône se jette dans la mer à Port-Saint-Louis-du-Rhône et le Petit-Rhône au niveau des Saintes-Maries-de-la-Mer.
De 1720 à 1792 et de 1816 à 1860, le Rhône marquait la frontière entre la France et le royaume de Sardaigne de Pougny (Ain) à Brégnier-Cordon (Ain). Cela explique la présence d'un couple de ville-frontière homonyme de part et d'autre du fleuve sur ce parcours, Seyssel, avec Seyssel côté français, actuellement dans l'Ain, et Seyssel côté savoyard, actuellement en Haute-Savoie[19].
Les grands travaux d'aménagement économique du Rhône ont été principalement le fait de la Compagnie nationale du Rhône qui a également pour mission d'entretenir et moderniser ces aménagements. On lui doit l'édification d'ouvrages hydroélectriques qui ont permis de réguler les crues tout en produisant de l'énergie non polluante, de plus de quinze milliards de kWh en 2007.
Le trafic fluvial reste important malgré l'absence d'un canal à fort gabarit entre le Rhône et le Rhin (la mise à grand gabarit du canal du Rhône au Rhin, commencée partiellement à l'est, a été abandonnée sous le gouvernement Jospin et l'impulsion de Dominique Voynet alors ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement). Il bénéficie du report amorcé des modes de transport, en partie, vers le fluvial. En 2007, 6 200 bateaux ont passé les écluses de Bourg-lès-Valence.
Des conventions sont signées avec les communes pour organiser l'aménagement de ports de plaisance ou d'espace de mise à l'eau. C'est ainsi que le port de Cruas a été inauguré le .
La protection de l'environnement est devenue l'une des priorités de la CNR. Diverses actions sont en cours en faveur de la faune, la flore et l'amélioration de la qualité de l'eau. L'entretien des sites classés Natura 2000 est tout particulièrement suivi, par exemple le traitement de formations envahissantes d'ambroisies et de jussies à Viviers en Ardèche. D'autres actions écologiques ont été entreprises le long du fleuve. Ainsi, en Suisse, le bois de Finges est devenu une réserve naturelle protégée ; de ce fait, la construction de l'autoroute A9 nécessite une traversée entièrement souterraine du site. Les travaux ont commencé en 2004 et dureront entre quinze et vingt ans[20],[21].
Plusieurs installations nucléaires, situées sur les rives du Rhône, prélèvent de l'eau pour assurer leur refroidissement :
En outre, jusqu'en 1997, le surgénérateur Superphénix (centrale nucléaire de Creys-Malville) était également en fonctionnement sur les rives du Rhône. Depuis cette date, elle est en phase de démantèlement nucléaire.
En amont du Léman, le Rhône, lui-même originaire d'un glacier et le réceptacle de cours d'eau glaciaires, possède un régime hydrologique influencé par une composante glaciaire important : son débit augmente fortement en période de fonte des glaces, ses eaux sont également chargées de matière en suspension ayant la même origine.
Le débit moyen interannuel du fleuve relevé à Brigue est de 41,6 m3/s. Son bassin versant est alors de 913 km2, a une altitude moyenne de 2 370 m et l'extension glacier représente 24,2 % de la surface du bassin versant. Le débit maximum mesuré l'a été en 2000 avec une pointe à 557 m3/s.
Le débit moyen interannuel du fleuve relevé à la Porte-du-Scex est de 182 m3/s. Son bassin versant est alors de 5 244 km2, a une altitude moyenne de 2 130 m et l'extension glacier représente 14,3 % de la surface du bassin versant.
janvier | février | mars | avril | mai | juin | juillet | août | septembre | octobre | novembre | décembre | |
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Débit maximum (année) | 403 (2004) | 520 (1970) | 474 (1981) | 451 (1999) | 816 (1981) | 940 (2008) | 950 (1935) | 1004 (1987) | 1088 (1993) | 1363+ (2000) | 560 (1944) | 390- (1961) |
Débit minimal (année) | 37.3 (1990) | 33.8- (1942) | 36.7 (1942) | 45.1 (1973) | 49.9 (1938) | 98.1 (1976) | 134+ (1976) | 103 (1976) | 67.4 (1976) | 56.1 (1989) | 50.2 (1943) | 35.6 (1989) |
Moyenne annuelle la plus grande : 227 m3/s (1999) | ||||||||||||
Débit moyen 182 m3/s | ||||||||||||
Moyenne annuelle la plus petite : 127 m3/s (1976) |
Le régime hydraulique du Rhône est caractérisé par des maxima automnaux liés aux pluies méditerranéennes, et printaniers en raison de la fonte des neiges. L'hiver présente souvent des débits soutenus mais moins marqués et le régime hydraulique minimum est estival.
Longtemps qualifié de « fleuve fantasque », en raison de ses crues puissantes (plus de 11 000 m3/s à l’aval)[25],[26], il est d’usage de parler de « fleuve dompté » depuis l’aménagement, sur sa partie française, par la CNR. En amont, sur sa partie suisse, il a subi de nombreux aménagements. Les crues de 1993-1994 et de 2002-2003 ont montré que l’aménagement hydroélectrique ne gère que les débits ordinaires, mais n’empêche en aucun cas la formation de grandes crues similaires à celles du XIXe siècle.
Le Rhône se caractérise par la diversité de son bassin versant :
Il en résulte un régime hydrologique très complexe, et une très grande diversité dans la formation des crues et leur déroulement. On distingue les types de crue suivants[27] :
Le débit moyen interannuel du fleuve relevé à Beaucaire est de 1 690 m3/s (données 1920-2011)[1].
On considère que le Rhône est en crue dès que son débit dépasse les 5 000 m3/s.
Le record récent mesuré date de avec un débit annoncé initialement à 13 000 m3/s à Beaucaire[28]. Le débit a été depuis révisé à 11 500 m3/s + ou - 5 %[29],[30]. Voir aussi CNR[31] et mairie d'Arles[32].
Les services de l'État, pour l'évaluation du risque d'inondation (élaboration des Plans de Prévention des Risques d'Inondation, PPRI), retiennent comme crue de référence la crue de 1856, estimée à 12 500 m3/s à Beaucaire : elle serait ainsi un peu plus forte que la crue de 2003.
La plus grosse crue historique est probablement celle survenue en novembre 1548, voire celle de 580. La crue millénaire, quant à elle, est estimée à plus de 14 000 m3/s (entre 14 000 et 16 000 m3/s, selon les auteurs, avec un consensus plus marqué pour 14 000–14 500 m3/s). Le Rhône est celui des cinq grands fleuves français dont le débit est le plus élevé.
Vers 175 av. J.-C., une importante crue du fleuve recouvre une large partie d'Arles et provoque la destruction irrémédiable des quartiers sud. Ces quartiers périphériques méridionaux sont par la suite abandonnés pendant deux siècles. Vers 150, on a la trace d'une importante crue à Arles. Vers 280, des sources historiques indiquent une crue importante à Lyon, ravagée par une inondation[33]. L'archéologie confirme à Arles la destruction par les eaux d'un habitat romain à la fin du IIIe siècle. L’année 346 voit une crue généralisée du Rhône[34].
En 563, un éboulement situé avant le Léman forme un barrage sur le Rhône avec montée des eaux en amont. La rupture du barrage provoque une vague d'eau qui créa des dégâts importants en aval y compris sur les berges du Léman. Cet événement appelé catastrophe du fort de l’Écluse ou éboulement de Tauredunum est signalé par Grégoire de Tours[35] et Marius d'Avenches. En 579 ou 580 (plus probablement en 580), a lieu une crue d'automne avec inondation à Lyon et à Arles. À Lyon, Grégoire de Tours rapporte : « au commencement d'octobre, après deux jours de pluies continuelles, le Rhône et la Saône entrèrent en crue. Chose qui ne s'était jamais produite, les deux rivières vinrent se rejoindre au milieu de la presqu'île et formèrent un courant si violent qu'une partie des murs de la ville fut renversée, d'où l'on peut juger du nombre de maisons qui durent être entraînées par les eaux. » À Arles, le cirque romain est abandonné après cette catastrophe.
L'année 618 voit une crue probable avec des inondations.
En 808, une crue de printemps fait écrire « Cette année, l'hiver fut très « mou » et très pernicieux. On fut affligé à sa suite d'inondations terribles » et est suivie, l'année suivante, d'une crue d'hiver généralisée : « En 809, l'inondation surpassa toutes les inondations connues. Elle emporta les moissons des champs riverains et força les habitants des bords de rivières à chercher un refuge sur les hauteurs. L'abondance des pluies en fut la cause. Elle atteignit son apogée le 28 décembre. » Lors de l'hiver 821-822, des crues généralisées affectent la France : « Il y eut en France une si grande abondance de pluie que les fruits de la terre en furent perdus et qu'on ne put rien semer au printemps suivant. Les rivières sortirent de leur lit et les eaux se répandirent au loin dans les campagnes. » 868 voit une crue historique généralisée des fleuves à la suite de « pluies incessantes ».
En 1226, la crue d'automne (17 septembre[36]) et des inondations à Avignon ont lieu peu de jours après la reddition de la ville aux troupes du roi Louis VIII qui assiégeaient la cité depuis 10 juin. À quelques jours près, la cité eût été sauvée.
En 1308, une lettre du comte de Provence Charles II évoque les cultures détruites, les ponts emportés et les bestiaux noyés à la suite d'une crue. 1345 voit des inondations catastrophiques. À Arles, à la suite des inondations de 1352, le Chapitre ne peut plus être ravitaillé correctement (d'après un texte du 5 octobre 1352). Les inondations catastrophiques se répètent en 1353, 1358, 1368 ou 1373 (cette dernière crue est mal datée, probablement de 1372). La crue du 14 novembre 1396 fait écrire au chroniqueur arlésien Bertrand Boysset : « […] il y eut un grand déluge d’eau du Rhône et des marais… et noya Montlong, La Cape, la Haute-Camargue et les marais salants de Peccais. […] (À Arles) L’eau monta du lundi soir au mardi à l’heure de tierce, de onze palmes de hauteur… (soit environ 2,20 m). J’ai eu tant d’eau dans ma maison que cela recouvrait les six premières marches de l’escalier. » Les crues d'octobre 1398, décembre 1401 et février 1404 sont aussi signalées par le chroniqueur arlésien Bertrand Boysset.
À Tarascon, il est rapporté que « le 16 juin 1424, des inondations du Rhône mettent la ville en grand péril ». À la fin de cette même année 1424, le conseil et les syndics de Tarascon se préoccupent de faire réparer les brèches ouvertes dans les levées du Rhône[37]. En Camargue, 80 % au moins des blés sont anéantis par cette inondation. Une crue de printemps avec des inondations frappe la Camargue en 1426 et 1432. En 1433, une crue d'automne se produit à Avignon : « après plusieurs jours de pluies continuelles, le Rhône, la Durance et la Sorgue avaient débordé et inondé les bas quartiers de la ville. Le 29 novembre, les eaux atteignirent la porte de la chapelle des Pénitents Gris. Les eaux se retirèrent le 1er décembre. »
Au cours du XVIIIe siècle, des ouvrages d'endiguement insubmersibles furent construits, principalement par les riverains[39]. Entre 1705 et 1719, crues et inondations quasi annuelles.
Au cours du XIXe siècle, de nouveaux ouvrages d'endiguement insubmersibles furent construits, principalement par les riverains. À partir de 1878, ces aménagements connurent un développement rapide[39].
En 1934, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) reçoit la concession des travaux d'aménagement du Rhône. Cette entreprise est depuis chargée de l'aménagement général du fleuve, en particulier pour la production hydroélectrique et la navigation[39].
Les deux dernières crues ayant eu des conséquences économiques et humaines si catastrophiques en particulier dans la plaine du Bas-Rhône, au sud de Tarascon à Arles, qu'elles ont entrainé la mise en chantier du Plan Rhône.
Le Léman induit une coupure totale entre le Haut-Rhône et le Rhône aval en matière de charge sédimentaire.
Le Rhône prend sa source dans le massif du Saint-Gothard, dans les Alpes. Il naît de la fonte du glacier du Rhône. Il emprunte une longue vallée étroite en Valais pour rejoindre le Léman à la hauteur de la commune du Bouveret. Entre sa source et le lac, le Rhône reçoit les eaux d'environ 200 torrents.
Dans sa partie située en Suisse, le Rhône a subi de nombreux aménagements visant à maîtriser son cours et diminuer les effets néfastes de ses crues ; première correction de 1863 à 1894, seconde correction entre 1930 et 1960, troisième correction depuis 2008 devant durer de 25 à 30 ans.
Le tracé du Rhône prend forme durant le Miocène[54],[55] et connaît une évolution majeure durant la crise de salinité messinienne[56]. La diversité du bassin se répercute sur les conditions de production et d’alimentation du Rhône en charge sédimentaire : diversité géologique du bassin, héritage des formations glaciaires, conditions morphoclimatiques contrastées de dégradation des bassins…
L’aménagement du Rhône confié à la CNR pour les besoins de la navigation, de la production hydroélectrique, et de l'irrigation a été presque mené à son terme. Seuls demeurent à courant libre le court tronçon de part et d’autre du confluent de l’Ain (abandon du projet d’aménagement de Loyette) et le Rhône à l’aval de Beaucaire. La succession de vingt aménagements a totalement remodelé le Rhône sur le reste du linéaire.
La dynamique fluviale naturelle du Rhône et de ses affluents, et la structure des pentes qui en est l'image, est fortement marquée par l'héritage des dernières glaciations.
En amont, jusqu'à Lyon pour le Rhône (et Valence pour l'Isère), les glaciers quaternaires (dernier maximum glaciaire il y a environ 18 000 ans) ont laissé des alternances de zones surcreusées (les ombilics) et de zones proéminentes (les verrous). Les ombilics sont occupés par des lacs glaciaires lorsqu'ils étaient situés à l'écart des cours d'eau principaux capables de les réalluvionner (lac d'Annecy, lac du Bourget). En revanche, s'ils étaient situés sur un axe d'écoulement majeur, ils ont été alluvionnés en tout ou partie, mais sans que la continuité du transit des graviers ait pu toujours être rétablie : le Léman n'est que très partiellement alluvionné par le Haut-Rhône, la plaine de Brangue-Le Bouchage, en amont de Lyon, est alluvionnée, mais la pente y était encore faible (zone de marais).
En aval, la remontée rapide du niveau marin à la fin de la dernière glaciation il y a quelque 10 000 ans (remontée de 120 m : transgression flandrienne) a forcé le fleuve à déposer ses alluvions (formation de la Camargue) : les graviers n'arrivaient toujours pas jusqu'à la mer, et se déposaient à l'entrée du delta. La plupart des affluents ont eu du mal à suivre la remontée du niveau du fleuve : ils déposent leurs alluvions grossières à l'entrée de la plaine du Rhône et se terminent par un lit à méandres mobiles (Ouvèze, Aygues, Ardèche, Cèze, Gardon).
Entre ces deux secteurs, le Rhône montre un profil plus ou moins lissé avec une faible épaisseur d'alluvions, un substratum proche et des pentes relativement fortes.
Le Haut-Rhône présente une décroissance globale de la pente (à l’exception d’un secteur de gorges non pertinent pour l’analyse d’ensemble) associée à une tendance à l’alluvionnement du lit et à la réduction de la charge de fond, jusqu’à interruption de celle-ci entre le Guiers et Sault-Brenaz (pente descendant localement au-dessous de 0,2 ‰). Les apports de l’Ain et une recharge sédimentaire dans les terrasses würmiennes favorisent une forte activité en amont de Lyon associée à une forte pente (0,8 ‰). Une tendance à l’alluvionnement à l’entrée de Lyon et les apports liquides de la Saône conduisent à une pente plus faible sur le tiers amont du Bas-Rhône. Le tiers central est caractérisé par une pente forte (supérieure à 0,8 ‰ localement) associée à de fréquents affleurements rocheux, mais qui ne font pas seuil : on est là à la limite de la pente structurale (imposée par le cadre structural et non par l’équilibre entre transits solide et liquide : « transport passif ») et d’une pente morphologique (lit librement divaguant formé d’alluvions, en échange permanent avec le transport par charriage : « transport actif »). La pente diminue ensuite régulièrement jusqu’au delta.
Le transit sédimentaire couvre une large gamme de matériaux. On distingue classiquement deux modes de transport : le transport par charriage sur le fond des alluvions grossières et le transport en suspension des sédiments fins.
Lorsqu’il s’agit de comprendre les évolutions morphologiques du Rhône, la distinction charriage / suspension est fondamentale. La transition entre les deux modes de transport se situe en général dans les sables plutôt grossiers (entre 200 μm et 1 mm). Sur tout le cours du Rhône, c’étaient les graviers et galets qui, avant les grands aménagements, constituaient le transit sédimentaire « actif », c’est-à-dire qui façonnaient le lit du fleuve. Les sédiments fins (limons et sables) transportés en suspension jouaient un rôle secondaire dans les marges alluviales.
Les graviers et galets n’atteignaient pas la mer : ils contribuaient à l’alluvionnement à l’entrée du delta. Les apports de graviers sont aujourd’hui insignifiants.
Les limons et argiles sont emportés loin des côtes et contribuent à la sédimentation pélagique.
En définitive, seuls les sables jouent un rôle actif dans la dynamique sédimentaire du littoral. Les sables qui participent à la dynamique du littoral sont transportés en suspension dans le Rhône, y compris dans la partie deltaïque.
Le trait dominant de la plaine de Valence est une surface déprimée, encadrée au nord, à l’est et au sud par des collines ou lambeaux de plateaux surtout molassiques, de formes et de hauteurs modérées (200 à 300 m).
Le fond molassique Miocène fut recouvert par les alluvions fluvio-glaciaires de l’Isère, dont les terrasses marquent aujourd’hui encore la forme de la plaine, et les dépôts périglaciaires des rivières descendant du massif du Vercors et formant des cônes de déjection entre les buttes molassiques. Plus au sud, les dépôts périglaciaires abondants de la Drôme formèrent, à la confluence, une vaste plaine alluviale en éventail qui rejeta progressivement le cours du Rhône au pied des versants ardéchois.
Le Rhône apporta ses propres alluvions : par endroits, l’élargissement de son lit fluvial est propice aux accumulations sédimentaires. Le fleuve a naturellement tendance, sur sa basse plaine, à divaguer. Sa pente longitudinale assez forte engendre des vitesses d’écoulement importantes. L’Isère, à quelques kilomètres en amont de Valence, lui apporte près du quart de ce que roule déjà le fleuve. Ajouté aux eaux torrentielles de ces affluents en période de pluie ou de fonte des neiges, ce Rhône puissant peut devenir énorme et sauvage.
À partir du milieu du XVIIIe siècle, des endiguements insubmersibles sont construits par les riverains. Ils restent cependant peu nombreux jusque vers 1840. À la suite des graves inondations de 1840 est créé le « Service spécial du Rhône ». À cette date débute la construction systématique de digues dans la plaine d’inondation. Après la crue de 1856, de nombreux aménagements sont entrepris (digues, barrages), ainsi que le reboisement des zones amont[57].
En parallèle, un principe d’aménagement du chenal est adopté pour améliorer les conditions de navigation selon un tracé sinusoïdal à grand rayon de courbure. Des digues submersibles sont construites le long des rives concaves. Le barrage systématique des bras secondaires est engagé. Parfois, le double objectif de protection des terres et de fixation du chenal navigable conduit à des digues insubmersibles, comme à Pierre-Bénite.
La loi de 1878 déclare d’utilité publique « les travaux d’amélioration du Rhône entre Lyon et la mer ». Les aménagements connaissent alors une expansion rapide.
Girardon (1884) révolutionne les conceptions de l’aménagement à courant libre. Il modifie l’utilisation des épis plongeants et noyés, des seuils de fond, des tenons et des traverses selon une méthode qui sera appliquée sur le Rhône aval avec succès[58]. Les « casiers » résultent de l’association systématique des tenons aux digues basses. L’objectif est de tendre vers un chenal de 150 m de large en général, avec une profondeur d’eau de 1,60 m sous l’étiage conventionnel.
En 1938, l’aménagement du Rhône à courant libre est à peu près systématique entre Lyon et Arles. Le tressage a disparu au profit d’un lit unique sans latitude de divagation, muni d’annexes hydrauliques de plus en plus déconnectées.
Durant les années 1980, la CNR réalisa le Canal de Savières afin de permettre la navigation entre le lac du Bourget (qui est le plus grand lac naturel de France) et le Rhône. Le niveau du canal du Haut-Rhône est monté de 4 m et une écluse a été construite pour permettre le passage des bateaux. Un barrage fut érigé pour régulariser le niveau de l'eau afin d'accueillir ce nouveau canal long de 4 500 m.
Dès 1899, l’aménagement de Miribel-Jonage (barrage de Jons et usine de Cusset) constitue la première exploitation du Rhône pour l’hydroélectricité.
La CNR est créée en 1934. L’aménagement général du Rhône par la CNR a débuté en 1950 avec la mise en eau de Génissiat. Il s’agit du seul barrage de haute chute du Rhône. L’aménagement a porté ensuite dans les années 1950/1960 sur la partie centrale du Bas-Rhône (chute de Donzère-Mondragon). Il s’est poursuivi dans les années 1970 par l’aménagement des tiers aval et amont du Bas-Rhône, puis dans les années 1980 par l’aménagement du Haut-Rhône.
À l’exception de Génissiat, il s’agit d’ouvrages de basse chute, entièrement effaçables, associés (sauf sur Seyssel et Vaugris) à des dérivations. Le débit dérivé varie de 700 m3/s sur le Haut-Rhône à 2 200 m3/s sur le Bas-Rhône aval. Il est en moyenne 1,5 fois supérieur au module.
L’aménagement du Rhône pour la production hydroélectrique et la navigation concerne ainsi la quasi-totalité du linéaire : seul le tronçon entre Sault-Brenaz et Lyon (avec l’abandon du projet de chute de Loyette) et l’aval de Vallabrègues jusqu’à la Camargue ne sont pas concernés.
L’impact de ces aménagements sur le transit des sédiments est lié à deux grands facteurs : la perturbation du régime des pentes dans les retenues et la perturbation du régime des débits dans les tronçons court-circuités.
Dans les retenues, la pente est nulle ou faible pour tous les débits ordinaires et les crues annuelles. Il n’y a que pour les crues exceptionnelles que la pente tend vers la pente naturelle.
Or la capacité de transport solide diminue rapidement avec la pente. D’une manière générale, une réduction de 25 % de la pente conduit à un transit de sédiments cinq fois moindre. Une pente égale à la moitié de la pente naturelle correspond pratiquement à une pente de non transport : le débit de début d’entraînement est en effet plus que triplé : il correspond alors à un débit dépassé un jour tous les 10 ans en général.
Lorsque le débit du Rhône dépasse le débit nominal de la dérivation, les vannes du barrage sont progressivement ouvertes. L’ouverture des vannes de fond permet la chasse des matériaux déposés à l’amont immédiat du barrage.
Cependant, tant qu’il demeure une perte de charge au barrage, la pente amont est inférieure à la pente naturelle, et ne permet qu’un transit partiel des sédiments jusqu’au barrage. L’ouverture des vannes de fond permet l’évacuation des sédiments accumulés devant le barrage, mais pas le transit de toute la charge de fond amont.
Ce n’est que lorsque la perte de charge au barrage devient négligeable que l’on peut véritablement parler de transparence totale. La crue assure alors non seulement le transit des apports d’amont, mais également la reprise d’une partie de la sédimentation de la retenue.
Cette transparence totale n’est assurée qu’à partir de la crue centennale.
À peu de chose près, on peut considérer que le débit dérivé est constant (en réalité, le débit dérivé est le plus souvent un peu diminué pendant les fortes crues), sauf incident dans le fonctionnement du barrage. La majeure partie du temps, il ne reste dans le Vieux Rhône que le « débit réservé », incapable de transporter des sédiments.
La fréquence des débits morphologiquement actifs est donc fortement diminuée, ce qui réduit d’autant la capacité de transport dans les RCC (Rhône court-circuité).
Les hautes eaux jusqu’à la crue annuelle assuraient avant aménagement près de 98 % du transport solide. Sur l'aménagement de Chautagne (Haut-Rhône), la gamme de débit correspondant à des fréquences de 20 à 130 jours par an (entre 400 et 700 m3/s avant aménagement) assurait le transit de 75 % du transit total. Avec la dérivation de 700 m3/s, le Vieux Rhône est aujourd’hui au débit réservé (morphologiquement totalement inefficace) pour cette gamme de fréquence. Il n’y a que pour les débits rares (au-dessus de 900 m3/s dans le Vieux Rhône, c’est-à-dire un jour tous les trois ans) que le transport solide est peu perturbé. Mais ces débits sont peu efficaces en termes de bilan annuel. Au total, seul 1 % de la capacité de transport naturelle est conservée dans le Vieux Rhône.
Sur Donzère-Mondragon (Bas-Rhône), la dérivation (1 980 m3/s) est proportionnellement plus faible qu’à Chautagne. L’effet de réduction des débits est donc moindre, mais les incidences restent qualitativement similaires. La capacité de transport solide résiduelle couvre 6 % de la capacité naturelle.
Les mouvements de matériaux sur le Rhône résultent des différents modes de gestion des sédiments mis en œuvre sur le fleuve et ses affluents. D'une façon générale, ils se traduisent, soit par des extractions de matériaux grossiers lorsque leur valorisation économique le permet (il s'agit alors de graviers, du sable grossier jusqu'au galet), soit par des déplacements sans extraction, d'un lieu à un autre du lit, de matériaux fins (des sables fins jusqu’aux argiles en passant par les limons). Les matériaux extraits correspondent au matériau participant au transport par charriage, alors que les matériaux fins remobilisés correspondent au type de matériaux participant au transport par suspension.
En dehors des raisons d'entretien du lit, les extractions de matériaux ont été historiquement motivées par des besoins économiques liés à la réalisation des aménagements du Rhône, des infrastructures routières, et plus récemment des plateformes des centrales EDF ou des remblais TGV.
Aujourd'hui, les mouvements de matériaux, extractions ou remobilisation répondent à un besoin de gestion du lit du Rhône pour les besoins propres :
Volume moyen annuel de graviers extraits sur tout le Rhône en aval du Léman dans le lit mineur : 900 000 m3/an.
Volume moyen annuel de matériaux fins remobilisés dans le lit mineur : 1 100 000 m3/an.
Le transit en suspension est rapide. Il faut compter moins de 24 h de transit en moyenne pour 100 km. Les effets de dépôt / reprise sont relativement marginaux (sauf naturellement dans les grands réservoirs naturels — le Léman… — ou artificiels). En fonctionnement naturel, les dépôts dans les marges boisées (qui peuvent atteindre plusieurs décimètres au cours d’une crue) sont régulièrement repris par le fleuve par érosion de ces marges lors des divagations du bras vif. La faible mobilité actuelle du Rhône favorise un exhaussement irréversible de ces marges, ainsi qu’une réduction de la largeur du lit principal dans les retenues. Mais l’endiguement du fleuve limite la largeur sur laquelle s’appliquent ces évolutions, et donc les volumes concernés. Dans ces conditions, les apports du Rhône à la Camargue sont directement issus de la production du bassin versant. Il en résulte que les évolutions du bassin versant influent rapidement et directement sur les apports en suspension.
Le transit naturel a pu être estimé à 20 millions de tonnes par an dans les années 1950. Il est possible que le transit ait atteint 30 millions de tonnes par an au début du XXe siècle, au moment du maximum démographique dans les Alpes, qui avait favorisé un fort déboisement des versants.
Les apports du bassin versant n'ont pas changé de façon significative depuis le milieu du XXe siècle : l'état des versants, le développement des zones de ravinement et le fonctionnement des torrents ont peu évolué. En revanche, les grands barrages piègent des volumes significatifs de sédiments fins : Vouglans sur l'Ain, Génissiat sur le Rhône, Serre-Ponçon sur la Durance, Tignes sur l'Isère, le Sautet et Monteynard sur le Drac, Sainte-Croix sur le Verdon, etc. La fixation du lit du Rhône et de certains de ses affluents a favorisé également la sédimentation dans les marges alluviales. On peut estimer les apports actuels à dix millions de tonnes par an.
Au contraire, le transit par charriage est beaucoup plus lent. Pour fixer les idées, le temps de transit est de plusieurs décennies pour 100 km. La continuité du transit par charriage avant les grandes perturbations dues aux aménagements hydroélectriques et aux extractions est une hypothèse de travail satisfaisante sur beaucoup de tronçons de longueur modérée, où les variations en altitude du lit sont négligeables à l’échelle humaine. En revanche, même avant les grands travaux pour la navigation et la production hydroélectrique, il n’y avait pas continuité du transit des graviers à l’échelle d’un bassin comme celui du Rhône. Les délais depuis la dernière glaciation (de l’ordre de 15 000 ans) ont en effet été insuffisants pour que les profils en long sur une telle échelle aient atteint un équilibre assurant la continuité du transit. Avant aménagement, la continuité du transit était ainsi interrompue sur le Rhône en amont de Sault-Brenaz, et réduite de manière très importante à l’amont de Lyon, ainsi qu’en Chautagne. Il en était de même dans la partie aval de plusieurs affluents (Isère, Eygues, Ouvèze, etc.).
D’amont en aval, on avait avant aménagement les ordres de grandeur suivants :
Le transit des graviers a été totalement bouleversé au cours du XXe siècle :
Au total, on arrive paradoxalement à un nouvel « équilibre » : presque pas d'apports, presque pas de transport.
Le transit de graviers ne dépasse guère quelques milliers de mètres cubes par an sur la plupart des tronçons, avec un maximum de quelques dizaines de milliers de mètres cubes par an entre la Drôme et l'Ardèche.
Le Rhône est le seul fleuve reliant directement la Méditerranée à l’Europe du Nord. Il constitue depuis les Rhodiens et les Phéniciens un axe majeur de circulation des populations et des marchandises. Élément structurant dans l'organisation des territoires, le Rhône conduit aussi les hommes à se surpasser pour le dompter et surtout le traverser.
On trouve ainsi des traces d’occupation dès la Préhistoire. Dès l’Antiquité, l’étain, le cuivre ou les peaux du Nord sont échangées contre des productions de l’Orient et de la Méditerranée (ivoire, épices, étoffes, etc.).
En août 218 av. J.-C., Hannibal traverse le Rhône avec son armée de 80 000 hommes et 37 éléphants dans le but d'attaquer Rome par voie de terre. L’armée romaine sous les ordres de Scipion étant toute proche sur la rive gauche du fleuve, il préfère remonter le long du fleuve à vive allure pendant quatre jours pour l’éviter et ainsi affronter l’ennemi en Italie, sur son territoire.
À l’époque romaine, il devient une voie de développement commercial. Plus tard, le vin, la vaisselle et le sel d'une part, les armes et les étoffes d’autre part empruntent en sens inverse le sillon rhodanien. La présence du fleuve permet le développement des villes comme Arles, Avignon, Lyon ou Vienne qui profitent de leur atout géographique à la croisée du Rhône et des axes de communication terrestres et maritimes. Les franchissements du fleuve participent également de manière déterminante à l’histoire des villes et des territoires.
Tout au long de son cours, le Rhône compte de nombreux ponts routiers, autoroutiers, ferroviaires, piétonniers, ou mixtes. Le pont de Chancy est le seul pont qui franchit la frontière entre la Suisse et la France sur le Rhône, sans compter le barrage de Chancy-Pougny qui peut aussi faire office de pont pour les collaborateurs de l'exploitation.
En France, depuis 1987, Territoire Rhône est un organisme public créé pour assurer la liaison entre les collectivités territoriales et favoriser la cohérence des actions menées au fil du Rhône[60].
En Suisse, l'administration fédérale, en particulier l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) et l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), se coordonne avec les cantons concernés: Valais, Vaud et Genève, ainsi qu'avec les instances françaises. Dès le 28.10.2020, la Suisse s'apprête à renégocier avec la France un accord-cadre sur le Rhône. Des évaluations montrent que la collaboration actuelle est fonctionnelle, elle respecte la Convention d'Helsinki sur les eaux transfrontières. Cependant le gouvernement suisse souhaite améliorer la perspective globale face au défi climatique[61].
Le fleuve est officiellement reconnu comme pollué par l'État français au moins au regard des polychloro-biphényles (PCB)[62],[63].
En 1986 à Genève, face à des projets destructeurs, des pollutions de l'eau des affluents et d'autres menaces, une initiative cantonale est lancée. Elle propose une loi sur la protection du site naturel du Rhône[64]. La Loi sur la protection générale des rives du Rhône (L 4 13) est adoptée le 27.01.1989 et entrée en vigueur le 01.04.1989[65].
De plus sa température moyenne tend à augmenter (+1 à +2 °C sur 30 ans pour les moyennes annuelles[66]), de même que celle de ses affluents (température mesurée précisément sur 30 ans, chaque heure, sur une quinzaine de stations[66]). Ces augmentations sont plus marquées sur le Rhône aval et ses affluents chauds, et le réchauffement est le plus important au printemps et en été (hormis sur les stations soumises à un régime hydrologique nivo-glaciaire)[66]. Or, une eau qui se réchauffe perd une partie de sa capacité à conserver son oxygène dissous. Les données disponibles ne permettent pas de faire la part des causes climatiques et de celles liées à l'artificialisation du cours (lacs de barrages…) ou au réchauffement par les centrales nucléaires. Dans le cadre du dérèglement climatique, ce réchauffement pourrait se poursuivre[67].
Entre la source et l'embouchure du Rhône, sept zones humides sont inscrites comme sites RAMSAR[68].
Le site Rhonegletschervorfeld est centré sur la source qui s'écoule du glacier, la partie inférieure de celui-ci et la surface de terrain découverte par le retrait des glaces[69]. Il est remarquable comme plaine alluviale alpine, par le cours du Rhône non réglementé et une grande biodiversité. Il inclut des associations pionnières et des étapes successives jusqu'à la forêt de mélèzes. Il accueille de nombreuses espèces en danger inscrites sur la liste rouge. Ce site est aussi protégé aux niveaux du canton du Valais, et de la Confédération, par l'Office fédéral de l'environnement OFEV, Division Espèces, écosystèmes, paysages. Il est particulièrement menacé par les changements climatiques qui accentuent le recul des glaces et diminuent l'enneigement, ce qui affecte la végétation et le régime des eaux en aval[70].
Le site des Grangettes englobe une zone marécageuse du delta du Rhône et l’extrémité est du Léman entre Saint-Saphorin et Saint-Gingolph[71]. La réserve naturelle a reconstitué des zones humides que les travaux de maîtrise du cours du Rhône avaient supprimées au XXe siècle[72].
L’Impluvium d'Évian est une zone humide située sur le plateau de Gavot, entre les préalpes et la pente qui rejoint la berge du Léman, au-dessus de la ville d’Évian-les-Bains[73]. Ses références administratives sont le canton d’Évian, l’arrondissement de Thonon-les-Bains, le département de la Haute-Savoie, la région Auvergne-Rhône-Alpes et la France. Il est remarquable par la diversité et la qualité de ses zones humides, d’une surface de 200 hectares sur les 3 275 ha de tout le site. Il fait partie d’un système hydrologique qui recueille et infiltre les eaux pluviales et de ruissellement qui produisent les eaux minérales d’Évian. Ses habitats comprennent des prairies humides, des tourbières, des sources, des bas-marais, un petit lac et des bois tourbeux. On y trouve trente-trois espèces végétales rares. Le site est protégé selon les catégories UICN au niveau national par des arrêtés de biotopes et au niveau européen selon Natura 2000.
Le site Rives du Lac Léman est situé en Haute-Savoie sur la rive gauche du lac, ses coordonnées sont Latitude : 46° 21’ 15’’ N, Longitude : 06° 22’ 53’’ E. Il rassemble diverses zones d’intérêt écologiques, dont la réserve naturelle du Delta de la Dranse, le domaine de Ripaille, la réserve de chasse au gibier d’eau d’Excenevex et les dunes lacustres de Sciez, sur une surface de 1 915 ha. Il protège la principale concentration d’avifaune hivernante du Léman (20 000 oiseaux) et offre des frayères aux truites du lac[74].
Ce site, qui englobe la totalité du fleuve dans le canton de Genève ainsi que deux de ses affluents, s'étend de la Rade de Genève (peu avant la sortie du Léman) à la frontière française ; il comprend aussi leurs berges, ainsi que des zones humides et des espaces boisés ou riches en biodiversité[75]. La portion située au niveau du barrage de Verbois est inscrite comme Important Bird Areas IBA. Il jouxte en amont la zone ornithlogique IBA 07 « Lac Léman : Versoix – Hermance – Genève » et à l'aval la zone protégée sur France « Haute chaîne du Jura : Défilé de l’Écluse, Etournel[76] et Mont Vuache » IBA FR 172[77].
Ce site comprend le lac du Bourget et les zones marécageuses de Chautagne. Il est relié au Rhône par le canal de Savière qui lui sert d'émissaire, sauf lors de crue lorsque le courant s'inverse pour fournir au Rhône un déversoir[78]. Avant les travaux de régulation du niveau du lac, les fluctuations étaient plus fréquentes. Le lac, les roselières et les zones humides des alentours accueillent de nombreuses espèces d'oiseaux pour la nidifcation, un repos sur la route des migrations ou un lieu d'hivernage[79].
Situé au delta du Rhône qui aboutit dans la mer Méditerranée, dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, ce site de 85 000 ha comprend plusieurs étangs (14 758 ha) et des marais, avec un gradiant de salinité, à une altitude de 4 à 0 m. Divers milieux naturels occupent environ la moitié de la surface, dont des sansouïres (mot provençal pour pré-salés), dunes, pelouses et bois. L'agriculture occupe 26 % de la surface, avec de la riziculture et de l'élevage, les salins 17 %. Le site, la flore et la faune sont menacés par la pollution de l'eau du Rhône, les pesticides agricoles, la démoustication, des projets de constructions de ponts et d'équipements touristiques, les perturbations de la dynamique des plans d'eau temporaires pour la chasse, ainsi que la tuerie illimitée de 100 000 à 150 000 canards chaque hiver. Au niveau international, il est inscrit comme Réserve de biosphère de l'UNESCO et UE Natura 2000 ; au niveau national il y a une réserve, le parc naturel régional et des réserves de chasse[80].
« […] Il parut alors dans les Gaules un grand prodige au fort de l’Écluse, situé sur une montagne au bord du Rhône […] »