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Louis Bocquillon, dit Wilhem ou Bocquillon-Wilhem (, Paris – , Chaillot), est un compositeur de musique et pédagogue français.
Il est considéré comme le restaurateur en France du chant choral populaire[1] en réinstallant dans les écoles primaires de Paris le chant choral qui y avait disparu avec la Révolution française[2]. Wilhem initie le mouvement choral populaire des orphéons grâce à une méthode d'enseignement mutuel qui porte son nom[1].
Eugène Delaporte a poursuivi son œuvre orphéonique[3].
Vers 1830, Wilhem rassemble les élèves les plus doués des écoles, pour chanter ensemble. Le , dans une école située 7 impasse Pecquay à Paris, il tient la première réunion mensuelle d'une société chorale déclarée qu'il baptise en hommage au poète et musicien de la mythologie grecque Orphée : l'Orphéon. Cette initiative remporte un grand succès. Quelques mois plus tôt, le , il a fait chanter 100 enfants entre les discours prononcés lors de la troisième exposition publique d'horticulture qui se déroulait à l'Orangerie des Tuileries[4].
Wilhem organise la première audition publique de l'Orphéon de Paris, salle Saint-Jean, à l'Hôtel de Ville. À cette occasion, il a convié Cherubini, qu'il connait. Ce dernier vient à regret, se plaignant d'être dérangé « pour entendre des ponts-neufs braillés par des marmots et par des ignorants[5]. » À l'écoute, il change bientôt d'avis et, à la fin du concert, il s'approche de Wilhem, et lui dit : « Mon ami, tu ne feras pas fortune à ce métier mais tu fais une grande chose pour l'avenir et pour ton pays[6]. »
Béranger lui écrit vers la même époque :
« Ta gloire est grande. Grâce à ton enseignement, la voix des travailleurs se perfectionne, se plie aux savants accords. Tu rends l'art familier, tu sanctifies l'atelier, tu purifies la guinguette. La musique épandant ses flots jusqu'en bas, nous verrons, ivres de son onde, les soldats, les laboureurs, les artisans. Ce concert, puisses-tu l'étendre au monde que les guerres divisent :
Les cœurs sont bien près de s'entendre Quand les voix ont fraternisé. »
Les sociétés chorales vont par la suite se multiplier en France. C'est le démarrage du mouvement musical de masse des orphéons. A cette occasion « Orphéon » devient un nom commun. Il s'exporte même dans la péninsule Ibérique[a]
La Société pour l'instruction élémentaire donne le son entière approbation à la méthode dont Wilhem est l'auteur et le fait nommer professeur titulaire de chant pour la ville de Paris[7]. Cette même société lui décerne deux récompenses : en 1821, une médaille d'argent, puis, en 1826, la grande médaille d'or[8].
La même année, il est chargé de la direction générale du chant dans les écoles élémentaires de Paris[8]. On lui adjoint, comme répétiteur, son meilleur et son plus ancien élève, Joseph Hubert.
Dix écoles ont en 1826 des cours spéciaux de chant, douze autres se préparent à en ouvrir, et de toute la France, comme de l'étranger, de nombreux visiteurs viennent étudier la méthode Wilhem.
Le , le ministre de l’Instruction publique, sur le rapport d’Orfila, fait distribuer deux cents exemplaires des tableaux Wilhem dans les écoles primaires de France, aux frais de l’Université[8].
En 1835, le conseil municipal de Paris introduit des cours de chant dans trente écoles nouvelles et fait accorder à Wilhem, avec la croix de la Légion d'honneur, le titre de directeur-inspecteur, au traitement annuel de 6 000 fr.
Wilhem, secondé par ses élèves Joseph Hubert et Pauraux, donne une grande impulsion à l'Orphéon, et ouvre des cours gratuits pour les adultes dans trois arrondissements[8]. Nommé l'un des examinateurs à la délivrance des brevets de capacité, il reçoit, le , le titre de délégué général pour l'inspection de l'enseignement universitaire du chant.
L'année suivante, en 1840, il est nommé inspecteur délégué du chant pour l'École normale de Versailles[8].
La même année, Hullah, membre délégué du conseil d'éducation de la Grande-Bretagne, visite à Paris les écoles d'adultes et dès 1841, il fait imprimer, à Londres, la traduction des tableaux et du corps de la méthode Wilhem[9]. Une classe est, dans le même temps, ouverte à Exeter Hall, qui ne compte pas moins de 1 700 élèves.
De 1841 à 1842, le chant est introduit, à Paris, d'après la méthode Wilhem et sous sa direction, dans toutes les écoles de frères et dans plusieurs écoles de sœurs.
En 1841, Béranger dédie à Wilhem une chanson à la gloire de son œuvre maîtresse : L’Orphéon.
Le mouvement choral initié par Wilhem avec sa méthode est une grande réussite qui l'a rendu célèbre. En 1842, Paris compte plus de 4 000 enfants et environ 1 200 adultes qui se livrent à l'étude de la musique et la pratique du chant choral[6].
Lorsque Wilhem succombe à une flexion de poitrine[8], le comité central pour l'instruction primaire arrête, dans sa séance du , qu'en raison des services rendus par Bocquillon Wilhem à l'enseignement primaire, une députation de sept membres accompagnera le corps du défunt jusqu'à sa dernière demeure. Les comités locaux et spéciaux d'instruction primaire de la ville de Paris sont également priés d'envoyer au cortège une députation. Aux obsèques on peut voir le conseil royal de l'instruction publique, représenté par Orfila ; le conseil municipal de Paris, par Boulay de la Meurthe et Périer ; l'Académie française, par Rousselle ; la Société pour l'instruction élémentaire, par Francœur, Jomard, Demoyencourt, Auguste Bessas-Lamégie, Trélat, Lebeuf, etc. Alexis Wilhem suivait le corps de son père, avec ses amis Eugène Delaporte, Charles Malo, Béranger, Antier et Lebrun. Les orphéonistes des écoles communales viennent ensuite, sous la conduite des instituteurs et des institutrices.
Le service funèbre est célébré à l'église Saint-Sulpice ; trois discours sont prononcés au cimetière du Père-Lachaise où il est inhumé[10] : le premier, par Périer, au nom de la ville de Paris ; le deuxième, par Demoyencourt (d), au nom de la société d'enseignement élémentaire ; le troisième, par Joseph Hubert, au nom des élèves. Un auditoire immense entoure les orateurs et le cercueil.
L'œuvre de Wilhem ne s'interrompt pas après sa disparition. Joseph Hubert lui succède à la présidence de l'Orphéon et au poste de délégué général du chant des institutions élémentaires de Paris. Cependant qu'Eugène Delaporte se charge du développement des orphéons en province[11].
En 1843, à Paris, la méthode Wilhem est chantée journellement par cinq mille enfants dans les écoles, et par mil quinze adultes aux cours du soir. Le même enseignement est donné dans trois écoles supérieures, cinquante-trois écoles mutuelles, vingt-sept écoles de frères, trois écoles de sœurs, et douze classes d'adultes. Il est en outre introduit dans le gymnase musical militaire dirigé par Carafa, et recommandé à toutes les écoles régimentaires par le Ministre de la guerre. L'Orphéon est à son tour, une pépinière de jeunes professeurs qui, transplantés sur tous les points du globe, y font fructifier la semence qu'ils ont reçue.
Deux chants funèbres sont composés à l'occasion de la disparition de Wilhem : l'un par Joseph Hubert, sur des paroles de Charles Malo, l'autre par Sigismond von Neukomm, sur des paroles de Lefèvre.
En 1890, une rue du 16e arrondissement de Paris est baptisée rue Wilhem. Elle donne son nom à une station de métro, qui sera rebaptisée Église d'Auteuil en 1921. Ce renommage est motivé par l'anti-germanisme suivant la Première Guerre mondiale, Wilhem pouvant rappeler le nom de l'empereur Guillaume II.
En 1924, un monument à l'Orphéon, Wilhem et son continuateur Eugène Delaporte, œuvre du sculpteur Henri-Louis Richou, est érigé dans une courette de la rue de Bretagne près de la mairie du 3e arrondissement de Paris. On peut le voir, déplacé en 1990 non loin de là, dans le square du Temple[12].
L'heure de l'étude sonnée, les écoliers, divisés en huit classes, forment un hémicycle, et, sur un signe du moniteur, armé du diapason, chaque degré opère selon sa force.
La théorie devant précéder la pratique, tandis que le premier rang trace sur le sable la figure des notes, le second rang écrit, sur l'ardoise, huit mesures à intervalles de secondes. Le troisième rang écrit huit mesures de tierces ; le quatrième, huit mesures de quartes, ainsi de suite, jusqu'à la huitième classe, qui chante tandis que les autres s'occupent de la théorie appelée dictée parlée. Dans cette étude, les élèves nomment la note sans intonation. On se sert pour cela d'un tableau dont les notes et les clefs mobiles obéissent à la baguette du moniteur.
De la théorie on passe à la pratique, et les mêmes classes, dans le même ordre, chantent pendant cinq minutes chacune. Lorsque les quatre premières se sont ainsi exercées, les classes deux à sept chantent, simultanément ; un sextuor accompagné par la huitième classe. Dans cet exercice, chaque degré rencontre les difficultés qu'il peut connaître, et l'on comprend quelle patience il a fallu unir au talent pour composer des mélodies où la leçon n'est jamais oubliée.
Par ce mode d'enseignement, la récompense est le prix de l'application ; chaque élève, à son tour, peut devenir maître ; car toujours un degré supérieur conduit un degré inférieur. Écrire d'abord, chanter ensuite en chœur ce qu'on a écrit séparément, c'est opérer selon la méthode Wilhem.
Sebald Heyden, dès l'an 1537, a eu le premier l'idée d'une portée sans notes ; Pierre Galin[13], de Bordeaux, a fait aussi usage, avant 1818 (date de la publication de la méthode), d'un tableau appelé méloplaste ; deux baguettes promenées sur ou entre les lignes d'une portée musicale, figuraient, par leur bout arrondi, la note qu'on voulait désigner ; les accidents se marquaient par l'inclinaison de ces mêmes baguettes. On ne sait lequel des deux fut le premier, même si la publication par Wilhem semble antérieure d'un an.
Un rapport établi le , par M. Francœur, au nom d'une commission d'examen, dit :
« Depuis l'an 1817 que les procédés ingénieux de M. Wilhem nous ont été connus, M. Galin a, de son côté, mis en pratique un moyen semblable à l'indicateur vocal, et l'a présenté avec succès à Bordeaux et à Paris, sous le titre de méloplaste. Il importe de garantir M. Wilhem de l'accusation de plagiat, et de constater que, depuis cinq mois, son procédé était en usage dans nos écoles, et qu'il était connu de nous depuis deux ans. »
Par sa relative simplicité, cette méthode s'est rapidement généralisée.