En 1891, alors qu'il commence à collaborer à La Revue blanche, il prend pour pseudonyme « Tristan », le nom d'un cheval sur lequel il avait misé avec succès aux courses.
En 1894, il publie en collaboration avec Pierre Veber« un recueil de fantaisies, Vous m'en direz tant ! »[3] et, l'année suivante, sa première pièce, Les Pieds nickelés, un triomphe qui détermine une longue carrière de dramaturge à succès. Plusieurs de ses pièces seront d'ailleurs adaptées au cinéma.
En 1904, il fait partie de la première rédaction de L'Humanité, le journal de Jean Jaurès. Par quelques articles, il contribue en 1917 aux débuts du Canard enchaîné. Il préside les banquets pour les numéros-anniversaires du journal en 1931 et 1934. Il aurait, par ailleurs, inventé le jeu des petits chevaux[4].
Proche de Léon Blum, Jules Renard, Lucien Guitry, Paul Gordeaux, Marcel Pagnol, et de bien d'autres artistes, Tristan Bernard se fait connaître pour ses jeux de mots, ses romans et ses pièces, ainsi que pour ses mots croisés. Il contribue aussi largement au genre policier par son recueil Amants et Voleurs (1905), mais aussi avec plusieurs romans : L'Affaire Larcier (1907), Secrets d'État (1908), récit d'un complot contre le souverain de l'État imaginaire de Bergensland. Mathilde et ses mitaines (1912) met en scène la farfelue Mathilde Gourgeot qui préfigure le type de femme détective amateur qu'on retrouve beaucoup plus tard chez Erle Stanley Gardner, Maurice-Bernard Endrèbe et quelques autres. Le Taxi fantôme (1919) oppose un historien et un politicien véreux, qui briguent tous deux un poste d'académicien. Son avant-dernière contribution, Aux abois (1933), écrite sous forme d'un journal intime, est sous-titrée Journal d'un meurtrier[3]. Il publie un dernier roman policier avec Visites nocturnes (1934).
« Sans doute que je serai vieille, Dit la marquise, cependant J'ai vingt-six ans, mon vieux Corneille, Et je t'emmerde en attendant. »
Pendant l'Occupation allemande, il habitait rue Villaret-de-Joyeuse, menacé comme Juif, il se réfugie à Cannes où il vit à l'hôtel Windsor. À son ami, le scénariste Carlo Rim qui le presse de venir se cacher chez lui la nuit, il répond : « À mon âge, on ne découche plus ! » et d'ajouter : « Savez-vous que je figure dans le Petit Larousse ? On n'arrête pas quelqu'un qui figure dans le Petit Larousse »[6]. Son ami Roland Dorgelès le presse aussi de venir se cacher chez lui à la campagne. Il est arrêté avec sa femme par les Allemands en septembre 1943 alors qu'il venait d'acheter les billets de train pour le rejoindre[7]. Arrêté en tant que juif, il est interné au camp de Drancy ; à son départ pour ce camp, il a cette phrase : « Jusqu'à présent nous vivions dans l'angoisse, désormais, nous vivrons dans l'espoir. »
Il est libéré le [8] grâce à l'intervention de Sacha Guitry[9] et de l'actrice Arletty. Il avait refusé une première fois sa libération, ne voulant pas laisser sa femme, Mamita. Il confie à l'avocat Maurice Garçon : « Je n'ai jamais aimé apprendre l'histoire mais cet embêtement n'est rien auprès de l'obligation de la vivre[10]. »
Son petit-fils François-René, l'un des fils de Jean-Jacques, est arrêté comme résistant et déporté à Mauthausen où il meurt ; Tristan Bernard ne se remet jamais de cette disparition.
Mort à Paris le au 43, rue Charles Floquet (une plaque lui rend hommage) dans le 7e arrondissement[11], Tristan Bernard est inhumé au cimetière de Passy (16e arrondissement)[12], dans la 10e division. Suzanne Rebecca Bomsel, sa première épouse meurt en 1928[13] et Agathe Marcelle Reiss, « Mamita », sa seconde épouse, qui repose avec lui, en 1952.
Tristan Bernard se marie le dans le 3e arrondissement de Paris, avec Suzanne Rebecca Bomsel, se déclarant à cette occasion avocat à la cour d'appel[14]. Il a trois fils de cette union. Le premier, Jean-Jacques, est un auteur dramatique, promoteur du « théâtre du silence» (Martine), qui témoigna également sur l'univers concentrationnaire (Le Camp de la mort lente, Le Pain rouge). Le deuxième, Raymond, est un réalisateur de cinéma, avec notamment en 1934, Les Misérables, la première version cinématographique sonore, en noir et blanc, une des plus fidèles adaptations en trois volets. Le cadet, Étienne, professeur de médecine, phtisiologue, contribue à la promotion de la vaccination et la diffusion du BCG.
Tristan Bernard est par ailleurs le beau-frère du dramaturge Pierre Veber[15] et de Paul Strauss, sénateur de Paris.
Buste de Paul Bernard dit Tristan Bernard, œuvre de Josette Hébert-Coëffin (1907 - 1973) est situé sur la place Tristan-Bernard (17e arrondissement de Paris), nommée en sa mémoire en 1953 sur des portions des rues d'Armaillé, Saint-Ferdinand, Pierre Demours et Guersant, de chaque côté de l'avenue des Ternes.
Tristan Bernard est nommé chevalier de l'ordre national de la Légion d'honneur en 1903, officier en 1913, commandeur en 1928 et élevé à la dignité de grand-officier en 1939[18].
« En 1914, on disait « on les aura », eh bien maintenant, on les a. »
« Comme c'est triste d'avoir si peu d'occupation dans un pays si occupé. »
« Tous les comptes sont bloqués, tous les Bloch (prononcer Bloc) sont comptés. »
À sa femme après son arrestation par les Allemands : « Jusqu'à présent nous vivions dans l'angoisse, désormais, nous vivrons dans l'espoir. »
À son départ pour le camp de déportation,
« De quoi avez-vous besoin M. Tristan Bernard ? —D'un cache-nez[19]. »
« La mort, c'est la fin d'un monologue. »
« Il vaut mieux ne pas réfléchir du tout que de ne pas réfléchir assez. »
« Un jour on verra surgir à l’horizon des menaces de paix. Or nous ne sommes pas prêts. » (Le Poil civil, 1915).
Tristan Bernard est également connu pour ses grilles de mots croisés, pleines d'esprit et de malice. Contrairement à une idée reçue, ce n'est pas à lui que l'on doit cette définition en 8 lettres, « Vide les baignoires et remplit les lavabos » (réponse : l'entracte), mais à Renée David[20]. En revanche, on lui doit bien celles-ci : « Ne reste pas longtemps ingrat » (réponse : l'âge), « Lève son drapeau en signe de liberté » (réponse : un taxi), « Suit le cours des rivières » (réponse : un diamantaire) et « Moins cher quand il est droit » (réponse : un piano).
Tristan Bernard, un grand absent de l'Académie française, qui aimait dire : « Je préfère faire partie de ceux dont on se demande pourquoi ils ne sont pas à l’Académie plutôt que de ceux dont on se demande pourquoi ils y sont. »
Le Narcotique ; La Morale et le Hasard ; Révélation ; Expédition nocturne ; La Maison du crime ; Une opération magistrale ; Le Triomphe de la science ; Le Coup de Cyrano ; Un mystère sans importance, Radio-Paris, 1930. Réédition De Varly en 2019
Amants et Voleurs (1905), édition bibliophilique en 1927 illustrée par André Dignimont
Citoyens, Animaux, Phénomènes (1905)
Auteurs, Acteurs, Spectateurs (1909)
Les Veillées du chauffeur (1909)
Sur les grands chemins (1911)
Le Poil, organe en principe hebdomadaire des réserves de l'armée inactive, hebdomadaire (1915)
Souvenirs épars d'un ancien cavalier (1917)
Le Lion, cours texte dans l'hebdomadaire « Le Canard Enchainé » (1918)
Tableau de la boxe (1922)
Autour du ring : tableau de la boxe (1925)
Mots-croisés, cinquante problèmes (1925)
Nouveau recueil de cinquante problèmes de mots croisés (1930)
Les Parents paresseux (1932)
Voyageons (1933)
Compagnon du Tour de France (1935)
60 années de lyrisme intermittent (1945), dont il offrit un exemplaire à Sacha Guitry avec cet envoi : "A mon vieil ami Sacha...qui m'a tiré - je ne l'oublierai jamais - des griffes allemandes. Tendrement". (no 118 du catalogue de la vente de la bibliothèque Sacha Guitry, 25/03/1976 - arch.pers.)
Nouveaux mots croisés, avec la collaboration posthume de Jean de La Fontaine (1946)
Paul Blanchart, Tristan Bernard, son œuvre, portrait et autographe, document pour l'histoire de la littérature française, Éditions de la Nouvelle Revue critique, 1932 (OCLC4563862)
↑"Mémoires d'une vieille vague" de Carlo Rim, éditions Gallimard, 1961, page 152.
↑Témoignage de Dominique Nohain dans Télé 7 Jours no 808, semaine du 8 au 14 novembre 1975, page 74, article de Paulette Durieux : "Dominique Nohain a rendu son nom au Théâtre Tristan-Bernard".
↑Journal 1939-1945 de Maurice Garçon, éditions Les Belles Lettres/Fayard, 2015, p.504 à la date du 22 octobre 1943 : « Je sors de rendre visite à Tristan Bernard. Il est libéré depuis hier ainsi que sa femme. Ils se sont réfugiés chez Jean-Jacques Bernard, rue Eugène Flachat »
↑« Tristan Bernard fut libéré huit jours après son arrestation. De chez son fils, il écrivit à Sacha sa reconnaissance profonde. », cité par Dominique Desanti, dans Sacha Guitry, 50 ans de spectacle, Grasset, 1982, p. 300.
↑Journal 1939-1945 de Maurice Garçon, éditions Les Belles Lettres/Fayard, 2015, p. 505 à la date du 22 octobre 1943.